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«Les “petits gestes” doivent être des leviers et non des alibis»

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Que peut faire l’école pour contribuer à faire prendre conscience aux enfants de l’urgence d’opérer la transition écologique et de lutter contre le dérèglement climatique?

Il y a toujours la tentation, dans notre pays, lorsque se pose un problème, de faire appel à l’école qui doit éduquer les enfants à… L’école peut susciter des prises de conscience, mais les élèves peuvent aussi constater leur impuissance et leur angoisse, comme le font dans ce dossier des jeunes interrogés à ce sujet. Comment susciter l’espoir d’un changement doit être une préoccupation majeure pour éviter le « on est fichu ». Et comment conjuguer les « petits gestes » et la nécessité d’une action mondiale ? Les premiers doivent être des leviers et non des alibis. Plusieurs contributions proposent d’utiles pistes de travail pour avancer.

Par ailleurs, nous nous acheminons vers une crise climatique au milieu de ce siècle. Les enfants scolarisés actuellement seront les dirigeants de demain, ceux qui prendront des décisions au moment où l’humanité devra se positionner. En transmettant des valeurs de solidarité, de collectif et de protection de notre environnement, l’école permettra sans nul doute un avenir plus serein.

Y a-t-il des pratiques pédagogiques plus adaptées que d’autres pour cela ?
De nombreux articles évoquent des projets, des activités interdisciplinaires, une pédagogie active et impliquante. Bien sûr, les connaissances sont indispensables, d’où une réflexion sur les programmes. Ils ont un peu évolué, mais insuffisamment sans doute, et ne sont toujours pas à la hauteur du défi. Mais ces connaissances doivent s’appuyer sur des pratiques comme par exemples celles encouragées par La main à la pâte. Des dispositifs abandonnés ou quasiment comme les TPE (travaux personnels encadrés) ou les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) permettaient pourtant ce type de pédagogie. Il faut les réactiver.

Au-delà de ces activités, il est également indispensable d’outiller les élèves pour appréhender le monde qui les entoure. Une bonne connaissance scientifique pour comprendre les enjeux et les articles qui décriront les difficultés à venir ; un esprit critique suffisamment développé pour évaluer les sources et les contenus de toutes ces informations diffusées sur les réseaux sociaux, sont autant de compétences à acquérir au cours de la scolarité.

Quant aux pratiques, le travail en groupe, par pédagogie de projet, permet d’impliquer les élèves davantage.

Mais au-delà de ces moments forts, dans le cœur de la classe, l’action quotidienne, que cela soit dans le choix de l’exercice en mathématiques, l’étude d’un poème en français ou en langues vivantes, toutes les matières peuvent participer à ce sujet. Les compétences citées ne sont pas nouvelles, elles sont à la fois prévues dans le socle commun et dans les programmes, et sont travaillées par tous les professeurs de la maternelle à l’université. La transition écologique est un défi pour chacun. Elle remet en cause le confort, les habitudes, pour le bienêtre collectif.

Peut-on agir sur ces urgences à l’école-même ?
Plusieurs articles présentent des actions menées à l’intérieur-même de l’école : quand il s’agit de prendre conscience de son environnement immédiat, de contribuer à économiser l’énergie ou à mesurer la qualité de l’air. L’expérience des lycées agricoles est fort instructive : ils sont souvent à la pointe de la nécessaire transition écologique pour les domaines qui les concernent. Le contact avec la nature est aussi important en ce qu’il est une force de motivation pour les élèves à s’investir maintenant et plus tard pour le climat et la biodiversité.

Rendre possible aux élèves d’agir au sein de l’établissement ou de l’école permet de fait à chacun de diffuser ensuite ces « petits gestes » ou réflexions au sein de leur famille et dans leur quotidien. Ce sont les meilleurs ambassadeurs d’un changement plus global. Les adultes peuvent également s’investir dans cette nécessaire transition. L’organisation de l’école, du collège ou du lycée peut parfois être repensée. La gouvernance, la gestion des déchets et des énergies, la préservation de la biodiversité, l’utilisation des circuits courts pour les fournitures, la solidarité avec les habitants du quartier, autant de projets possibles que nous montrent certains auteurs du dossier.

Comment s’est construit ce dossier? Quel est votre regard sur les contributions reçues?
Nous avons eu, en fait, de très nombreuses propositions et, à un moment donné, nous avons dû stopper l’appel à contributions ; nous voulions éviter les redondances (les actions autour des déchets par exemple) et nous avons juste indiqué des liens pour certains témoignages ou réduit ceux-ci à des encadrés. Nous sommes heureux d’avoir pu jeter un regard sur d’autres expériences internationales de pays différents. Et nous avons eu le souci de solliciter tous les niveaux de la scolarité, car la question climatique doit être abordée dès le plus jeune âge.

Le numéro a été conçu et achevé avant le début de la crise du Covid-19. Ce que l’on vit actuellement va-t-il «secouer» davantage les esprits et favoriser la prise de conscience de l’urgence écologique selon vous?

Peut-être oui, mais parlons avec prudence. En tout cas, dans les mois qui viennent, l’école pourrait relier les questions de santé et celles de l’environnement, en évoquant la biodiversité, la qualité de l’air, la nécessité d’un certain retour au local dans l’alimentation, etc. L’importance de l’esprit critique et scientifique peut aussi être remise en avant, face aux rumeurs, aux infox, qu’elles concernent la santé ou le climat. Et plus que jamais doivent être valorisés les projets, dans une perspective interdisicplinaire qui, par exemple, conjugue les approches scientifique et humaniste, ce que nous disent de nombreuses contributions du dossier.

Propos recueillis par Cécile Blanchard