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Les graines de la réussite

Le lycée professionnel agricole Albert Schweitzer accueille à quelques kilomètres d’Auxerre des élèves en filière services à la personne et vente de produits alimentaires. A la tête de l’établissement public d’enseignement agricole des Terres d’Yonne depuis la rentrée 2012, Fréderic Slosiar poursuit le projet initié par son prédécesseur Jean-François Besson, lorsqu’il était enseignant d’EPS.

Comme beaucoup de belles idées, «Graines de Mômes» est née lors d’une discussion informelle avec l’ancien proviseur et un enseignant en éducation socioculturelle. «Nous voulions voir les élèves sous un autre angle, en dehors des cours ». Le Bac Pro SAPAT (Services aux personnes et aux territoires) vient d’être rénové et son module d’Enseignement à l’Initiative de l’établissement (EIE) est une voie à explorer pour mettre en œuvre de nouvelles initiatives. Plusieurs principes sont définis : le festival destiné aux enfants de 4 à 12 ans sera populaire, inscrit dans une certaine idée du service public. L’approche sera pluridisciplinaire et l’évènement sera support d’évaluation. Les élèves seront fortement impliqués.
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Une équipe se met en place, associant les enseignants d’économie, d’EPS, d’éducation socioculturelle et d’éducation sociale et familiale. Les secondes sont chargées du décor et de l’animation de la journée dans le cadre de l’EIE « animation ». Les classes de première organisent le projet tout au long de l’année, recherchent les spectacles et assurent la communication. Leur travail s’inscrit dans le module « Animation à destination d’un territoire rural » prévu par le référentiel. En début d’année, ils choisissent un axe et par groupe de 5 à 6 définissent plus précisément le projet qu’ils peaufineront tout au long de l’année.

Les CAP Services en milieu rural participent aussi à la mise en œuvre du festival. Originaires pour la plupart de Segpa, de classes Ulis ou encore d’Institut médico-éducatif mais aussi de 3e générale, leur participation active est un moyen sûr de mettre en avant leurs savoir-faire et de prendre confiance dans des capacités peu révélées par l’école. Et les résultats sont là. Un tiers de la promotion précédente est passée en 1re Bac Pro, avec toutes les chances de réussir.

« Nos élèves ont du talent » constate Fréderic Slosiar au regard du succès des trois éditions précédentes. Car ce sont eux qui prennent en charge la préparation et la réalisation de « Graine de Mômes ». L’an passé, trois cents visiteurs sont venus participer aux ateliers et assister aux deux spectacles. Le festival n’est pas uniquement un support d’évaluation. Il constitue un support pédagogique qui évolue au fil des années, s’enrichissant de l’expérience acquise et des idées nouvelles amenées par les enseignants. La première année, il se déroulait sur deux jours avec l’accueil le vendredi de classes de primaire et de maternelle. Puis le jeudi a été rajouté pour faire face à l’afflux de demandes. Cette année, seul le samedi, journée destinée aux familles, a été conservé avec une programmation plus dense. « Nous évitons de nous installer dans la routine pour faire vivre l’évènement » précise le proviseur. Faire durer le festival, c’est aussi chaque année le réfléchir à nouveau pour que la créativité et l’enthousiasme soient au rendez-vous.

Le programme du 24 mai est riche, composé par les élèves, avec chaque fois un objectif précis pour la quinzaine d’ateliers prévus. A côté des traditionnelles activités manuelles, des kapla, de l’initiation à la photographie, une « boiboite » accueillera les apprentis chorégraphes et danseurs. Une activité golf sera même proposée par les élèves de la section sportive du lycée. Les ateliers sont imaginés pour que les enfants apprennent en s’amusant et repartent avec une production.
A l’honneur cette année, deux spectacles originaux : Paul-Henri Jeannel et son atelier spectaculaire « chapeau magique » initiera les enfants à l’origami géant avec des créations individuelles de chapeaux extraordinaires tout au long de la journée tandis que la compagnie A&O se produira à deux reprises l’après midi pour un spectacle intimiste autour de la notion de relation « A&O présentent & ». A et O sont les parents-clown d’un enfant « & » qui fait lien entre eux…
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Pour que la journée soit belle, les organisateurs doivent faire preuve de professionnalisme, penser au moindre détail. Ils ont communiqué, négocié, pris en compte les réglementations en matière de spectacle et de manifestation publique, conçu des animations correspondant aux publics prévus. Bref, ils mettent en œuvre dans des situations concrètes un grand nombre de compétences des référentiels professionnels, mais aussi celles liées à la formation générale qui trouvent dans ce contexte un sens nouveau pour chaque élèves. Pour le proviseur, « c’est beaucoup plus efficace de travailler dans le vrai». Par exemple, concevoir une affiche pour une manifestation qui va avoir lieu implique d’aller jusqu’au bout de sa réalisation en incluant les étapes de recherche d’un imprimeur et du bon à tirer. La voir ensuite sur les vitrines des magasins et dans les lieux publics montre l’importance de ce travail mais également responsabilise les élèves en charge de sa réalisation.
Le festival est un jour J préparé de longue date en classe, en croisant les savoirs et les compétences dans une approche pluridisciplinaire. Les enseignants impliqués ont pensé leurs cours et leurs progressions pédagogiques avec comme fil rouge la réussite de ce jour J.

L’idée du festival est née aussi de l’envie d’inscrire un peu plus le lycée dans le paysage local. Les liens avec le territoire sont déjà forts. Par exemple, des animations auprès des écoles par les élèves de seconde SAPAT se font tout au long de l’année dans le cadre du périscolaire. Le festival est une journée particulière où tout l’établissement se met au service de la population environnante pour offrir un temps culturel et populaire partagé. En complément de l’équipe mobilisée toute l’année, des personnels viennent prêter main forte le jour du festival. Et nombreux sont ceux qui répondent présents, même un samedi.
Cette année, un enseignant de génie alimentaire a fabriqué pour l’évènement des sucettes avec ses classes de vente en produits alimentaires, les prémices sans doute à une implication de cette filière l’an prochain. Les personnels de service préparent les repas pour les visiteurs. Des élèves non organisateurs et même des anciens élèves sont là aussi pour aider.

Le festival fédère, rassemble en interne. Il bénéficie également de soutiens financiers du Conseil Régional, de la FNSEA ou encore de la commune de Champs-sur-Yonnen ce qui permet de proposer des entrées et des repas à cinq euros tout en gardant un budget équilibré. Pour gérer le festival, une association a été créée, une autre source d’apprentissages et de travail commun entre enseignants et apprenants.

Le samedi 24 mai, le lycée professionnel agricole Albert Schweitzer donne rendez-vous aux familles comme au soleil pour ce 4e festival « Graine de Mômes », avec à son seuil un proviseur heureux de voir, pour une nouvelle année encore, la belle idée devenir réalité. Créer une dynamique d’établissement autour d’un projet, favoriser la réussite de tous et de chacun, renforcer les liens avec les territoires, l’initiative originale laisse s’épanouir pour le chef d’établissement des compétences précieuses pour que le sens commun de l’école se partage et se vive ensemble.

Monique Royer