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Les élèves en difficulté, l’affaire de tous ou de spécialistes ?

Apprendre, c’est difficile. S’il est normal que les élèves soient parfois à la peine, le doute s’installe quand les difficultés s’accumulent, quand les obstacles deviennent insurmontables, au fur et à mesure que le temps et les leçons passent. L’élève qui n’avait jusque-là que des difficultés devient un élève en difficulté ; si on n’y prête pas attention, un élève en décrochage.
Qu’ils soient en réussite constante, qu’ils aient momentanément des difficultés, qu’ils soient en difficulté ou en décrochage, tous se retrouvent dans un même lieu, école, collège ou lycée, à suivre peu ou prou le même enseignement. Pour pallier aux difficultés des enseignants à accueillir ces élèves si différents, ce public si « hétérogène », des structures et des dispositifs d’aide se sont multipliés, avec l’effet paradoxal d’évacuer « les cas » qu’on ne saurait prendre en charge, comme pour préserver l’essentiel, la classe, le programme et les pratiques hérités du passé.
Depuis une dizaine d’années, on a vu le paradigme se renverser : après avoir confié les élèves en difficulté à des spécialistes et des structures adaptées, un long déroulé de textes règlementaires favorisent désormais leur intégration, puis leur inclusion pleine et entière dans l’école de tous. Louable intention voulant signifier que les élèves en difficulté sont l’affaire de tous, et pas seulement des spécialistes. La notion d’adaptation ne disparait pas pour autant : bien au contraire, il s’agit de la faire entrer dans les classes « ordinaires », dans le cadre de l’école « ordinaire ».
Les élèves en situation de handicap, élèves ayant des « besoins éducatifs particuliers », élèves en grande difficulté scolaire, tous viennent accentuer encore l’hétérogénéité des classes. Double injonction bien délicate pour les enseignants : la même norme pour tous, l’individualisation, voire la personnalisation des apprentissages pour chacun. Double écueil : la vaine prétention à gérer dans le même cadre collectif les élèves en difficulté, au risque de l’impuissance ; tout reporter sur des enseignants spécialisés, intervenant à l’extérieur de la classe, au risque de l’abandon. Mais voilà : croiser le fil des deux démarches pour retisser les apprentissages, plus simple à dire qu’à faire… C’est ce à quoi s’emploie ce dossier, sans solutions toutes faites, en guidant une réflexion sur tous ces points, en donnant des points d’appui pour travailler avec les élèves en difficulté, et les autres.
La première partie, Les difficultés en question, propose un état des lieux de la question, en interrogeant cette notion trop commode. Affirmer l’élève « en difficulté » comme catégorie conduit souvent à l’enfermer dans un destin scolaire peu enviable. C’est aussi oublier un peu vite que la difficulté en question est un problème de l’école avant d’être attribué à l’élève : qui est responsable de l’échec ? N’évitons pas la question.
Les deux parties suivantes développent, en vis-à-vis, les réponses possibles en marge de la classe et les réponses dans la classe. On rencontre ici les entrées et sorties des élèves en difficulté de l’école ordinaire et de la classe ordinaire. On retrouve les spécificités de l’aide que les spécialistes peuvent apporter aux élèves, mais aussi comment tout enseignant peut être investi par cette question, dans sa classe, avec tous les élèves. Au final, c’est la fluidité de ces allers-retours, c’est la complémentarité de tous qui peut participer à améliorer les apprentissages.
Dans un quatrième temps, nous allons voir du côté de ce que nous apportent les différences, car ces élèves en difficulté parce que différents peuvent aussi être des ressources pour les enseignants et pour la classe dans l’élaboration d’apprentissages communs.
Pour terminer, François Dubet nous propose sa lecture avisée du dossier. Il rappelle qu’au-delà des facteurs sociaux pouvant expliquer les difficultés ou l’échec scolaires, il y a des facteurs individuels ; qu’au-delà des structures et des aménagements prévus par les textes de façon uniformisante, les initiatives individuelles et locales existent pour permettre à tous les élèves de réussir ; qu’au-delà de l’action de chacun, la persistance de ces difficultés interroge l’école dans ses fondements, dans ses finalités.

Régis Guyon


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