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Les candidats et l’autonomie des établissements

Que les établissements scolaires adaptent leur fonctionnement aux particularités et réalités locales est pour l’ensemble des candidats un principe qui fait unanimité. Cependant, comme l’indique l’un d’eux, il y a dans le mot « autonomie » beaucoup de sens et de réalités différentes. En effet, la réalisation d’une école de la république qui permette à chacun de réussir est éminemment dépendante d’une conception éducative donc politique d’une société.

En effet, si F. Bayrou est favorable au droit à l’expérimentation, il l’est seulement dans le cadre des heures de soutien individualisé et des études dirigées, alors que N. Sarkozy lui renforce cette autonomie en accordant jusqu’à 20% du budget à des actions concrètes du projet d’établissement évalué en conséquence. Dans un cas comme dans l’autre, l’idée force est d’identifier des profils d’élèves pour leur proposer des méthodes ou des apprentissages appropriés à cette nouvelle identité nationale ! Ainsi pour N. Sarkozy, certains établissements choisiront de privilégier la culture, d’autres les langues, le sport ou les mathématiques et les parents auront alors le choix de l’école qui correspond le mieux à l’intelligence de leurs enfants. La pensée eugéniste a encore frappé ! Mais rien n’est dit par ce candidat sur le profil des enseignants, ni sur leur intelligence pédagogique ? Seule une évaluation approfondie et indépendante permettra de garantir que chaque établissement assure la réussite des enfants qui lui sont confiés.

L’individualisation des démarches reste d’actualité, ainsi F. Bayrou souhaite redéfinir la mission des enseignants au-delà de l’indispensable instruction des élèves dans le cadre de la classe, en y intégrant aussi l’accompagnement des élèves, leur suivi individualisé, les relations avec les parents, le travail en équipe et la concertation, mais leur recrutement, comme les programmes et les diplômes doivent rester nationaux. La FSU semble quant à elle vouloir offrir dans tous les établissements des classes dans lesquelles l’élève qui a un potentiel est sûr de trouver la chance qu’il aurait eue dans un collège ou un lycée privilégié loin de chez lui, car dit-elle notre mission, c’est d’offrir des parcours de haut niveau sur l’ensemble du territoire (FSU).

Entre le mauvais élève et le bon, il faut choisir car finalement ce sont ces deux extrêmes qui interrogent plus qu’ils ne remettent en cause : quel socle commun de compétences et connaissances la nation française juge nécessaire d’acquérir pour devenir « un honnête homme » du 21ème siècle ? Tirer les uns vers le haut et/ou cultiver à la base les autres ? Si M.G. Buffet préconise des programmes et objectifs nationaux, assortis d’options répondant aux choix des élèves, les modulations nécessaires ne doivent porter selon elle que sur des démarches pédagogiques adaptées pour que tous réussissent, et sur les moyens pour les mettre en œuvre (travaux en petits groupes, etc.). Par exemple, par la mise en place d’outils professionnels nouveaux qui seront à la disposition des personnels pour les aider dans l’accomplissement de leur mission. Cela va des CSP (Conseil scientifique et pédagogique) au niveau des établissements, indépendants de toute hiérarchie administrative et travaillant en relation avec la recherche en sciences de l’éducation, jusqu’au FNLIE (Fonds National de lutte contre les inégalités à l’Ecole), organisme décentralisé au niveau des départements et régions.

En République, l’autonomie de l’établissement scolaire ne peut en aucun cas devenir une indépendance d’action au risque de dérives pédagogiques liées à des volontés politiques électorales. L’éducation des jeunes est affaire d’analyse sérieuse et de longue durée pour juger de l’opportunité de dispositifs ad hoc et pertinents. La convocation d’états généraux sur le sujet semble une perspective et une proposition sans doute à même de réunir les professionnels de l’éducation autour de la construction d’un projet d’avenir pour l’école de demain.

Le CRAP-Cahiers pédagogiques