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Les arts à l’école

Traiter des arts à l’école, c’est aborder à la fois des disciplines d’enseignement obligatoires pendant une partie de la scolarité, et des pratiques artistiques qui trouvent leur place dans des projets pluridisciplinaires ou des ateliers hors temps scolaire : c’est donc un champ très hétérogène.
Les enseignements artistiques entrent dans une période de turbulence. Une fois de plus, faudrait-il peut-être dire : depuis la reconnaissance officielle de la nécessité des partenariats avec des artistes et des institutions culturelles, encourageant les projets, créant les « classes à PAC », les réorientations se sont succédé sans toujours être formulées. Un discours officiel réaffirmant régulièrement le rôle éminent de l’art à l’école était parfois en contradiction avec des choix en matière de programmes, horaires, budgets… À la suite des préconisations du rapport Gross[[Éric Gross, inspecteur général, a remis à la fin de décembre 2007 un rapport sur les enseignements artistiques et sur les partenariats à mettre en œuvre entre ministères concernés et collectivités locales pour développer les pratiques artistiques des élèves.]], des évolutions fortes et discutables se mettent en place. La plus voyante est l’introduction d’un enseignement explicite d’histoire de l’art, de l’école primaire au lycée. La connaissance des œuvres, jusqu’alors plutôt chargée de servir la création et de nourrir l’imaginaire, prend une place autonome. Cela pose la question de la place de la connaissance du patrimoine par rapport à la pratique, dans un horaire déjà restreint, et les prochains programmes du premier degré semblent par ailleurs témoigner d’une poussée de la technique face à la question du sens.
La place des collectivités territoriales constitue un autre enjeu. Elles participent déjà à la mise en œuvre de nombreux projets, et au minimum à leur financement. La circulaire du 30 janvier 2008 prévoit le renforcement de leur rôle. Dans le cadre de l’accompagnement éducatif mis en place pour l’éducation prioritaire, elle les invite à s’investir dans la création de classes à horaires aménagés, à augmenter les capacités d’accueil dans les écoles territoriales de musique, danse, théâtre et art, et leur propose pour cela un accompagnement en postes d’enseignants. Tout cela est sans doute fort utile, mais pose la question de l’égalité d’accès des jeunes scolarisés aux pratiques artistiques dans tous les territoires, et de la gratuité de cet accès. L’Éducation nationale se défausserait-elle d’une partie de ses responsabilités ? Voudrait-on repousser hors de l’école ou dans ses marges la présence des arts ?
Ce dossier s’organise autour de quatre questionnements.
Une première partie s’intéresse aux disciplines d’enseignement que sont les arts plastiques et la musique, même si les contributions sont plus nombreuses dans le premier domaine : quels sont les enjeux de ces disciplines face à une demande sociale qui hésite entre transmission d’un patrimoine culturel et construction de la personne, entre éducation du consommateur de culture et pratiques de la création artistique.
Une seconde partie aborde les projets qui, dans le quotidien de la classe, visent à nouer une pratique, une réflexion sur cette pratique, et à la nourrir par le contact avec des œuvres, éventuellement des artistes. Plus ou moins faciles à mettre en œuvre, ces projets souvent fondés sur des partenariats méritent bilan : comment les faire vivre, qu’apportent-ils aux élèves ?
Une troisième partie traite du rôle de l’art pour l’acquisition de compétences dans d’autres domaines. Par l’interdisciplinarité, quand la danse appelle l’expression orale d’élèves de maternelle ou quand le théâtre est un outil pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Pour la socialisation, quand des collégiens intègrent dans une création de groupe un élève « différent ». Dans la formation professionnelle, quand des enseignants se forment à l’art et en même temps, par l’art, au travail interdisciplinaire.
La dernière partie s’interroge sur « ce qui reste » hors des cours et après la fin de l’enseignement obligatoire des disciplines artistiques : qu’en reste-t-il dans les pratiques culturelles et les projets personnels des adolescents, ou chez des adultes qui ont quitté l’école ?
À travers les propositions et analyse d’activités de ce dossier, on pourra constater combien l’élève est pris en compte à la fois en tant qu’ « apprenant » et en tant que personne dans les enseignements artistiques. Sans doute y a-t-il à progresser dans les partenariats avec le monde culturel, l’élaboration et la mise en œuvre de projets étant un lieu de confrontation de regards différents sur l’élève, l’enfant et les objectifs des pratiques artistiques. Mais cela ne pourra continuer à se faire que si l’école garde des orientations qui lui permettent d’articuler pratiques créatrices, pratiques culturelles, transmission d’une culture et construction de la personne autour de la recherche du sens. S’il se confirme que les textes en cours de parution ne prennent pas ce chemin, nous devrons sans doute, pour y résister, affiner encore nos propositions et nos pratiques pour leur donner une efficacité évidente.

Élisabeth Bussienne, Formatrice en lettres, IUFM des Pays de la Loire.
Sylviane Martin, Professeur d’arts plastiques, IUFM Charleville Mézières.