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Le temps périscolaire : un objet et des projets à partager

Entretien avec Jean-Michel Le Bail, correspondant « politique de la ville » à l’inspection académique de Paris, et coordonnateur de l’ouvrage L’accompagnement à la scolarité, collection Repères pour agir.

Vous venez de rédiger un ouvrage sur l’accompagnement à la scolarité : quelle en est la problématique, dans une période où l’on n’y voit pas toujours très clair dans les définitions des différents dispositifs ?

Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un ouvrage collectif associant les contributions de chercheurs, de formateurs, de responsables éducatifs et d’acteurs de l’accompagnement scolaire, préfacé par Claude Pair et Dominique Glasman et conclu par Gérard Chauveau. Le projet était de « donner à voir » cet objet singulier dans le paysage éducatif, l’accompagnement à la scolarité (AS), en questionnant son apport du point de vue de la réussite scolaire et éducative. Singulier en regard d’autres approches telles que le soutien scolaire public ou privé d’une part, mais également singulier au vu de notre histoire éducative, notamment par ses liens avec les idéaux de l’éducation populaire.

Ce qui différencie clairement l’AS d’autres formes d’accompagnement ou d’aide vient du fait qu’il peut être mené par des non enseignants, qu’il associe très étroitement l’aide aux devoirs et les apports culturels, qu’il ouvre sur le quartier et sur la ville, qu’il repose sur le volontariat des élèves et souvent le bénévolat des adultes, mais aussi qu’il cherche systématiquement à associer les parents au lieu de se substituer à eux.

Comment l’ouvrage est-il conçu ? Comment s’est faite la récolte des expériences, si nombreuses ?
La première partie livre un certain nombre de repères historiques, sociologiques ainsi que des pistes pédagogiques pour une première approche de la notion. La seconde partie est consacrée à la présentation d’actions extrêmement diverses menées par des associations nationales ou locales, en milieu urbain, périurbain ou rural. On y retrouve les contributions d’associations d’éducation complémentaires, de centres sociaux, de réseaux ambition réussite, de villes éducatrices, etc. Une troisième partie est consacrée à la question de la formation et de l’information des accompagnateurs, mais aussi des parents et des enseignants. Enfin, la dernière partie est prospective et tente d’identifier les évolutions nécessaires.

Comment se situe ce livre dans le contexte actuel où on ne sait plus très bien quel rôle doivent continuer à jouer ceux qui accompagnent en dehors du cadre scolaire ?

Je crois que la situation actuelle est intéressante dans la mesure où l’on assiste au retour de l’Éducation nationale en tant qu’opérateur de l’accompagnement éducatif et scolaire. Mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur les avancées et mesurer le travail des partenaires pour rendre cohérent l’ensemble des dispositifs présents sur un territoire. Je pense pour ma part que les acteurs du CLAS (contrat local d’accompagnement à la scolarité) continueront à jouer un rôle important dans les dispositifs liés au contrat urbain de cohésion sociale, notamment dans les quartiers défavorisés où l’offre doit être plus abondante qu’ailleurs.

Quelles seraient les idées-forces à mettre en avant actuellement ? Quels sont les défis qui sont devant nous ?

L’accompagnement scolaire gratuit est une véritable « exception culturelle » que la France partage avec très peu de pays (Singapour et la Malaisie). Il est lié à une conception globale de l’éducation que nous appelons « éducation partagée ». Lorsqu’il est mené conformément à la charte de 2001, avec un lien fort avec les établissements et les familles, il est souvent efficace et innovant car il permet aux élèves de recontextualiser différemment, et dans un environnement extrascolaire, les apprentissages réalisés en classe. Mais il est encore insuffisant au collège et au lycée où il demande parfois des compétences pédagogiques « supérieures ».

Pour pallier ce manque, l’accompagnement éducatif se met en place dans les collèges et parfois dans les écoles en RAR, comme à Paris, ce qui est une très bonne chose. Mais il faudra absolument éviter de reproduire avec l’accompagnement éducatif ce qui a été souvent reproché au CLAS : absence de suivi et de pilotage des projets, peu ou pas d’évaluation. Un risque existe que ce nouveau dispositif reste en circuit fermé, sans mutualisation des pratiques, sans lien avec ce qui est fait à l’extérieur.

Lorsque l’accompagnement éducatif aura été mis en place dans tous les collèges, on devra sans doute réfléchir à une instance de pilotage commune entre l’éducation nationale, les collectivités territoriales et le comité départemental du CLAS. C’est normalement prévu dans la nouvelle circulaire des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) mais je crains que cela ne prenne quelque temps avant de se mettre en place. N’oublions pas que le temps périscolaire relève de la compétence de chacun, il est  nécessairement un objet et un projet partagé.

Une fois reconnu le rôle majeur joué par l’aide au travail personnel, le défi pour les prochaines années sera de proposer à chaque élève qui en éprouve le besoin un projet personnalisé d’accompagnement scolaire, pouvant associer un accompagnement présentiel à l’école ou hors l’école, un espace numérique de travail (pour réviser certaines notions, s’autoévaluer, consulter des vidéos éducatives,
préparer un exposé), des sorties culturelles ou des formes de tutorat. L’État, en liaison avec les villes, devra veiller alors à ce que chacun puisse bénéficier de ce « service » de façon équitable. Sinon, les officines continueront à prospérer…

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk


Cet ouvrage de la collection Repères pour agir est en vente sur notre site.
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