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Le programme pour l’éducation du Parti socialiste

Le Parti socialiste à mis en avril 2007 en ligne sur son site le programme préparé par un groupe d’experts et validé par le secrétariat national à l’éducation et le Parti.

Loin des discours nostalgiques sur l’école d’antan, loin également des déclarations prudentes voire démagogiques du type « les enseignants en ont assez des réformes », ce texte propose un certain nombre d’idées novatrices et de propositions concrètes, s’inspirant même ici ou là des conceptions de l’éducation nouvelle. Il ouvre bien des pistes pour une véritable rénovation de l’école :

  • scolarité aménagée en cycles ;
  • réorganisation des contenus de l’enseignement, autour d’une logique de compétences ;
  • rôle essentiel du travail autour de projets (à orientation professionnelle, culturelle, citoyenne) ;
  • diversification des modalités de regroupement des élèves, des démarches pédagogiques ;
  • redéfinition du métier et donc du service des enseignants.

On ne sait pas très bien quels éléments de ce texte ont une valeur programmatique pour un futur (et hypothétique) gouvernement de gauche nommé par Ségolène Royal. Quoiqu’il en soit, voilà une intéressante contribution au débat sur l’école qui nous change un peu des généralités ou des solutions à courte vue comme le recours massif au « soutien ».

Le texte est à lire en entier, mais nous nous concentrerons sur certains points qui rejoignent les préoccupations des Assises de la pédagogie de février dernier.

– Plutôt que la formule ambigüe de « l’égalité des chances », le préambule met en avant le « droit à l’éducation pour tous ». Face à la méritocratie en vogue, le texte opte clairement pour le refus des logiques sélectives, pour une école garantissant à tous l’accès à une culture commune et à une qualification.
– Toujours dans le préambule est affirmée l’importance de l’apport des mouvements pédagogiques à l’élaboration dans l’École d’une culture commune.
– Dans la partie « promouvoir la réussite de tous », on trouve une définition intéressante du socle commun de connaissances et compétences, qui est revendiqué en tant que tel, en y incluant les activités culturelles et sportives et en se démarquant d’une « mise en œuvre caricaturale et passéiste qui le réduit à un stock de recettes utilitaires et de savoirs minimaux ». On parle d’une nécessaire « logique de compétences », de l’aménagement nécessaire de la scolarité en cycles, d’une pédagogie différenciée appuyée sur la recherche. Le redoublement « sera progressivement abandonné au profit de dispositifs personnalisés ». Dès la rentrée 2008, il est question d’une expérimentation nationale de nouvelles pratiques (une par département, ce qui rejoint une des propositions des Assises de la pédagogie). Le soutien scolaire n’est pas présenté comme remède miracle, on évoque plutôt un « accompagnement scolaire » comme contribution à la lutte contre les inégalités.
– Une idée novatrice : la création de « pôles éducatifs locaux » permettant des échanges de compétences entre CM2 et collèges pour des interventions réciproques et des projets communs. Le travail d’équipe est valorisé ainsi que l’interdisciplinarité (mais il n’est pas dit nettement que les itinéraires de découverte en collège seront pleinement rétablis). Il y a quand même : « La pratique du projet mise à mal par la droite, comme celle des itinéraires de découverte, des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel, ou des travaux personnels encadrés, qui permet aux élèves d’être acteurs et responsables des apprentissages, sera renforcée pour devenir une composante normale de l’activité éducative. » (bas page 15)
– Un effort financier important est envisagé pour les zones prioritaires (25% de plus que la moyenne pour les établissements vraiment en difficulté), sur la base de contrats de trois ans sans réduction de moyens.
– Sur la carte scolaire, de bons principes sont affirmés, mais la mise en œuvre reste encore vague et problématique (comment faire pour que les catégories défavorisées puissent « exercer leur libre choix comme les autres » ?)
– Dans la partie consacrée au lycée, on met l’accent sur la liaison collège-lycée, avec la création d’un « cycle de détermination » troisième-seconde. Là encore, la mise en œuvre de principes séduisants sur la création d’un « lycée nouveau » demandera bien des précisions et une forte volonté politique. On aurait aimé voir annoncé clairement le rétablissement des TPE en terminale. Mais (comme pour les IDD, cela parait implicite si on lit la page 15)

Préparer et accompagner la vie professionnelle
– On peut saluer la proposition de mettre en place pour tous les élèves l’option de trois heures de découverte professionnelle, une vraie révolution. « Tout élève de troisième devra avoir réalisé au moins un projet en interaction avec le monde du travail » et pendant le collège devra être réalisé « un projet de création global ». Cela rejoint une vieille revendication de mouvements pédagogiques comme le nôtre.
– Une rénovation de l’apprentissage est prévue, sous la responsabilité du service public.
– On peut aussi découvrir une certaine concrétisation de l’idée d’apprentissage tout le long de la vie, avec un « compte-éducation formation » pour chacun. Nous reviendrons sur cette question à l’occasion d’un dossier des Cahiers pédagogiques à la rentrée sur la validation des acquis de l’expérience.

Former la citoyenneté par l’éducation partagée
– Chaque élève devra construire un « parcours citoyen », constitué de projets réalisés sur les temps scolaire et péri-scolaire.
– Idée intéressante aussi, qu’on peut trouver déjà dans notre numéro « le champ des possibles » en …septembre 1981 : ouvrir les établissements afin qu’ils deviennent des « maisons des savoirs et de la formation », dans une perspective de coéducation et de partenariat. Ce programme est très éloigné de la conception d’une école sanctuaire, tout en mettant en avant les missions spécifiques de l’école.
– Sur les parents, on connaît peut-être déjà les propositions de S.Royal (emplois-parents, écoles des parents). Un vrai statut du parent délégué est promis. Il est réaffirmé que l’institution doit aider les adultes à exercer leur rôle de parents. Cela mérite, bien sûr, un approfondissement, pour éviter certaines dérives (confusion des rôles).
– Bien évidemment, des propositions sont faites concernant la prévention et le traitement des problèmes posés par certains élèves. On insiste sur la présence forte d’adultes dans les établissements et sur le partenariat avec d’autres acteurs (y compris l’Armée, mais celle-ci n’est citée que parmi d’autres !)

Rénover et conforter l’éducation nationale
– On connaît sans doute l’idée d’Etats généraux de la réussite éducative (qui remplacent de façon heureuse l’idée initiale d’Etats généraux des enseignants !) et celle de rétablir les moyens supprimés par les récents gouvernements. Il est promis une large concertation pour « faire évoluer les missions et métiers de l’école ». Au passage une définition du métier d’enseignant qui nous satisfait sur le fond, mais qui aurait pu être moins sophistiqué.: « professionnels de la formation et du traitement d’une information au service des apprentissages »
– La question du service est abordé avec prudence, renvoyant à des négociations. Tant qu’on reste dans des généralités, pas trop de problèmes, bien sûr… Il est dit de toutes façons que « les activités demandant une présence supplémentaire seront rémunérées » : non, il n’est pas question des 35 h de présence…
– Il y aurait des précisions à apporter concernant la formation des enseignants, mais on notera que le concours de recrutement suivrait l’année de licence et laisserait donc la place à deux années de formation. La réforme actuelle des IUFM ne semble pas, globalement, remise en cause. Il n’est guère question de modification des concours.
– Des précisions sont données également sur le rôle respectif de l’Etat et des collectivités territoriales. On notera une responsabilisation accrue des établissements, mais sans la concurrence « insupportable » qui serait « introduite par la droite ».Là encore, il faudra aller plus loin le cas échéant dans la concrétisation pour savoir jusqu’où peut aller l’autonomie.
– Une dernière partie est consacrée à l’ouverture à l’espace européen .

Un souhait en conclusion : pouvoir faire évoluer une Ecole « dont on peut être fier » « sans heurt, mais de façon résolue et partagée ».

En résumé, un programme intéressant, souvent novateur, se démarquant radicalement d’un discours passéiste de « rétablissement », où l’on retrouve ici ou là une inspiration de l’éducation nouvelle. Un programme qui demanderait, pour être mis vraiment en application , à la fois une forte volonté politique et beaucoup de diplomatie et d’habileté (au bon sens du terme). Certains nostalgiques de l’école d’autrefois, certains pourfendeurs de tout ce qui ressemble à un rapprochement de l’école d’avec la société telle qu’elle est (dans ses dimensions sociale et économique), certains adeptes de solutions simplistes, parfois séduits par les coups de menton autoritaires ou par le soi-disant retour aux « fondamentaux », qu’on trouve hélas aussi à gauche, et à l’extrême-gauche, seront peut-être déçus. Tant mieux !
Mais quelle reprise de ces intentions dans le programme réel d’un futur gouvernement ? Quelle présence dans le discours, si souvent prudent, de la candidate à la présidentielle ? La vidéo des « 35 heures », le rappel des années Allègre, l’hyperréactivité des enseignants devant toute proposition de réforme sont autant de symboles des obstacles à surmonter.
S’il n’est pas de la vocation d’un mouvement pédagogique de distribuer des bons points, on ne peut que constater des convergences avec ce programme éducatif, et c’est plutôt une bonne nouvelle qu’il soit avalisé par le parti socialiste…

Le CRAP-Cahiers pédagogiques