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Le numérique, tsunami ou simple changement ?

Je vous propose quelques réflexions personnelles suscitées par la lecture du dernier livre d’Emmanuel Davidenkoff[[Le tsunami numérique, éditions Stock, 2014, 198 pages]]. Le constat qui parcourt son livre : partout dans le monde, la forme école est finalement la même. C’est avant tout une organisation bureaucratique qui fonctionne plus ou moins selon le principe de la méritocratie, et qui aboutit à une sélection des élites, beaucoup par la reproduction sociale. Cette bureaucratie a besoin d’un format suffisamment stable pour être contrôlée et contrôlable : un établissement, une classe, des disciplines, des enseignants spécialisés, un système d’évaluation permettant le tri et l’organisation de la circulation des élèves dans le système. Sur le plan de la pédagogie, le modèle de la transmission-répétition de savoirs est très répandu, car il est facilement mis en œuvre par l’enseignant et facilement évaluable, que ce soit par l’enseignant lui-même, par examen ou par tests standardisés.

Or, que permet le numérique ? Bien plus que le livre, il permet de séparer l’enseignement de l’enseignant. Ce service, pour l’essentiel en présentiel, destiné à exercer la transmission, peut se faire sans la présence de l’enseignant et en dehors du format physique rappelé plus haut. Par contre, l’apprentissage aura besoin d’accompagnateur physique (en tout cas pour le moment). Cela suppose une profonde mutation du rôle professionnel de l’enseignant et de ses compétences, ainsi que de l’organisation du travail. Ainsi, on trouvera de plus en plus des enseignants producteurs de cours enregistrés, qui organiseront, combineront ces produits numérisés et mis à disposition d’apprenants, voire de clients, individus ou établissements, choisissant leurs menus. En présentiel, il y aura des accompagnants humains de l’apprentissage, des organisateurs d’échanges entre les apprenants, des coachs capables de comprendre, de stimuler et de motiver. Au fond, le rôle professionnel de l’enseignant va sans doute éclater entre ces trois fonctions avec des spécialisations plus ou moins grandes, des formes d’emploi, des conditions de travail et des rémunérations sans doute fort différentes.

« De tels changements seront-ils acceptés par les acteurs des institutions éducatives dans le monde ? », se demande Emmanuel Davidenkoff ? En France, le ministère de l’Éducation nationale s’est doté d’une direction du numérique, et celui du supérieur a lancé FUN, la plateforme de MOOC[[Massive Online Open Course.]]. Mais cela touche encore très peu la pédagogie et l’organisation des enseignements. Si l’Éducation nationale n’augmente pas sa réactivité, le tsunami l’emportera.