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Le numérique au service des apprentissages individualisés

En mathématiques, les élèves sont confrontés à deux difficultés majeures.

D’une part ils sont souvent rebutés par la matière qui peut très vite leur paraître abstraite donc inutile. Les notions mathématiques sont interdépendantes et une notion mal comprise entraîne d’autres incompréhensions ou blocages ultérieurs. Les lacunes s’accumulent et ces élèves, sans avoir acquis les automatismes nécessaires à une maîtrise de raisonnements plus complexes, se retrouvent dans une spirale de l’échec.

D’autre part, le programme s’applique uniformément à tous les élèves, sans prendre en compte les difficultés propres à chacun. Malgré les nombreuses réformes en faveur de la différenciation, un professeur seul ne peut envisager de revenir avec chaque élève sur ses lacunes (qu’il faut, en premier lieu, avoir les moyens d’identifier).

Le numérique, une solution ?

Le numérique à l’école est encore largement soumis à des problèmes techniques, notamment des problèmes de connexion, d’obsolescence ou d’insuffisance du matériel, et son intégration dans la pédagogie apparaît parfois complexe voire insurmontable.

Pourtant les outils numériques peuvent s’intégrer à la pédagogie et proposent de nombreuses solutions pour faire face aux deux grands challenges de l’enseignement des mathématiques. Le développement de techniques de plus en plus performantes pour analyser de grosses bases de données (big data) est une opportunité majeure pour l’éducation et l’individualisation de l’enseignement. En collectant les données propres à chaque élève (temps passé sur un exercice, réussites ou erreurs, nombre de tentatives, etc.), nous pouvons mesurer l’évolution de son niveau : ses forces, ses blocages et ses besoins.

Plus interactifs qu’une feuille de papier, les outils numériques incitent les élèves à travailler : ceux-ci savent immédiatement lorsqu’ils ont réussi ou lorsqu’ils ont mal compris la notion. Les outils numériques retracent leurs progrès, leur donnent l’envie d’apprendre, de comprendre, de réussir et de se dépasser.

La plateforme Kwyk, ou « know what you know »

Avec des enseignants en mathématiques de collège et lycée, nous avons décidé de concevoir une plateforme Internet dont l’objet est de tirer meilleur profit des capacités de tous : Kwyk (Know what you know, connaissez ce que vous savez). Le site propose différents styles d’exercices autocorrigés, dont les valeurs sont générées automatiquement afin de permettre aux élèves de recommencer de manière intelligente leurs exercices. Ils ne peuvent pas apprendre par cœur les réponses mais doivent comprendre le raisonnement. Cependant le numérique ne permet pas aujourd’hui de générer et corriger des exercices poussés de raisonnement ou des démonstrations. Seul l’enseignant peut répondre à ce besoin. Kwyk est fait pour travailler les gammes, sur une catégorie d’exercices qu’on n’a pas le temps de faire en classe.

Les outils numériques donnent généralement une certaine autonomie aux élèves, ce qui favorise leur motivation. Ils peuvent s’entraîner librement : ils choisissent eux-mêmes leur niveau et les exercices sur lesquels ils veulent s’entraîner. Ils suivent leur progression dans tous les chapitres du programme et retravaillent chaque style d’exercice jusqu’à maîtrise fine du concept.
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Néanmoins l’enseignant intègre l’utilisation du numérique dans la démarche globale dont il assure la cohérence : il choisit et organise sa progression annuelle. D’autre part il reste un facteur de motivation pour les élèves : seul l’enseignant possède le charisme et le sens humain capables de fédérer et impliquer les élèves. En effet, les élèves ne se sentent aucune obligation envers un ordinateur, même si le numérique peut rendre l’exercice plus attrayant.

Sur la plateforme Kwyk, l’enseignant conçoit un devoir à partir des exercices proposés et l’envoie à ses élèves. Les élèves obtiennent une note, qui n’est pas définitive avant la clôture du devoir, que les élèves peuvent recommencer autant de fois qu’ils le veulent (dans le délai défini par le professeur) jusqu’à obtenir la note espérée ; seule la meilleure note est conservée. Le 20 devient ainsi accessible à tous les élèves qui, du coup, plus motivés, interrogent leur professeur sur le cours, puis refont leurs devoirs, parfois jusqu’à dix ou douze fois.

Adapter les programmes à chaque élève

Le numérique permet de répondre en partie à la question de la différenciation. En effet l’informatique a désormais les moyens techniques de se souvenir de l’historique des utilisateurs et, grâce aux recherches actuelles en apprentissage statistique, les outils numériques peuvent évaluer automatiquement le niveau des élèves ; ils identifient leurs difficultés, alertent les enseignants à leur propos, et les aident à proposer des solutions adaptées.

L’enseignant a une vision très large et en même temps très précise du travail fourni par ses élèves, le genre d’exercices qu’ils font, les erreurs qu’ils commettent, etc. Il peut suivre l’évolution de sa classe, comme l’évolution de chacun de ses élèves en particulier. Il sait donc quel sujet retravailler individuellement ou collectivement.

Exemple de bilan en fin de mois
3e 34e 34e 5
A le plus travailléSofia B – 182 exercices faitsAnaïs B – 193 exercices faitsLuz O – 192 exercices faits
A le meilleur sans fauteMahdia L – série de 40 sans fauteMarianne L – série de 31 sans fauteEmma P – série de 35 sans faute
A été le plus régulierSofia B – 6 connexions dans le moisConstance F – 6 connexions dans le moisLouise M – 6 connexions dans le mois
Exercices faits143917962188
Dont ceux faits pendant un devoir140717282005

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L’enseignant peut suivre le travail de chacun de ses élèves sur un chapitre ou un exercice particulier ; chaque point représente un élève. L’abscisse représente le nombre de fois que l’exercice a été effectué et l’ordonnée le taux de réussite. L’enseignant peut ainsi prévoir une séance de révision pour certains élèves.

En appui du travail de l’enseignant sur l’évolution de sa classe (celui-ci a accès à toutes les copies), notre outil analyse les exercices déjà faits et évalue les acquis de l’élève. Les « révisions personnalisées » permettent d’envoyer chaque semaine des exercices automatiquement ciblés sur les difficultés rencontrées par l’élève. Ces exercices sont choisis parmi ceux qui ont posé problème à l’élève au cours de ses devoirs précédents, tout en étant d’un niveau accessible pour ne pas décourager l’élève. En fonction de la progression de l’élève, celui-ci se verra proposer des exercices plus compliqués. L’enseignant a accès au devoir de révision envoyé à chacun de ses élèves.

Aujourd’hui le numérique est de plus en plus intégré dans la pédagogie. Avec le lancement en 2013 du « plan numérique », et des premiers collèges connectés, l’objectif de l’Éducation nationale est désormais la « diffusion de contenus et services innovants afin de permettre l’apprentissage individualisé et stimuler l’autonomie des élèves ». D’ici 2018, 100 % des collèges devraient être connectés. Pleinement intégrés dans la pédagogie, les sites d’entraînement en mathématiques répondent aux questions de motivation et d’individualisation particulièrement présentes en mathématiques. Ils s’intègrent dans la pratique des enseignants et les accompagnent pour répondre aux besoins de chaque élève.

Anne-Charlotte Joubert
Membre de la « start-up » Kwyk

 

Témoignage : Comment utilisez-vous Kwyk ?

 

Comment utilisez-vous Kwyk : à quelle fréquence, en classe ou seulement à la maison ?
En moyenne je donne aux élèves des devoirs en ligne une semaine sur deux, en leur donnant une semaine entière pour le faire en toute autonomie au moment qui leur convient le mieux, depuis leur domicile ou ailleurs. Pour certaines notions, j’ai utilisé la salle informatique, le devoir étant utilisé comme une évaluation en classe.

Comment réussissez-vous à intégrer Kwyk dans votre progression ?
J’ai pu utiliser Kwyk en début de chapitre en leur donnant des exercices sur le niveau de l’année passée pour réviser des notions dont nous aurions besoin dans le chapitre, puis en milieu et fin de chapitre pour s’entraîner ou évaluer l’acquisition des nouvelles notions.

Avez-vous l’impression que vos élèves sont plus motivés grâce au numérique ? Sentez-vous une progression effective ?
La motivation de bon nombre d’élèves a été évidente dès le début de mon utilisation de cette plateforme. Certains élèves en difficulté n’hésitent pas à se connecter spontanément, même en l’absence de devoir en ligne, pour faire des exercices libres sur des notions apprises les années précédentes ou cette année. D’autres ont aussi tenté de faire des exercices des niveaux supérieurs, ce qui me renseigne sur leur volonté de découvrir. Le nombre de tentatives pour améliorer leurs notes sur certains devoirs (plus de 20 pour certains élèves) me prouve qu’ils acquièrent des qualités de persévérance qui leur seront profitables dans le reste de leur scolarité.

Stéphane Derathé
Enseignant au collège La Canopée en 5e et 3e

 

Outils : Alerte

 

Exemple d’un mail d’alerte envoyé à une enseignante dont l’élève est régulièrement en difficulté sur un exercice.

Kwyk : Nathan a des difficultés sur l’exercice 10016.
Bonjour Madame…, Nous avons détecté que Nathan a fait un certain nombre de fautes en révisant l’exercice 10016. Voici quelques fautes : Question : [Soit la suite (un) définie par un = −4n+1 et u0 =…. ] Écrire un +1 uniquement en fonction de un. Réponse : −4un +1·4 Incorrect

 

Quelques limites des exerciseurs

 

Les « exerciseurs » en ligne se sont assez largement démocratisés dans les classes depuis quelques années. L’association Sésamath, par exemple, en propose gratuitement, et de nombreux établissements possèdent un compte.

Ces plateformes offrent de nombreuses fonctionnalités pour individualiser le travail des élèves. Néanmoins, elles nécessitent à notre avis de réelles précautions d’usage, et le choix d’investir dans un outil payant doit être largement interrogé.

La première limite tient au type d’exercices proposés. Il s’agit la plupart du temps d’exercices « à trous » qui ne font travailler que quelques gammes, qui, si elles sont nécessaires, ne peuvent constituer l’essentiel de l’activité mathématique. La résolution de problèmes reste bien l’essence des mathématiques, et l’approche par micro-tâches peut parfois être contre-productive. La mise en cohérence de l’utilisation d’un exerciseur avec l’ensemble des situations didactiques constitue donc un élément capital.

Le caractère fortement individualisé de ces plateformes peut constituer un autre risque. Elles proposent en effet une approche individualiste du travail, et les interactions sont faibles, que ce soit avec l’enseignant ou avec d’autres élèves. Les échanges ne se font, au mieux, qu’en différé. Les erreurs et incompréhensions ne peuvent pas toujours être identifiées informatiquement, et une mauvaise appropriation peut très bien s’installer durablement.

Ces plateformes ne peuvent que rarement analyser les stratégies des élèves, alors que cette analyse constitue un excellent levier pour personnaliser réellement l’enseignement.

Les exerciseurs sont avant tout des outils d’individualisation, souvent déconnectés du groupe d’apprentissage que constitue la classe, alors que la personnalisation doit réellement tenir compte du groupe dans lequel s’inscrit l’individu, par la richesse des situations didactiques, une part d’individualisation, et des échanges nombreux.

G.C. et R.C.