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Parler du « travail lycéen » revient, en général, à aborder le travail scolaire des élèves, en classe ou en dehors. Le travail rémunéré des lycéens est rarement envisagé, sauf lorsqu’il est inclus dans des parcours d’apprentissages ou dans les stages et périodes d’alternance des plans de formation. Cependant, de nombreux élèves de lycée exercent des activités rémunérées, dans la restauration, la livraison, le commerce, les cours de soutien, la garde d’enfants etc., des activités ou petits boulots qui se déroulent bien souvent à l’abri du regard de l’institution scolaire.
Dans les recherches en sociologie de la jeunesse, l’entrée sur le marché du travail constitue une transition marquante et l’une des étapes clés de l’entrée dans la vie d’adulte, avec la décohabitation, la fin des études et l’éventuelle installation en couple. Cécile van de Velde montre que, selon les pays, ces étapes se déroulent soit de manière successive comme en France, soit de manière parallèle. Comment, dès lors, combiner le métier de lycéen, considéré comme un investissement à temps plein, et emploi à temps partiel ? Travailler en sus de ses études permet-il d’assurer une insertion professionnelle plus douce ou entraine-t-il un risque accru de décrochage ?
Contrairement aux emplois étudiants [1], peu de données existent concernant ceux des lycéens, mais deux enquêtes sur des élèves de la région parisienne, réalisées respectivement dans les années 1990 [2] et en 2015 [3], fournissent des éléments intéressants sur ce travail rémunéré hors parcours de formation (stages obligatoires, périodes d’alternance, etc.).
Les chiffres sont stables : environ un lycéen sur cinq travaille pendant la période scolaire, en soirée ou le weekend. En prenant en compte les vacances, 30 % (en 2015) à 40 % (en 1994), des élèves exercent une activité rémunérée. Le travail est plus répandu pour les élèves plus âgés, c’est-à-dire à partir de 18 ans, et pour les niveaux d’étude plus élevés, en particulier en classe de terminale. Les lycéens des filières générales exercent moins fréquemment une activité rémunérée que ceux des filières professionnelles et technologiques. Si la catégorie sociale d’appartenance n’a pas d’influence sur le fait de travailler, les lycéens des milieux modestes qui travaillent exercent plus souvent une activité intense et chronophage, potentiellement moins compatible avec les exigences scolaires.
Les raisons pour lesquelles les lycéens travaillent (ou cherchent à travailler, car toutes les recherches d’emploi n’aboutissent pas) sont variées, de l’obtention d’une certaine indépendance financière, avec l’autonomie symbolique et matérielle qu’elle confère, à la décharge du budget familial, pour certains le seul moyen de pouvoir poursuivre des études plus longues et d’obtenir un diplôme considéré comme une protection future sur le marché du travail. Ces activités, en particulier l’emploi en période scolaire, se heurtent cependant à la méfiance des acteurs du système scolaire et sont en conséquence souvent tues, perçues comme des enjeux individuels d’élèves qui se retrouvent en porte-à-faux par rapport à l’institution.
La psychologue Valérie Cohen-Scali montre que les expériences de travail des jeunes en formation peuvent varier, tant en qualité qu’en quantité, avec des effets différenciés sur la construction du soi professionnel. Analysant l’emploi étudiant dans une perspective sociologique, Vanessa Pinto distingue un pôle « provisoire » d’emploi passager, un pôle « anticipation » en lien avec l’avenir professionnel souhaité, et un pôle d’« éternisation », où les jeunes occupent des emplois peu qualifiés en parallèle d’échecs ou de décrochage des études. Les frontières peuvent être floues et, selon l’origine sociale, la probabilité de se retrouver dans l’une ou l’autre situation n’est pas la même.
D’autres aspects mériteraient d’être éclairés : quid du travail lycéen dans d’autres bassins scolaires et d’emploi, notamment ruraux ? Quels effets du « capitalisme de plateforme » (par exemple de livraison) sur le travail des jeunes ? Enfin, quelles implications du confinement, où l’on sait que 40 % des étudiants travailleurs du supérieur ont dû arrêter leur activité salariée ? [4]
Lisa Marx
Postdoctorante, chargée d’étude et de recherche, équipe Veille & Analyses à l’IFÉ-ENS de Lyon
Pour aller plus loin :
Valérie Cohen-Scali, Travailler et étudier. Formation et pratiques professionnelles, PUF, 2010.
Vanessa Pinto, À l’école du salariat. Les étudiants et leurs petits boulots, PUF, 2014.
Cécile Van de Velde, Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, PUF, 2008.
le 15 janvier 2021Bernard Friot, auteur « à la place » des enfants, défend une lecture dans laquelle on s’implique et qui favorise le dialogue entre lecteurs. Ancien enseignant, il a des idées pour faire lire les enfants.
le 15 janvier 2021L’étude Timss publiée en décembre 2020 mesure les performances en mathématiques et sciences des élèves de CM1 et de 4e. La France s’y classe avant-dernière sur quarante-neuf pays. L’analyse de Sébastien Planchenault, président de l’Apmep (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public).
le 15 janvier 2021Et voilà ! Il fallait que ça tombe sur moi, cet édito de janvier, dans lequel il faut bien, quand même, en passer par l’exercice des vœux pour l’année nouvelle ! Car au fond, le fait que les vœux de l’année dernière, pour une bonne année 2020, ont été assez inopérants, n’empêche pas qu’on souhaite le meilleur pour 2021. Peut-être va-t-on en revanche réviser un peu à la baisse nos ambitions, ou en tout cas se recentrer sur le « bonne santé » qui pouvait paraitre un peu désuet dans nos contrées jusqu’à cette année.
Que puis-je donc vous souhaiter, chers lecteurs, pour 2021 ?
De retrouver le sens du toucher, pour ceux qui sont privés de contacts à cause de la distanciation physique ? Le sens de l’ouïe et de l’odorat, pour ceux qui en ont été privés par le coronavirus ? Et le sens de l’humour, pour supporter l’année qui vient, et ne pas se résigner sous les coups du « prof bashing », des injonctions et des changements de programme, ou des tensions en salle des professeurs ou des maitres ?
De retrouver le sens des mots ? Celui du mot « confiance », du mot « pédagogie » ou plutôt du mot « pédagogue », le sens des mots « égalité » (qui n’est pas soluble dans l’« égalité des chances ») et « réussite » (qui ne se résume pas à celle des « premiers de cordée »).
De retrouver le sens du métier ? Un métier qui s’exerce en autonomie et dans le collectif, avec plaisir et professionnalisme.
De retrouver le sens de la marche, en tout cas, pour aller vers une école transformée, plus juste, plus démocratique, plus équitable, qui fasse réussir tous les enfants et émancipe chacun.
Nous souhaitons continuer à œuvrer en ce sens, aux Cahiers pédagogiques, après les forts remous économiques de 2020, pas encore résorbés, en continuant à publier vos articles dans la revue, les hors-séries, les Petits Cahiers, et sur le site. Écrivez-nous, écrivons 2021 et les années qui suivent, pour les enfants, pour changer l’école et la société, et réciproquement.
le 15 janvier 2021Injonction institutionnelle récente, mais également ancrée dans les écoles maternelles avec les Atsem, la co-intervention est une pratique qui se développe avec la présence des accompagnants d’élèves en situation de handicap ou d’Ulis, mais aussi par le nombre d’enseignants qui travaillent à deux en classe, ou qui « cassent les murs » pour faire de deux classes un seul groupe.
Ce webinaire abordera les nombreuses facettes de la co-intervention.
Interviendront les coordinatrices du dossier 566 de janvier 2021, Rachel Harent et Céline Walkowiak, et deux contributrices : Clothilde Jouzeau, professeure des écoles, et Delphine Dechance, personnel de direction en lycée.
Pour vous inscrire, écrire à crap@cahiers-pedagogiques.com et nous vous enverrons un lien Zoom.
le 15 janvier 2021, par CatherineL’apprentissage est souvent vanté comme une voie d’excellence, permettant aux jeunes de trouver un emploi à coup sûr. Mais c’est surtout une formation qui est « excellente » pour les enfants des autres, qui pour certains devrait même être une orientation décidée par les conseils de classe et non les jeunes. Elle n’est peut-être pas si merveilleuse. En tout cas il y a quelques accrocs dans le tableau, décrits ici dans un « coup de gueule ».
le 15 janvier 2021, par Cécile BlanchardJean-Noël Luc, directeur et coauteur d’une Histoire de l’enseignement en France XIXe – XXIe siècle, nous invite à éclairer l’école par son histoire, à envisager les enjeux actuels en prenant du recul. La place des femmes, la démocratisation de l’école ou encore la rénovation pédagogique, voici quelques thèmes que nous explorons avec lui.
le 14 janvier 2021, par Mélanie
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