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Le groupe-classe : cadre des apprentissages, lieu de socialisation

La classe, groupe d’une trentaine d’élèves d’âges à peu près identiques, est le mode de regroupement le plus courant dans notre système scolaire. On pourrait imaginer d’autres formes d’organisation, considérant, comme le montre le dernier article de ce dossier, que la classe est un « pis aller ». On peut aussi considérer qu’elle est historiquement datée, qu’elle doive évoluer, comme le suggérait déjà l’éditorial du numéro 279 (décembre 1989) intitulé « Il n’y a pas que la classe ». Les pistes alternatives qui étaient alors proposées restent à expérimenter pour faire éclater la classe en imaginant d’autres façons de regrouper les élèves pour apprendre.
Cependant, l’objet de ce dossier n’est pas tant de la remettre en question que d’interroger son fonctionnement et ses effets : permet-elle aux élèves d’apprendre et de vivre ensemble ? À quelles conditions ? Comment ?
La réflexion des enseignants sur cette question est paradoxale, faite d’un mélange de « touche pas à mes classes » (dès lors que l’on évoque de nouvelles modalités comme les groupes de compétences) et de « j’ai mal à mes classes » quand on aborde les problèmes relationnels avec le groupe d’élèves. Notre propos est donc d’aborder cette relation ambivalente et de considérer l’entité « classique » que le professeur découvre à la rentrée et avec laquelle il va travailler : la variété des situations est extrême, tant par le nombre d’élèves qui composent une classe que par le nombre de classes attribuées à un professeur dans le secondaire et leur composition plus ou moins homogène ou hétérogène. On verra à quelles conditions le mélange, plus ou moins harmonieux ou explosif, d’une trentaine de jeunes individus permet d’interagir, de coopérer et d’apprendre ensemble, dans une dynamique de groupe positive : c’est le thème de la première partie, où les approches théoriques peuvent éclairer les récits de pratiques. Des pistes d’analyse aident à saisir pourquoi l’énergie du groupe peut aussi se mobiliser contre : contre l’enseignant et ce qu’il propose, contre le savoir, contre le travail, et peut-être, au-delà, contre cette organisation qui leur est imposée.
Viennent ensuite deux parties complémentaires qui montrent la classe comme lieu de construction collective du savoir, permettant aux élèves d’apprendre les uns avec les autres. Des témoignages présentent divers outils, dispositifs et stratégies qui peuvent aider le professeur concrètement, pour créer dans la classe une synergie autour des apprentissages, faire coopérer les élèves et favoriser les interactions pour apprendre.
Mais la première préoccupation des jeunes enseignants en formation se situe souvent en amont : comment faire pour instaurer la relation nécessaire à l’apprentissage — entre le professeur et les élèves et entre les élèves eux-mêmes – ? Comment faire fonctionner ce mode d’organisation collectif si contraire à nos habitudes individualistes de consommateurs et à celles des élèves ? Comment poser des règles communes et ne pas aller à l’affrontement avec des classes dites « difficiles » ? Certains, malheureusement, perdent leur énergie dans la « tenue de classe » sans toujours parvenir à instaurer une dynamique de travail. Les quatrième et cinquième parties abordent ces questions, à travers des situations problématiques analysées et à nouveau quelques pistes concrètes souvent inspirées des pédagogies coopératives.
« Faut-il sauver la classe ? » C’est la question qui clôt le dossier. Une réflexion sur les effets de ce mode de regroupement est nécessaire à l’heure où l’on incite les professeurs à individualiser leur enseignement ou à composer des groupes de compétences en langues. La comparaison avec d’autres pays, d’autres systèmes éducatifs, aiderait sans doute à imaginer d’autres fonctionnements possibles.
Pour aller plus loin encore, nous aurions souhaité évoquer des recherches sur la dimension sociale de la classe ou pouvoir réfléchir à l’impact des nouvelles technologies sur la cohésion du groupe : la bibliographie présente quelques pistes, notamment, d’un point de vue sociologique, sur les phénomènes de comparaisons que les élèves font, au sein d’une classe, entre leurs résultats et ceux de leurs camarades avec des répercussions sur les apprentissages. La composition des classes, qui, selon les établissements, est le fruit du hasard ou au contraire longuement soupesée, mériterait aussi une réflexion institutionnelle.
Mais au quotidien, la majorité des enseignants s’impliquent fortement dans la dimension relationnelle de la classe, et ils cherchent à faire vivre ce groupe le mieux possible, pour mieux faire apprendre chacun : pari éducatif plein de risques, mais aussi de gratifications.

Hélène Eveleigh et Chantal Picarda
Professeures en lycée