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Le grand débat : le point de vue d’une responsable syndicale

Quels retours avez-vous du grand débat, dans le premier degré ? 

Je ne vous apprendrai rien en vous parlant du profond scepticisme qui règne chez les enseignants. Pourtant, la participation n’a pas été négligeable : jusqu’à 80 % de présents dans certains endroits. Cela a beaucoup dépendu de la façon dont c’était organisé : sur le temps de travail, au moins en partie, ou pas, information suffisante et temps de préparation. On peut dire que la structure « arrondissements » a peu marché et que les parents ont été peu présents, en dehors des élus et responsables. Mais s’est-on toujours donné la peine de les faire venir ?
Les thèmes traités étaient souvent choisis par les inspecteurs (IEN). Dans les discussions, l’aspect revendicatif est ressorti mais aussi l’inquiétude, par exemple sur l’avenir des maternelles ou les risques d’inégalité liés à la décentralisation. À noter que le premier degré connaît depuis longtemps les fortes disparités de « richesse » entre les communes dont les priorités ne sont pas toujours l’éducation ! Sont revenus aussi le thème des relations avec les parents, la formation des enseignants (j’y reviendrai) et celui de l’intégration des élèves handicapés.
Pour notre part, nous allons publier un document de notre organisation, faisant le point sur ce que nous demandons, il paraîtra au moment où la commission Thélot sera en train de finir (ou de rendre) son rapport.

Quelle analyse pouvons-nous faire à l’heure actuelle ? 

Nous pensons que le gouvernement a manqué de clarté et de franchise en n’explicitant pas ses hypothèses au début. Le bilan de la loi d’orientation de 89 n’a pu être correctement dressé : qu’est-ce qui reste d’actualité, qu’est-ce qui a vieilli et doit être revu, etc. ? La précipitation, l’absence de culture du débat professionnel dans l’institution, la préparation insuffisante ont contribué à faire de ce débat, si nécessaire, une occasion manquée, malheureusement. Il n’y a pas eu d’éclairage qui aurait pu permettre d’aller au-delà d’une pluie de questions. Dans d’autres pays, comme au Québec, un tel débat s’est étalé dans le temps.
Pourtant, les professeurs d’école ont besoin de parler (nous en avons des échos) mais ils manquent de lieux institutionnels pour cela, et aussi de temps et de savoir-faire ; il n’est pas facile de parler concrètement de ce qui est, à bien des égards, essentiel : sa pratique professionnelle quotidienne. Le recours au revendicatif, qui est bien entendu très important, peut être chez certains une manière de ne pas parler de sa pratique du métier.
Les consultations sur les programmes aussi sont souvent des occasions manquées. Il faudrait alimenter les débats par des éclairages théoriques pour en faire de vrais moments de débat professionnel.
Cela nous amène au problème de la formation. La formation des titulaires première année est une avancée mais cela ne suffit pas. La formation initiale est très critiquée, souvent de manière excessive mais il faudrait trouver un souffle nouveau pour les IUFM : les défendre oui, mais les transformer. Et, en particulier, penser au recrutement des formateurs : cela pourrait être une voie de promotion pour des enseignants du premier degré qui auraient acquis des compétences spécifiques par une formation continue à l’université et à l’IUFM.
Il ne faudrait pas, non plus, oublier la formation continue qui est de plus en plus réduite et travailler en particulier la question du rapport au travail. Ce métier est un métier choisi mais trop fermé sur lui-même. Les professeurs d’école ne sont pas des gens indifférents aux difficultés de l’école et des élèves, il y a une grande éthique professionnelle. Il serait nécessaire d’aider les équipes, en commençant par les écoles les plus en difficulté : dégager du temps (3 heures semaine) et aussi des personnes, dont la professionnalité serait reconnue pour servir de levier.

 Quelle relation voyez-vous entre le syndicalisme et la pédagogie ?

Le syndicalisme ne doit pas trop s’éloigner des questions professionnelles c’est pourquoi nous organisons maintenant des colloques où l’on combine l’entrée syndicale et celle de la recherche en éducation. Nous travaillons avec des personnes d’horizons très divers.
L’université d’automne du SNUIPP (qui a lieu à Bombanes) est un grand succès (400 personnes) et on refuse du monde. Le public est varié : depuis les sortants d’IUFM jusqu’aux personnes partant à la retraite dans l’année. Nous en sommes fiers : nous ne sommes pas que dans la revendication, les manifs, nous nous intéressons aussi aux contenus de l’école et ce n’est pas un supplément d’âme, c’est au cœur de notre réflexion.

Propos recueillis le 28 janvier 2004 par Françoise Carraud et Jean-Michel Zakhartchouk.