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Nous avions présenté les trois intervenants sur notre site.

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Jean Canneva, qui a été président de l’Unafam (Union nationale des amis et familles de malades psychiques) de 1998 à 2011. Jean Canneva est la preuve en actes de l’importance des familles et des associations.

 

 

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Lionel Deniau, de formation éducateur et thérapeute, membre fondateur de l’Association des ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique) et de leurs Réseaux – AIRe, qui regroupe au niveau national, toutes les personnes sensibilisés par les troubles psychiques chez les jeunes. Il est également président de MèTIS Europe.

 

 

 

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Et Sandrine Lair, chef du bureau de la personnalisation des parcours scolaires et de la scolarisation des élèves handicapés à la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO).

 

 

De la santé

Lorsque l’on veut entrer dans la réflexion, il est parfois bon de définir ce dont en parle. Et pour se représenter mieux les troubles psychiques, partir de la santé est utile. La santé selon Canghilhem, pour qui il ne s’agit pas d’un ordre parfait mais d’un effort permanent, d’un compromis précaire pour assurer l’équilibre en devenir. Yves Clot éclaire une autre facette puisque pour lui c’est ce qui permet de porter la responsabilité de nos actes, dans l’échec ou le succès. Et pour Winnicott, dans la santé, l’homme est capable de se sentir vivre jusque dans les peurs, les doutes, les frustrations.

Ce qui rend capable. Et voici bien le problème engendré par certains troubles psychiques. Lionel Deniau rappelle que c’est notamment toute la socialisation qui est perturbée, de manière intense et durable. Au point de nécessiter un accompagnement personnalisé. Jean Canneva emploie le terme d’incapacité, incapacité à vivre dans un environnement, à le transformer. Et il insiste : «  Il ne s’agit pas d’un problème de volonté. Et la souffrance est là, terrible. » Sandrine Lair complète à partir de ce que l’école constate, et qui porte souvent sur le comportement, imprévisible, avec des manifestations explosives dont les enseignants ne savent que faire. Les troubles psychiques sont à reconnaître comme un handicap.

La loi de 2005

Impossible donc de définir précisément les troubles psychiques, divers dans leurs formes, mais des traits communs sont posés : l’imprévisibilité, l’incapacité à interagir avec l’environnement et la douleur endurée par la personne et son entourage.
On revient alors sur l’évolution de leur prise en charge dans l’école. De l’exclusion on est passé notamment avec la loi de 2005 à l’intégration. Lionel Deniau et Jean Cannevas qui ont participé à son élaboration insistent sur l’avancée engendrée. Aujourd’hui, on parle d’école inclusive, d’école en désir de se fondre autour des personnes. On est encore loin du compte, et des familles et enseignants dans la salle font part de leur désarroi, sans solution qui paraisse accessible. Mais on est en chemin.

Treize mots, treize clés

Oui, mais comment faire, à l’école, dans l’entourage ? Peu à peu des éléments sont apportés par les intervenants.

Apaiser. Il s’agira avant tout d’apaiser les troubles, pour pouvoir envisager d’apprendre, d’accepter l’autorité. Cela passe souvent dans un premier temps par des médicaments.

Repérer : être attentif aux signes de troubles, qui ne sont pas toujours perçus tels ni par la famille, ni par la personne elle-même : l’incapacité à se projeter dans l’avenir, les difficultés relationnelles, l’anxiété.

Ecouter : être à l’écoute, mais en laissant les choses se faire, en ne s’appesantissant pas, en tentant l’art de la légèreté. Se faire conseiller.

Incapacité : ne pas oublier que la personne qui soudain se met à exploser ne pas pas faire autrement. Il lui est impossible de se maitriser.

Distance : Trouver la bonne distance avec la personne, ne pas condamner, accepter son silence, son absence d’explication. La distance peut être même physique, pour un moment, avec une prise en charge dans un espace relai.

Eloignement : un éloignement prolongé dans un établissement adapté est parfois ce qui convient. L’éloignement peut provoquer le désir de revenir, et de fait de tout mettre en œuvre pour parvenir à respecter des règles.

Huis-clos : sortir du huis-clos de la classe, de la relation duelle. Ne jamais oublier que c’est un groupe, une équipe, un ensemble de personnes qui peut réellement quelque chose.
Parmi ces personnes, les AVS, personnes proches, adultes de référence, qui peuvent elles aussi être prise dans une relation trop frontale. Et qui auront également besoin d’en sortir… Il va falloir « aider les aidants ».

Cadre : un cadre éducatif est à poser, comme support d’autre chose. Comme manière de séparer l’affectif de l’apprentissage aussi. « Qu’as-tu appris en classe aujourd’hui ? »

Educabilité : quoi qu’il en soit, quelque soit la situation, se souvenir que l’enfant peut apprendre. D’autant que dans les cas de troubles psychiques, l’intelligence n’est pas en cause. Reste ensuite la sensible tâche de maintenir à la fois l’ambition de faire apprendre et l’acceptation d’adapter.

Sécurité : c’est le maitre-mot, pour tous. En cas de comportement explosif, l’enfant doit pouvoir sortir et être pris en charge. La sécurité demande donc de prévoir l’urgence. L’urgence, c’est parfois un service de soins spécialisé.

Fluidité : il faudrait pouvoir aisément passer de l’école à une structure adaptée, pour ne pas rester pris dans un système. Cela demande une fluidité des parcours, des personnes et des personnels.

Besoins : Il faut pouvoir recenser l’ensemble des notifications qui ne sont pas prises en compte, de manière, dans l’idéal, à avoir suffisamment de lieux d’accueil adaptés, comme les ITEP.

Sandrine Lair et Jean Canneva

Sandrine Lair et Jean Canneva

Formation : il est indispensable de savoir comment réagir à la violence, d’avoir une formation partagée par tous pour pouvoir mettre les mêmes mots sur les mêmes choses. Et puis même, une formation « à la gentillesse, au génie du coeur », dira Jean Canneva, avant de réciter quelques phrases de Nietzsche qui ressemblent à une invitation à croire toujours et en tous :
« Le génie du cœur qui enseigne aux mains maladroites et impatientes le tact et la modération, qui devine les trésors cachés, la goutte de bonté et de délicatesse sous la glace épaisse et trouble.
Le génie du cœur, baguette magique qui révèle le moindre grain d’or enfoui dans la boue et le sable…
 »

Christine Vallin