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Le coloriage magique 3.0

L’intégration de solutions numériques en pédagogie peut offrir des possibilités nouvelles pour scénariser projets, séquences et unités d’apprentissages. Cette ruée vers l’innovation ne nous autorise pas pour autant à faire n’importe quoi ! On peut d’ailleurs faire confiance aux défenseurs de l’enseignement exigeant pour pourfendre et railler des propositions pédagogiques s’appuyant sur les dernières applications en vogue. Il faut admettre qu’ils sont loin d’avoir toujours tort !

S’il est vrai que de nombreux projets mettent en œuvre des réponses extrêmement pertinentes en termes de corrélation entre objectifs d’apprentissage et modalités pour y parvenir, d’autres posent question quant à la pertinence et l’efficacité de l’ingénierie pédagogique qui les sous-tend. C’est là toute la différence entre activité et séquence d’apprentissage, entre faire faire et enseigner.

Bien sûr, il ne s’agit pas ici de dénigrer, mais d’interroger ces activités et leur contexte de mise en œuvre, pour obtenir des éclairages sur les intentions didactiques. Les coloriages magiques ou les fiches « symétrie », bien connus des enseignants de l’élémentaire en France, ne sont pas de mauvais supports en soi. Tout dépend de l’intentionnalité enseignante et de la façon dont ces activités s’intègrent dans une scénarisation pédagogique en réponse aux besoins de l’élève.

Phénomènes culturels

La veille pédagogique par le biais de réseaux sociaux ou d’abonnements à des flux RSS nous permet aujourd’hui de suivre l’actualité pédagogique des praticiens aux quatre coins du monde. Or, force est de constater qu’à chaque apparition d’un phénomène culturel, très souvent commercial, on voit se multiplier des fichiers Star Wars pour apprendre la numération décimale ou des séquences du type « Exercer son sens critique avec Pokémon Go ».

Après un premier mouvement d’attraction (ou de rejet), l’intérêt est bien pour chaque enseignant, éclairé par une formation pédagogique et didactique solide (et il n’est pas question ici d’expertise numérique), de décortiquer l’activité proposée au regard des critères qui fondent la séquence didactique : lien avec les programmes, scénarisation, activité de l’élève, du professeur, éléments de connaissances, de capacités et d’attitudes, transférabilité, etc.

L’intérêt de ces supports et activités pourrait être de nous proposer un média qui va questionner notre propre capacité à construire des séquences d’apprentissage pertinentes. Eu égard à ma situation d’enseignement, aux besoins de mes élèves et à ma progression, à mes objectifs, cette proposition est-elle un bon levier ? Tout ou partie ? Transférable à un autre thème qui s’intègre aux projets de classe existants ? Adaptée au matériel dont je dispose ? Acceptable par les partenaires éducatifs ?

Ces propositions seraient donc, au-delà d’une mise à jour d’activités clé en main, autant d’occasions pour nous interroger et mettre à distance nos pratiques, individuellement et collectivement, et donc stimuler notre créativité et notre expertise enseignante au service des élèves.

Régis Forgione, Nicolas Durupt, Fabien Hobart