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Le Diclé, un formidable outil pour lire et écrire

Sybille Grandamy et Danièle Manesse

Sybille Grandamy et Danièle Manesse

A quel besoin répond le Diclé ?
Un dictionnaire classique s’adresse à des lettrés, qui maitrisent les codes de ces ouvrages ainsi que ceux de la langue écrite. Or, comment fait-on lorsque l’on ne possède pas ces codes ? Comment fait-on pour trouver comment s’écrit un mot sans avoir la moindre idée de son orthographe ? Si les essais sont infructueux ou trop longs, ils sont souvent suivis d’un abandon : « le dictionnaire, ce n’est pas pour moi ». Pour tous ceux qui se reconnaissent là, il manquait un outil transitoire, qui leur permette d’une part d’enrichir leur vocabulaire et d’autre part de réussir à trouver l’orthographe correcte d’un mot. On sait que ces deux compétences font partie des clés essentielles à une meilleure intégration sociale.

C’est pour offrir une solution simple et rapide à ces personnes que le Diclé est né. Pour se réconcilier avec le dictionnaire.

Qu’a-t-il d’original par rapport à un dictionnaire classique ?
Le Diclé est composé de deux parties complémentaires :
– le « Dictionnaire pour Lire » qui répond à la question « que signifie ce mot ? ». On y trouve les définitions simples de 7000 mots du français courant. On trouve également les verbes conjugués très différents du radical de l’infinitif comme « sommes », « dois », « vaille », « irai », avec un renvoi vers l’infinitif. Cette partie est complétée par des planches thématiques illustrées, car « un bon dessin vaut souvent mieux qu’un long discours ».

La maquette a fait l’objet d’un effort particulier : aérée, en couleur, sans être infantilisante, elle rend la consultation agréable. Pas d’abréviations, pas de codes complexes, pas de références littéraires, pas de nombreuses pages explicatives, un « mode d’emploi » qui tient sur les rabats de la couverture, tout est pensé pour être simple et rapide.

– le « Dictionnaire pour Écrire » qui répond à la question « comment s’écrit ce mot ? ». C’est là la différence du Diclé avec les dictionnaires classiques : on entre dans cette partie par l’image sonore du mot. Grâce à un alphabet sonore reposant sur les représentations graphiques les plus courantes du français, chaque mot est transcrit comme il s’entend et est immédiatement suivi de son orthographe correcte. Comment s’écrit « ausculter » ? On entend/o/, on cherche à ce son, on trouve le paragraphe des mots commençant par/os/, dans lequel figurent « ausculter », mais aussi, « ostéopathe », « hospitaliser » ou « océan ». Un jeu de renvois permet de retrouver la définition du mot dans le « Dictionnaire pour Lire ».

On part de ce qu’on connait – la prononciation du mot – pour trouver l’orthographe correcte d’un mot, on évite ainsi de « deviner l’orthographe ».

Quel a été l’apport de l’expérimentation dans les classes ?
Nous avons fait deux séries de tests auprès des publics visés. Les enseignants avaient pour consigne de laisser les apprenants comprendre et trouver par eux-mêmes, sans présentation ni explication, à partir de textes contenant des mots inconnus à rechercher, puis de mots dont il fallait trouver l’orthographe. La prise en main se faisait vite, en une heure à peine. On se souvient du sourire rayonnant de cet élève, en France depuis trois mois, qui parvenait plus vite que tous à trouver l’orthographe des mots demandés et de son enseignante : «C’est la première fois qu’il réussit !». Et toujours, ce même commentaire dans toutes les classes : «C’est plus facile ! On y arrive !».

Quels usages peuvent être faits du Diclé et à quel niveau ?
SG : Le Diclé s’utilise pour la recherche du sens d’un mot à l’aide de définitions en français accessible. Il est par ailleurs un allié précieux à la production d’écrit puisque l’on peut rapidement trouver l’orthographe du mot qu’on cherche à écrire.

Si les publics concernés sont fort divers – élèves de cycle 3, jeunes et adultes apprenant le français ici ou à l’étranger, collégiens en difficulté, personnes sortant de l’illettrisme – ils ont en commun de rencontrer le même type de difficultés au passage à l’écrit et c’est à ces difficultés que le Diclé apporte une réponse.

Comment le Diclé s’articule-t-il avec les nouveaux programmes ?
DM : Plusieurs domaines majeurs sont concernés : le lexique, en partie lié avec l’orthographe, elle-même étroitement en relation avec la conquête de la lecture de l’écriture, comme le regretté André Ouzoulias, qui est à l’origine du projet, l’a si bien argumenté.

L’audace innovante du Diclé c’est d’avoir le saut de la langue orale à la langue écrite sans l’outil de notation qu’est l’alphabet phonétique, opaque et conçu pour transcrire la réalisation phonique de la parole réelle, donc infiniment variable. La transcription sonore imaginée par André et Sybille doit permettre de trouver l’entrée orthographique correcte à partir de la forme orale, sachant que l’unité mot n’est pas donnée dans l’oral (segmentation), ou pas de manière constante (variantes). Cette transcription n’a donc rien à voir avec la transcription souvent hasardeuse en Alphabet phonétique international qui suit l’entrée-mot dans un dictionnaire classique. Il fallait qu’elle soit déjà familière à l’utilisateur, en sorte qu’elle ne lui coute pas d’effort, d’où ce choix des correspondances phonographiques les plus fréquentes dont tous les destinataires, étrangers, enfants ou adultes illettrés ont fait l’apprentissage, qu’elle soit systématique et compatible avec le système phonologique de la langue, tout en intégrant différentes contraintes éditoriales… Mille difficultés.

Nous sommes ainsi parvenus à une transcription sonore qui ne contredit pas le système dans ses latitudes variationnelles, et est tout à fait justifiable face à d’éventuelles critiques du… purisme phonologique. Le Diclé repose sur des choix, comme tout travail lexicographique, sur des décisions d’une ingéniosité exceptionnelle à mon sens, mais Sybille rencontrait sur nombre de questions de détail des difficultés qui exigeaient débats et compromis.

A mon sens, la didactique du français s’est souvent fourvoyée dans une complexité inutile qui déboussole professeurs et élèves, contribuant à délaisser l’enseignement des bases métalinguistiques incontournables pour se mouvoir dans la langue écrite. ; là, je jubile devant la liste du métalangage nécessaire et suffisant en une page (p. 8), la grammaire utile ou encore l’alternative claire au Bescherelle en quelques pages…
Pour son usage en français-langue maternelle, c’est un outil au service de la transversalité disciplinaire. Il est un recours précieux pour les définitions des langages dans toutes les domaines de savoir du socle commun (échelle, hauteur, nuance ou encore dieu par exemple), à l’image de ce que les programmes actuels demandent ; dans son versant encyclopédique, il permet «d’interroger le monde» de maintenant. Pour l’enseignement du FLE, dont les méthodes laissent la priorité à l’oral, je le crois d’une pertinence décisive ! Il est une arme pour ce que je crois le cœur du combat dans la pédagogie : faciliter la route vers la culture, permettre d’apprendre plus vite, gagner en autonomie.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk