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La série S : une série reine à détrôner ?

Le premier constat est la stagnation de ses effectifs : elle rassemble, comme au début des années 90, un peu plus de 30 % des élèves de séries générales et technologiques.
Le second est que la série S n’est pas une série scientifique : moins de la moitié des élèves qui choisissent cette série le font par goût pour les sciences. Les élèves de S s’orientent de moins en moins vers les formations universitaires en sciences fondamentales, et près d’un tiers poursuivent des études dans des formations non scientifiques. Par les horaires, les coefficients au bac et les programmes, la série est, en fait, généraliste. C’est, avant tout, une série « élitiste », et, en même temps, une série « souffrance », à cause du niveau d’exigence, des contenus scientifiques trop arides et du volume de travail.

Une réflexion incomplète sur les structures, et quasi inexistante sur les contenus
Le rapport analyse d’abord le rôle des options (enseignements de détermination) de 2de, « qui ne jouent pas leur rôle », mais il ne s’intéresse pas à d’autres facteurs essentiels dans le choix d’orientation : connaissance des études, nature et contenus des enseignements du tronc commun, représentations des élèves et des familles, politiques d’établissement. Le rapport lui-même reconnaît l’absence d’évaluations qui permettraient d’y voir plus clair.
À propos des choix d’études dans l’enseignement supérieur, le rapport note que la relativement faible réussite des bacheliers S dans les formations universitaires de maths ou de physique est liée au fait que ce ne sont pas les meilleurs qui choisissent cette voie ; mais il ne va pas jusqu’à évoquer la question de la concurrence entre formations universitaires et formations sélectives (classes prépa, écoles d’ingénieurs).
Les aspects liés aux contenus d’enseignement sont peu abordés dans le rapport lui-même (ils apparaissent dans les contributions de chaque inspection générale disciplinaire qui sont annexées au rapport), sauf pour mentionner l’exigence des enseignements non scientifiques en S. En particulier, on note l’absence de questions sur les contenus des programmes de 2de.

L’approche expérimentale des sciences
Le rapport insiste sur la motivation créée par les aspects expérimentaux de la science. Il note que les élèves qui ne découvrent pas cet aspect des sciences au collège sont intéressés quand ils le rencontrent en 2de, mais que « cet attrait est trop tardif pour certains, qui, s’étant peu investis au collège dans les sciences, ne sont plus en mesure d’entrer dans la série sélective qu’est la série S » (p. 23). Il ne va pas jusqu’à en déduire qu’il faudrait (ré)introduire dans l’étude des sciences au collège cette approche par l’expérimentation !
De même, alors qu’il rappelle que les études scientifiques en sciences appliquées ne connaissent pas la perte d’effectifs des études théoriques, il ne s’interroge pas sur les moyens de développer, à l’intérieur de la série S, la voie S « option SI ».
Il développe par contre une argumentation peu claire qui différencie abstrait et formel (ce qui est juste), mais qui oppose aussi « projets » et « apprentissages fondamentaux ». Il peut sembler, à la lecture, que ce passage a pour principal motif de permettre un paragraphe accusateur contre les « mathématiques », dont l’enseignement est « prétendument formel, en réalité trop exigeant sur la forme et dénué d’attrait », et qui est dispensé « sans pour autant mettre en avant de vraies bases théoriques et sans passer à un niveau particulièrement abstrait ». Face au reste d’un rapport qui pratique la nuance dans beaucoup d’affirmations, ce paragraphe semble un peu trop raide !
Une place assez grande est donnée à la présentation d’expérimentations qui proposent en 2de des enseignements destinés à favoriser le goût des sciences. Ces exemples pouvaient être l’occasion de poser plus clairement le problème de la « concurrence » entre les trois disciplines scientifiques ; à travers le fort développement de l’option MPI, le rapport souligne la position de force que sont en train de prendre les sciences physiques ; mais il ne fait qu’effleurer l’idée de favoriser l’accès d’élèves intéressés par les SVT (visant médecine, par exemple), mais moins accrochés par les mathématiques ou la physique. Ces élèves-là n’étant pas ceux qui « manquent » dans les filières universitaires de sciences « dures », cela n’est pas le problème.

Des propositions intéressantes, mais à questionner
Les auteurs rejettent trois choix qui auraient pu être envisagés : ou bien ne rien faire, ou bien renforcer le caractère scientifique de la série S, ce qui amènerait à risquer d’appauvrir les enseignements des disciplines non scientifiques ; ou bien enfin fusionner les trois séries en une seule. Ils font donc une proposition à deux niveaux, en 2de, puis dans le cycle terminal : la « construction d’un parcours de formation ». En 2de une « préparation aux choix de la série du cycle terminal » propose à tous les élèves de découvrir successivement au cours de l’année de 2de trois enseignements conçus comme des activités de découverte des trois voies possibles, avec des méthodes pédagogiques de type « projet ». Au-delà, en 1re, puis en terminale, le rapport propose de substituer aux séries actuelles des « parcours de formation à dominantes ». Cela comprend l’instauration d’un tronc commun à tous les élèves d’une même dominante, à côté « d’enseignements d’approfondissement mineurs ou majeurs », plus importants en volume en terminale qu’en 1re, et qui sont choisis par l’élève en fonction de son projet de formation. Le rapport ne développe pas dans tous ses détails une proposition qui resterait largement à définir, dans les volumes horaires et les équilibres disciplinaires.
Même si les arguments développés à l’appui de cette proposition sont séduisants, on peut s’interroger sur les évolutions possibles de ce type de structure en 2de, dont on peut craindre qu’il ne soit aussi facilement détourné que le système actuel. Faute de propositions plus précises sur les enseignements qui seraient inclus dans le tronc commun et sur ceux qui feraient l’objet d’approfondissement, faute d’indications sur les contenus des programmes, il me semble qu’il est difficile de savoir si cette restructuration, qui porterait surtout sur le cadre et les procédures d’orientation, pourrait échapper aux pressions de toutes sortes qui se déploient souvent face aux réformes, et éviter de retomber dans des pratiques élitistes. La grave question de la place des mathématiques dans la structure sera aussi posée, face à des sciences expérimentales qui semblent avoir aujourd’hui des atouts importants. Il faudra arriver à dépasser la concurrence entre disciplines scientifiques et la surenchère des autres disciplines.
Par contre, l’idée de favoriser des démarches pédagogiques comme le projet, dans une approche pluridisciplinaire, me semble intéressante. L’exemple donné d’un établissement ayant expérimenté une pratique de ce genre mentionne quand même « la difficulté de mener à la fois un enseignement centré sur le programme et la transmission de connaissances, et un enseignement centré sur le projet… ». C’est dire que la juxtaposition d’options, de pratiques de type « projet », à côté d’enseignements « fondamentaux » qui n’évolueraient pas dans leurs contenus et dans leurs pratiques pédagogiques, ne pourra pas augmenter de façon significative l’attrait des sciences, et donc « sauver » l’enseignement des sciences à l’université… mais aussi assurer la culture scientifique qui doit faire partie du bagage de tous aujourd’hui.

Françoise Colsaët, professeur de mathématiques en lycée.