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La recette du stage de révision

Même si certains disent que le bac est donné à tout le monde, même si certains confondent le taux de réussite avec la proportion d’une génération qui accède au baccalauréat, de nombreuses équipes pédagogiques continuent à déployer de l’énergie pour que leurs élèves arrivent aux épreuves du bac dans les meilleures conditions.
Parmi les initiatives multiples, le stage de révision constitue un point d’orgue puisqu’il se situe à proximité de la date des épreuves. C’est une entreprise qui nécessite une logistique assez importante pour rompre, au moins partiellement, avec les modes de fonctionnement habituels et qui n’est, bien sûr, pas sans limites.

Les ingrédients nécessaires à la mise en place d’un tel stage sont :
1. Une équipe de professeurs volontaires, pluridisciplinaire (si possible en rapport avec les coefficients de la série du bac), pilotée par le ou les professeurs de SES dans la série ES.
2. Des classes qui veulent participer et des élèves qui peuvent participer (financièrement, ce qui implique des aides diverses que l’on parvient à obtenir, et sans interdit parental) sachant que le principe est que tous les élèves d’une classe soient partie prenante.
3. Un lieu qui remplisse certaines conditions de localisation : dépaysement, trajet ni trop long, ni trop coûteux ; isolement par rapport aux lieux de déconcentration que sont les centres-villes ; possibilité de disposer de multiples petites salles et d’une grande salle de briefing-debriefing. Les stages de notre lycée se déroulaient à Blainville sur mer, petite localité de la Manche.
4. Une période adéquate : l’expérience montre que la dernière semaine de mai est propice.

L’organisation pédagogique repose sur le principe du libre choix par l’élève de ses modules de révision parmi un ensemble déterminé à l’avance. Cet ensemble est défini par les enseignants à partir d’un questionnaire aux élèves sur le diagnostic de leurs difficultés avant le départ en stage.
Ce choix des élèves s’effectue sous contraintes liées à l’importance relative des matières au baccalauréat.
Cette démarche a pour conséquence un emploi du temps spécifique au stage en fonction du nombre d’inscrits à chaque module et un éclatement des groupes-classe.
Il est par exemple possible qu’un même module soit reproduit 3 fois s’il y a 45 inscrits sachant que le nombre d’élèves par module est limité à 15. Chaque élève doit participer à environ 22 modules sur 5 jours sachant que quelques modules de spécialité peuvent s’y ajouter.
Voici une des 12 propositions de module faite en SES par les 2 collègues animant le stage en 2007-2008 :

Module 11
Partie 2 du programme
Thèmes de programme : 3) Idéal démocratique et inégalités. 5) Intégration et solidarité.
Notions principales : protection sociale, Etat-Providence, inégalités.
Nature des documents : 2 graphiques (histogramme, courbe), 1 texte (descriptif, analytique)
Objectifs : 1) lecture de graphiques. 2) révision de notions. 3) compréhension du système de protection sociale.

Chaque séance d’une heure comporte à la fois un objectif de connaissances et un objectif méthodologique.
Les élèves sont donc amenés à réfléchir en amont à leurs difficultés les plus importantes pour choisir les modules.
Pendant les séances, le faible effectif des groupes permet aux élèves de s’exprimer sur leurs difficultés.
Pendant les plages de temps libre, ils peuvent à nouveau solliciter les enseignants.

Pourquoi cette recette est-elle en général appréciée ?
– L’apprentissage est plus individualisé.
– L’élève est dans une posture plus métacognitive.
– L’expression orale est facilitée (en relation avec l’oral de rattrapage).
– La dynamique de groupe crée des externalités positives (logique coopérative, soutien moral mutuel).
– La pression parentale, souvent perçue comme très lourde, est mise à distance.

On pourra opposer que ce type d’organisation peut fonctionner dans l’établissement même mais c’est sous-estimer les effets de la décontextualisation. Les effets positifs précédemment cités prennent toute leur ampleur dans le cadre d’une mise au vert ; cet éloignement des conditions de vie habituelles permet aux élèves, avec des exercices adaptés, d’évacuer un stress de plus en plus perceptible et handicapant.

Toutefois, ce type de dispositif n’est pas sans limites.
– L’alchimie entre groupes d’élèves puis entre élèves et groupe de professeurs n’est pas toujours optimale.
– L’impact du stage sur les résultats au bac est difficilement évaluable : 5 jours de stage ne peuvent pas compenser des difficultés accumulées sur le long terme.
– D’après les bilans d’évaluation, l’effet se fait sentir autant sur le mental que sur les capacités de l’élève et il est donc d’autant plus diffus.
– Un tel stage ne s’adresse probablement pas à toutes les populations scolaires : peu utile pour les classes de bons élèves et peu efficace pour les classes à majorité d’élèves en grande difficulté, il vise une population scolaire intermédiaire que l’on retrouve cependant dans une proportion importante de nos lycées.

La reconduction de ce stage sur plusieurs années permet de conclure à une satisfaction quasi unanime des élèves, pas seulement pour les progrès réalisés à court terme en sciences économiques et sociales -ou ailleurs- mais aussi d’après ce qui s’inscrit dans les mémoires, « cela reste mon meilleur souvenir de lycée », et exceptionnellement dans les faits, « c’est un peu grâce à vous qu’on va se marier ». Voilà une externalité positive !

Gérard Pouettre, Lycée Jean Monnet de Franconville, Académie de Versailles.