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La pratique du journal – L’enquête au quotidien

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Rémi Hess a déniché un inédit et valorise un terme peu usité qu’il nous confie dans son dernier livre La pratique du journal, dont le sous-titre est : L’enquête au quotidien. L’inédit : un ouvrage de M.A.J. de 1808. Le vocable : le mot « diariste ».

M.A.J., lui paraît peut-être correspondre aux initiales de Marc Antoine Jullien que l’on connaît comme le précurseur de l’éducation comparée, qui fut disciple de Robespierre, eut des responsabilités importantes sous la Terreur, traversa l’empire et laissa une uvre importante concernant l’éducation. Quant au mot diariste, il est issu de « diaire » (au jour le jour), que l’on retrouve en anglais dans diairy signifiant journal, au sens de tenir son journal.

Marc Antoine Jullien, diariste, dans un Essai sur une méthode qui a pour objet de bien régler l’emploi du temps, premier moyen pour être heureux fait l’éloge de la tenue d’un journal au regard d’un projet éducatif global. Ainsi ce qui pouvait ressembler à une pratique récente se trouve fondé historiquement.

La tenue d’un journal comme favorisant la recherche ethnosociologique est une histoire ancienne remise au goût du jour.

Chacun connaît le journal intime comme forme littéraire. Anne Franck y a contribué.

Mais il est question ici d’un journal comme outil d’exploration du quotidien par les praticiens sociaux : ethnologues, sociologues notamment, qui conduit à « noter chaque jour ses observations, à apprendre à se relire, à classer ses déceptions, à capitaliser son vécu ».

La pratique du journal est constitué de deux parties. Dans la première partie, il y est question de l’uvre diariste de Marc Antoine Jullien, puis s’intéressant au journal de son grand-père et au journal qui a accompagné ce livre, Rémi Hess en vient à s’interroger à propos du journal comme témoignage, et à poser quelques interrogations fortes dont il s’empare plus précisément dans la seconde partie. La seconde partie avec pour titre « Formes et méthodes de la technique » aborde quelques caractéristiques du journal ethnosociologique, en éclairant l’usage du journal comme outil d’analyse interne, le travail d’indexicalisation et le journal d’intervention. On comprend le parti pris méthodologique de l’auteur à travers l’écriture d’un journal.

D’une part, « garder une mémoire pour soi-même ou pour les autres d’une pensée qui se forme au quotidien dans la succession des observations et des réflexions ». D’autre part, parvenir ainsi à mieux comprendre sa pratique, à l’organiser, à la réfléchir.

À travers le journal se construit ainsi une théorie des moments de vie expliquant la construction d’une identité autour de situations qui font signification pour celui qui décide de les retenir. Pas étonnant alors que Rémi Hess propose la possibilité de faire exister simultanément plusieurs journaux traitant de plusieurs questions.

À partir de ces journaux à dimension ethnosociologique, distinguables de journaux intimes dès lors qu’ils sont centrés sur un questionnement de recherche et non sur une problématique personnelle, dès lors qu’ils sont destinés à être lus par d’autres et non conservés pour soi, se pose la question de la subjectivité et de l’objectivité dans le recueil des matériaux, la question de la possibilité d’une mise à distance de soi, dans le but d’éviter la complaisance à l’égard de ses partis pris. Comment faire exister une socio-analyse participante qui puisse inclure le chercheur dans sa recherche et l’en mettre à distance ? Vieux débat, vieille question toujours d’actualité que l’ouvrage de Rémi Hess fait se reposer.

Michel Develay


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