Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

La philo à l’école. Trois ouvrages de Michel Tozzi : La discussion philosophique à l’école primaire. Pratiques – Formations – Recherche

«Après le relatif retrait des religions, après la mort des grandes utopies qui inséraient nos actions dans l’horizon d’un vaste dessein, la question du sens ne trouve plus de lieu où s’exprimer collectivement [[Luc Ferry, L’homme-Dieu ou le sens de la vie, 1996, poche, p 16.]]. »
À l’heure où l’on parle encore de crise de sens de la société, l’idée d’une pratique précoce de la philosophie fait son chemin. François Galichet [[Professeur à l’IUFM de Strasbourg.]] la présente comme un facteur d’égalité en ce que les grandes questions métaphysiques sont sans réponse, quel que soit le niveau de savoir de celui qui se les pose, facteur de liberté dans le sens où la raison permet d’échapper à certains déterminismes, facteur de fraternité par sa capacité à rapprocher autour des mêmes grandes questions qui traversent toute existence. Travaillant sur le socle de l’argumentation, elle représenterait donc un « idéal de communication » (P. Breton) redonnant accès au pouvoir à travers la parole et créant un lien social puissant.
Il s’agit d’une deuxième publication sur le sujet. La première [[L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, coordonné par M. Tozzi, Ressources formation, CNDP, Hachette Education.]] présentait différentes démarches axées davantage sur la maîtrise de la langue, l’éducation à la citoyenneté, le développement des processus de pensée ou encore l’aspect « psycho-existentiel ». Les cinq expériences présentées dans ce deuxième ouvrage ont été menées de la maternelle aux classes de SEGPA. Mais parallèlement, c’est de la formation des animateurs et de la recherche dont il est plus précisément fait état, témoignant d’un souhait d’accompagner au mieux, théoriquement et pratiquement, ceux qui n’hésitent pas à se lancer dans l’aventure. Il s’agit bien d’une aventure puisqu’elle ne correspond à aucune prescription hiérarchique mais repose sur le volontariat des maîtres et semble répondre à une attente des enfants. Lorsque l’intérêt des élèves rencontre, stimule celui des enseignants et surprend agréablement l’institution, on est là dans les meilleures conditions de l’innovation. Reste à les faire perdurer, à éviter par exemple l’effet de mode que pourrait présenter le rapprochement des pratiques philosophiques pour enfants et de la citoyenneté. C’est dans ce sens que Michel Tozzi présente les enjeux et objectifs de la formation et de la recherche dans le domaine. Partant des représentations des maîtres sur la philosophie, la discussion et la discussion philosophique, la formation aura ensuite à répondre au « comment » de la mise en place de discussions, pour en déterminer les conditions possibles de déroulement, éviter les écueils ou répondre aux craintes des enseignants parfois troublés par ces questionnements ou par un rapport non traditionnel au savoir accueillant les questions existentielles que l’enfant se pose (« Quand on est mort, est-ce qu’on peut continuer à rêver ? », « À quoi ça sert d’aimer ? »), sans lui apporter de « vérité ». Quant à la recherche, elle a entre autres objectifs de mieux comprendre les racines historiques de ce mouvement international, les raisons des résistances du discours philosophique traditionnel en France, les articulations avec certains objectifs de l’école et certaines disciplines et l’évaluation de son influence sur diverses compétences de réflexion, de maîtrise de la langue ou de socialisation. Le chantier est donc ouvert, les témoignages d’instituteurs, professeurs de philosophie, de conseillers pédagogiques, d’un IEN, de professeurs d’université attestent dans cette publication des interrogations soulevées et des chemins parcourus.

Christine Vallin