Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

La nouvelle question scolaire : les bénéfices de la démocratisation

Éric Maurin, éditions du Seuil, 2007.

À l’heure où le débat sur l’école est bien mal parti, et où les rayons des librairies sont remplis de livres qui surfent sur la vague du catastrophisme et du déclin de l’école, le dernier livre d’Éric Maurin est un livre important. Il a pour ambition de remettre le débat sur le bon chemin et d’opposer des arguments aux jérémiades et aux approximations.

La rigueur de l’analyse y est mise au service de l’argumentation.

Une argumentation qui va lui permettre de réfuter les thèses de ceux qu’ils appellent les « pessimistes » et qu’il faut bien désigner aussi sous le nom de conservateurs. Mais le livre fait aussi la critique de la thèse de l’« inflation scolaire » (titre d’un livre de Marie Duru-Bellat).

Aux premiers qui ont construit leur succès médiatique sur la thèse du déclin de l’école et l’échec de la démocratisation, et qui ne voient de solution que dans la restauration d’une école passée et élitiste il répond en démontrant « les bénéfices de la démocratisation ». À l’heure où on remet en question le collège unique, il en montre les effets positifs sur l’accès à l’emploi et les inégalités sociales.

Aux deuxièmes (Éric Maurin les qualifie de « malthusiens ») qui s’interrogent sur la réalité des débouchés et voient la massification comme un phénomène de dévalorisation des diplômes, il répond par une analyse très précise de l’insertion professionnelle. Il affirme que l’augmentation du niveau des diplômes est une nécessité pour le marché du travail et que sans les nouveaux diplômés, l’économie française se porterait encore plus mal.

Il alerte contre les dangers d’un possible renoncement qui conduirait à accroître les inégalités et la compétition. Et démonte également toutes les fausses solutions liées au libéralisme et à la concurrence : suppression de la carte scolaire et autonomie des établissements, orientation précoce. Pour lui, la nouvelle question scolaire réside dans la poursuite de la démocratisation scolaire et de l’objectif de justice sociale. L’enjeu est aussi dans une évaluation rigoureuse et non biaisée des résultats de l’école.

En somme, Éric Maurin nous dit que non, l’école ne va pas si mal, qu’il faut la préserver et l’adapter au service d’un objectif de démocratisation réaffirmé. Éric Maurin est économiste et sociologue et ses travaux s’appuient sur de très nombreuses études d’économie empirique de l’éducation, notamment un grand nombre d’expérimentations naturelles et sociales. Cela lui permet de mettre en évidence les effets de telle ou telle mesure en se référant à ce qui s’est pratiqué dans les nombreux pays étudiés. Mais cet ouvrage, écrit dans une langue très claire, est tout à fait accessible à des non-spécialistes de ces disciplines. On peut même dire qu’il est indispensable pour tous les pédagogues qui en ont assez de la déploration des déclinologues de l’école : il y a là des arguments solides à leur opposer. À condition, bien sûr, que le débat permette l’échange d’arguments. Ce qui reste à prouver…

Philippe Watrelot
Lire l’interview d’Éric Maurin dans l’Actualité éducative du N°357 de novembre 2007