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La gratuité de l’éducation en question

Comme l’article de Yamada ou d’autres recherches sur le Japon contemporain le montrent[[Philippe Pelletier, Le mythe de l’égalité et de l’homogénéité sociales s’affaiblit, dans Questions internationales n°30, 2008, pp.49-61
Le Japon méconnu dans Manière de voir, n°105, 2009
Kaneko (2008) Égalité et inégalités dans la société japonaise d’après-guerre, dans Le Japon contemporain, pp.265-280
Garrigue-Testard et Chevallier (2008) L’évolution des mentalités dans les années 1990, dans Le Japon contemporain, pp.467-486]], la réalité de notre société ressemble plutôt à celle des États-Unis d’Amérique. Le Japon se classe au cinquième plus haut taux de pauvreté relative de l’OCDE. D’après la première enquête réalisée par le gouvernement japonais, une personne sur six se trouve sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire dispose d’un revenu inférieur à 1 140 000 yens par an (environ 7 000 euros). 58 % des familles monoparentales, souvent des couples « mère — enfant », sont en dessous de ce seuil. Le nouveau gouvernement voudrait mettre en place un budget pour aider les foyers en difficulté par une allocation de 26 000 yens (200 euros) par mois par enfant.
Dans le domaine de l’éducation, depuis l’enquête PISA, les chercheurs sont convaincus de l’importance du capital social et culturel qui creuse l’écart entre les familles entre 2000 et 2006[[Fujita (2008) Système politique et éducation. La réforme de l’enseignement en question, dans Liberté, inégalité et individualité, CNRS, 2008 pp.11-30]].

Le cout de l’éducation à la charge des parents

Le Japon est un des pays où, avec 4,1 % du PIB en 2006, la dépense de l’État pour l’éducation est la plus faible des pays de l’OCDE. L’article 26 de la Constitution proclame la gratuité de l’enseignement obligatoire pour les enfants de 6 à 15 ans. Mais les parents peuvent malheureusement rencontrer beaucoup de difficultés dans la participation à toutes les activités scolaires sans aide financière de la part des collectivités territoriales ou de l’État. La subvention de l’État ne se monte qu’à un tiers des subventions d’aide scolaire ou l’aide sociale,depuis l’ère du premier ministre Koïzumi (2001-2006), les collectivités territoriales se chargeant des deux tiers restants.
Dans une recherche sur une école publique à Nagano, on a estimé à environ 130 000 yens (1 000 euros) le cout pour les familles de la première année de l’école élémentaire. Ces dépenses comprennent des survêtements de sport, une blouse blanche pour la cantine, etc. S’y ajoute une dépense d’environ 6 000 yens (45 euros) par élève qui sera encaissée au début de l’année scolaire pour acheter des articles de papèterie utilisés dans la classe ; près de 5 000 yens de frais de cantine, et 2 500 yens de frais de matériel pédagogique qui sont recueillis dans la classe chaque mois ; l’inscription aux activités extrascolaires, obligatoires au Japon, et celles-ci peuvent couter assez cher selon son choix d’activité, comme un instrument de musique ou les frais de transport pour des tournois en déplacement.
Un économiste a calculé que la dépense totale pour un enfant de l’école maternelle à l’université pendant 19 ans dans un établissement public au Japon représente 8 180 000 yens (62 250 euros) ; pour un enfant scolarisé dans un établissement privé (sauf l’élémentaire, pour lequel il n’existe pas de statistiques), le cout est de 15 630 000 yens (119 000 euros), soit l’équivalent de l’achat d’une maison. On comprend combien les jeunes couples hésitent à élever un enfant ou en avoir un deuxième au Japon. L’inscription à l’université coute encore plus cher, et si l’étudiant doit vivre seul, les frais de sa vie quotidienne d’étudiant pèsent encore plus lourd sur le budget des parents. En moyenne, quand un étudiant vit hors de la maison parentale et est inscrit dans une université privée, ces frais se monteraient à 10 000 000 yens (76 000 euros) pour 4 ans, alors qu’un étudiant vivant avec ses parents et allant dans une université nationale ne couterait que 4 000 000 yens (30 450 euros), dont 700 000 yens (5 330 euros) par an pour les frais de scolarité.
Depuis que l’économie japonaise est en dépression, cette charge d’investissement à l’éducation est devenue la préoccupation principale des parents. Le travail sociologique de Kikkawa montre que l’écart social ou la bipolarisation entre les riches et les pauvres se creuse au niveau de l’obtention de la licence. C’est-à-dire que les diplômes de l’enseignement supérieur donnent l’opportunité d’un contrat à vie beaucoup plus important par rapport à des jeunes n’en disposant pas. Nous attendons la réponse du nouveau gouvernement Hatoyama (installé en septembre 2009) qui a promis la mise en place d’une politique en faveur de dépenses sociales en hausse malgré des entrées fiscales en baisse.

Sonoyama Daisuke, Université de Bunkyo.