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La «fachosphère» attaque un collège

Camille Kleinpeter, vous enseignez les sciences de la vie et de laTerre au collège Rabelais de l’Escarène et êtes aussi syndicaliste engagé au SGEN-CFDT. Pouvez-vous nous rappeler la chronologie des faits ?

Au départ, notre collègue de musique a intégré cette année à son répertoire de chansons apprises et interprétées par ses élèves de cinquième un poème, Lamma bada yatathanna, un «mouachah», poème à structure libre en arabo-andalou, selon une tradition qui remonte à la fin du VIIIe siècle en Andalousie musulmane. L’an passé, elle faisait chanter des élèves en japonais. Rien que de normal dans le cadre des programmes et du parcours artistique et culturel. Quelques parents de notre collège, petit établissement tranquille où se mélangent diverses populations, ont protesté auprès du professeur.

Nous aurions réglé cela en interne s’il n’y avait eu très vite une offensive d’extrême-droite à travers des sites aux titres un peu étonnants (« démocratie participative », « résistance républicaine », et plus connu « riposte laïque ») et qui sont tous si peu démocrates et si peu républicains. Notre principale a été trainée dans la boue et les calomnies se sont diffusées, à coup de mensonges et de diffamations.

Quelle a été la réaction des autorités ? Et celles des enseignants du collège ?

Le Rectorat a condamné officiellement ces attaques, assuré l’équipe du collège de son soutien, à travers également la visite d’inspecteurs pédagogiques régionaux. Les collègues ont fait front ensemble dans l’établissement.

Au-delà, j’ai voulu travailler en intersyndicale en publiant un communiqué, en intervenant dans les médias (Nice-Matin, France 3, Libération, TempsRéel NouvelObs), afin de dénoncer ces intrusions dans l’école et dans nos enseignements. Cela dépassait mon collège et mon syndicat. Le SGEN national a interpellé à plusieurs reprises le ministère, mais jusqu’ici, il y a eu un silence « assourdissant » selon le mot de la secrétaire nationale. Volonté de ne pas faire de publicité pour ces sites fascistes, d’être prudent sur le plan médiatique ? Un argument très discutable !

D’autant que l’un des risques possibles de ce genre d’attaques, ce pourrait être de provoquer l’auto-censure, par peur d’être une cible sur les réseaux sociaux…

Et demain, on pourrait avoir la même chose avec les programmes de SVT par exemple et la théorie de l’évolution ou l’avortement que l’on aborde en classe. Ici, d’ailleurs, est attaquée une manifestation d’ouverture culturelle, avec une chanson qui exalte l’amour et provient d’une période de l’Histoire plutôt tolérante en Andalousie.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk


Pour en savoir plus :
Le reportage de France 3 (émission du 14 décembre, à 5min15)

La chanson interprétée par la chanteuse Fairuz

À lire également sur notre site :
Qu’est-ce qui ne va pas avec l’arabe à l’école ?, antidote n° 20, par Françoise Lorcerie