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La convention internationale des Droits de l’enfant a 30 ans

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Les « Droits de l’enfant », le lecteur a l’impression de savoir ce que c’est. Pourtant vous dites que ce texte et son histoire sont mal connus ?

Le texte de la CIDE est au programme d’EMC des cycles 3 et 4, mais force est de constater qu’il est inconnu de nombreux élèves, y compris plus âgés et plus engagés, comme le montre l’interview des délégués lycéens de l’UNL qui figure dans notre dossier. S’il est si peu connu, c’est qu’il est souvent enseigné un peu rapidement dans le cadre d’un programme d’EMC chargé. Il nous a donc parut utile, à l’occasion des 30 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, de faire un dossier qui donne des pistes pédagogiques aux enseignants. Mais nous avons aussi à cœur, dans ce dossier, de présenter l’histoire du texte et d’en proposer des lectures par des acteurs divers : enseignants, pédagogues, historiens, militants… Nous espérons que croiser les regards permettra au lecteur déjà informé de nourrir sa réflexion sur un texte complexe.

Droits de l’enfant, droits des élèves, il était nécessaire de distinguer cela dans le titre, selon vous ?

Le sujet des Droits de l’enfant est très vaste, nous ne pouvions en aborder tous les aspects. Fidèles à la ligne éditoriale des Cahiers, nous avons choisi de l’ancrer sur le terrain de l’éducation, de l’école, et c’était important de le montrer dans le titre du dossier pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Le dossier propose une lecture des relations adultes-enfants dans l’école à l’aune de ces droits, à divers points de vue : l’autorité, la sanction, l’orientation… Ainsi, la CIDE garantit à l’enfant une protection contre toute forme de discrimination. Or, à ceux qui sont nouvellement arrivés en France, en situation de handicap, ou souffrent de phobie scolaire ou de troubles du comportement,  l’école ne parvient pas toujours à garantir l’accès à l’éducation.

Plusieurs articles du dossier proposent un état des lieux, des pistes pour les enfants qui ont une fragilité particulière. Mais, si l’ancrage du dossier est avant tout pédagogique, il ne pouvait faire l’impasse sur les autres droits car ils sont solidaires. Un enfant qui connait la précarité ou les mauvais traitements n’est pas disponible pour les apprentissages. Le dossier donne donc la parole aux médecins et infirmières scolaires, aux spécialistes de la protection de l’enfance, aux associations car c’est en nouant des partenariats que nous pourrons mieux faire respecter les droits de l’enfant.

Le texte d’ouverture distingue «droits à» et «droits de» : une distinction importante ?

Les «droits à» sont aussi appelés «droits protection» : droits civils, sociaux (santé, nutrition, logement, protection contre la violence et les discriminations), culturels (loisirs, culture, éducation).Ce sont des droits bien connus qui font consensus aujourd’hui, en tout cas dans les sociétés démocratiques. Les «droits de» correspondent aux «droits liberté», comme la liberté d’opinion et de conscience, la liberté d’expression, le droit de réunion, ainsi que le droit pour un enfant d’être consulté pour les décisions qui le concernent à la mesure de ses capacités. Ces « droits de » sont moins cités et sont parfois l’objet de malentendus. Certains auteurs accusent la CIDE de gommer l’asymétrie entre adulte et enfant. En fait, la CIDE proclame avec force qu’adulte et enfant sont égaux en dignité, tout en demeurant inégaux en responsabilité. Ouvrant des droits aux enfants d’aujourd’hui, les auteurs de la CIDE avaient en tête un projet politique : la formation d’un citoyen responsable et lecteur du monde. Partant du principe que l’enfant doit apprendre progressivement à faire usage responsable de ses libertés, ils demandent aux adultes d’entendre la parole des enfants (ce qui ne signifie nullement l’approuver ou le laisser faire ce qu’il veut) et de l’associer progressivement, dans la mesure de ses capacités aux décisions qui le concernent. La CIDE n’affranchit donc pas du tout les enfants de l’autorité des adultes.

Il n’est pas si facile de mettre en oeuvre les droits de l’enfant , même pour des éducateurs de bonne volonté. Faites-vous état de difficultés dans ce dossier ?

Le dossier ne fait pas l’impasse sur les difficultés qui sont de plusieurs ordres : difficultés dans la classe à construire une relation d’autorité qui soit émancipatrice, difficulté à créer une séquence «Droits de l’enfant» qui permette aux élèves de réfléchir, désarroi de l’éducateur face à un élève qui souffre car ses droits sont bafoués, difficulté à s’organiser en équipe pour permettre aux élèves de participer par le biais de conseils d’élèves, difficultés des associations qui se donnent pour mission de changer le regard sur l’enfant… Mais nous souhaitions vraiment éviter le catalogue des infractions aux droits des enfants dans l’école. C’est pourquoi nous avons tenté d’analyser les difficultés et donné la parole à des acteurs qui recherchent des solutions dont on peut s’inspirer.

Pour l’école en France,  quel serait selon vous l’enjeu majeur de la réflexion sur les droits de l’enfant à laquelle ce dossier invite ?

Il serait double : celui de créer des partenariats de qualité avec les acteurs qui œuvrent pour les droits de l’enfant en dehors de l’école, car les droits sont interdépendants les uns des autres et l’école ne peut pas tout à elle seule. Le deuxième enjeu nous semble se situer dans la participation des élèves, leur droit d’expression, leur prise de responsabilité. Il serait intéressant qu’au sein des établissements, on procède à une analyse collective de ce qui se fait déjà et que l’on réfléchisse à des améliorations. Nous espérons que les articles du dossier aideront les équipes qui s’engagent dans cette voie difficile mais pleine de promesses.

Maeliss Rousseau professeure des écoles et formatrice à Asnières-sur-Seine
Catherine Chabrun enseignante et militante des droits de l’enfant