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La citoyenneté à l’école

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Au moment où se déversent flots de paroles et multitude d’écrits à propos de la citoyenneté, soit réduite à une réponse aux violences, soit exaltée comme finalité de l’école et fondement de la société, le livre de Colette Crémieux vient à point. Bienvenue à cet ouvrage, produit d’une pensée à la fois rigoureuse et nuancée, s’appuyant largement sur les recherches de l’INRP, auxquelles l’auteur a été étroitement associée, que ces recherches aient pour objet l’éducation aux Droits de l’Homme, l’éducation civique, la didactique de l’histoire ou de la géographie.

Ces recherches conduites par François Audigier dès 1983, pourraient être utiles et au moins empêcher les approximations, voire les erreurs qui émaillent paroles et écrits sur l’école et la citoyenneté. Grâce à Colette Crémieux qui, à plusieurs reprises, se réfère directement à ces recherches, cette ignorance va, peut-être, cesser. Et ce n’est pas le moindre mérite de cet ouvrage, qui vient aussi compléter les deux Cahiers pédagogiques parus sur ce thème, en opérant une synthèse remarquablement claire et en structurant les apports de ces deux numéros spéciaux.

Ce livre n’offre pas de recettes, ne se paie pas de mots. Composé de deux parties, il présente d’abord un état des lieux : l’école dans son rapport à la citoyenneté – les lacunes, les erreurs, les manquements.

Ensuite, au lieu de faire des propositions utopiques, il montre tous les éléments déjà à l’œuvre, à l’école, pour faire exister une véritable citoyenneté sociale.

Quand on évoque un état des lieux, immédiatement l’on pense à la violence et, de ce fait, les propos habituels, les incantations ne présentent l’apprentissage de la citoyenneté que comme un remède à cette violence. Loin de tomber dans ce travers, qui mine, actuellement, la citoyenneté elle-même, Colette Crémieux montre et démontre ce danger qui réduirait la citoyenneté, confondue avec une civilité sans fondement, un quasi-retour à l’ordre moral doublé d’une nostalgie sans fondement.

La brève mais juste et rigoureuse histoire du civisme à l’école (chap I) devrait, en tout cas, nous éviter ces évocations du passé où tout était  » bien  » à l’école, où les valeurs étaient sûres et transmises.

Le « discours hypocrite » qui régnait en maître et qui tend à survivre est sûrement l’ennemi le plus pérenne d’une véritable éducation à la citoyenneté.

La transition avec la seconde partie analyse la pratique qui devrait permettre un accès réel à la citoyenneté et qui, quoi qu’en pensent certains, n’est pas une imitation de la cité adulte, mais une pratique véritable, si elle n’est pas méprisée par les adultes, de citoyenneté, je veux parler des délégués-élèves.

Tout chef d’établissement, tout enseignant, tout conseiller d’éducation devrait méditer les pages (104 à 124) consacrées à « une pratique dévoyée, les délégués d’élèves ». Heureusement, cette pratique n’est pas dévoyée partout Si elle est accompagnée d’une théorisation (sur la démocratie, le droit de suffrage, la participation aux décisions, la consultation comme préparant les décisions, etc.) faite dans le cours d’éducation civique, elle a un sens, elle est bien un authentique apprentissage de la citoyenneté, au sens politique qui est le sien.

Le concept de citoyenneté sociale forme le noyau de la seconde partie. Enfin un auteur qui pose cette citoyenneté comme étant celles des élèves comme étant la citoyenneté possible, en actes, à l’école.

On ne peut comprendre cette importance que si on met en relation – ce que fait Colette Crémieux – la citoyenneté et les Droits de l’Homme. Ceux qui clament l’importance des droits sociaux et culturels dans le corpus des Droits de l’Homme ne voient-ils pas que, selon les textes internationaux les plus fondamentaux, ces droits sont aussi ceux de tous les enfants, de tous les jeunes, vivant dans un état de droit, républicain et démocratique, quelle que soit leur nationalité ?

Pour que la citoyenneté sociale soit au cœur de l’école, devienne le socle de l’apprentissage de la citoyenneté politique, il est nécessaire d’en appeler à la réflexion de chacun, de chacune, de construire peu à peu la « responsabilité personnelle ». Ici l’appel à la réflexion éthique est nécessaire, les Droits de l’Homme étant susceptibles, pris au sérieux, d’établir un pont entre l’éthique et le droit positif.

Les dernières pages, dans lesquelles Colette Crémieux fait preuve d’une magnifique audace pédagogique, en alliant « libérer la parole » et « partager le pouvoir », sont un appel au changement de l’école et des pratiques pédagogiques, mais dans le respect le plus grand des acteurs de l’école, respect dont chaque ligne de ce livre est empreinte.

Francine Best


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