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La COP21, un jeu virtuel pour mieux s’approcher de la réalité

Le temps de la réflexion. En juin 2015, nous nous sommes interrogés sur la forme que pourrait prendre notre engagement pour l’éducation au développement durable et pour Paris Climat 2015 désignée grande cause nationale par le premier ministre.

Comment faire prendre conscience aux élèves des enjeux environnementaux, économiques, sociaux qui se jouent à travers la COP21 ? Comment les amener à mesurer les risques, à évaluer les contraintes, à déterminer les marges de manœuvres de 195 pays face aux dérèglements climatiques ?

Ancrer le projet dans les programmes

Nous avons alors commencé à étudier les différents programmes scolaires qui étaient en lien direct avec les problématiques soulevées par la COP21. Pierre et Alexandra, professeurs d’histoire géographie, ont proposé de traiter en priorité et ce, dès le mois de septembre, les concepts et les acteurs liés au développement durable avec les classes de seconde, de travailler sur l’agenda 21 avec les classe de premières et d’aborder la gouvernance mondiale et les inégalités de développement avec les classes de terminales. François, en Physique-Chimie, s’est attaché aux enjeux énergétiques avec les premières et à l’étude des mix énergétiques avec les terminales S. Sarah et Abdou, professeurs d’anglais, ont lancé des débats autour des changements climatiques et ce pour toutes les classes. Sophie, en lettres, a décidé de travailler sur une œuvre littéraire Globalia de Jean-Christophe Ruffin, afin de travailler l’argumentation et pour mettre en perspective les changements climatiques et les changements sociaux. Vincent, en Sciences économiques et sociales, a étudié les limites du marché concernant la gestion des droits à polluer avec les secondes, la notion de bien collectif concernant le climat avec les première ES et les instruments de la politique climatique avec les terminales ES. Les connaissances étaient au rendez-vous et nous avons dès lors décidé d’adapter les programmations des différentes disciplines à notre projet.

Copinmycity un outil en ligne au service du projet

C’est alors, qu’un professeur de technologie d’un autre établissement, Hervé Gigaroff est venu nous parler d’un jeu en ligne Copinmycity qui permet de mesurer les répercussions des engagements pris par des pays et groupes de pays sur la température atteinte par la planète et le volume global des émissions de CO2. Il nous a dès lors offert l’interface nécessaire à la jonction entre simulation et réalité.

A partir de là, nous avons commencé à réfléchir à la possibilité d’organiser une simulation des négociations sur le climat dans laquelle chaque élève serait partie prenante d’une commission représentant tel ou tel pays ou groupe de pays.

L’idée avait germé, les outils cognitifs nécessaires aux élèves pour qu’ils puissent s’emparer de leur rôle et vivre pleinement les valeurs de la République que sont la solidarité, la responsabilité, l’engagement, le respect étaient en place, le média par lequel nous passerions avait été acté, ce serait le jeu et l’outil permettant la jonction avait été trouvé.

Pourtant, nous étions perplexes, car cette simulation ne répondait qu’en partie à nos objectifs. Certes, elle amenait les élèves à se rendre compte des engagements de chaque pays ou groupe de pays, à connaître leur situation énergétique, économique mais aussi sociale, contextes déterminants dans les négociations. Certes, ils tireraient de cette aventure une vision globale des freins et des moteurs au cœur des négociations. C’était un moyen d’aborder plusieurs enjeux pédagogiques et ce pour l’ensemble des élèves : la compréhension des dimensions scientifiques, économiques, historiques, géographiques et sociales de ces évènements, ainsi que l’apprentissage du civisme et de l’engagement citoyen.

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Faire intervenir les acteurs locaux

Cependant, nous entrevoyions alors le risque d’une prise de conscience à l’échelle internationale qui les laisserait spectateurs d’un changement sur lequel ils n’auraient, en tant que citoyens, aucune prise.

D’une part, ils auraient pu être déçus d’une certaine inaction des gouvernement face aux changements climatiques ou tout du moins auraient pu être découragés par les marges de manœuvre très faibles des États participants, d’autre part, même si la simulation conduisait à un accord, ils ne se sentiraient pas partie prenante de ces changements. Ils demeureraient, simples acteurs d’un jour face à enjeux mis à distance, éloignés de leur quotidien.

La solution : faire intervenir des acteurs locaux venant à la rencontre de nos élèves pour impulser une prise de conscience et des moyens d’actions palpables. L’idée d’une conférence s’est imposée. En effet en amont de la simulation, une conférence avec la présence de spécialistes des risques climatiques, et d’acteur locaux influents et actifs en terme d’environnement permettrait de replacer les élèves dans leur contexte, à sa savoir le littoral et dans leur commune en tant non plus que spectateurs passifs mais que citoyens conscients et agissants.

Le temps de l’accès à la connaissance

Septembre arriva à grands pas, la rentrée scolaire était faite, chaque discipline s’attela à sa tâche, déroulant des programmations bien huilées.
En parallèle un groupe de trois professeurs, Alexandra, professeur d’histoire géographie, Pierre, professeur d’histoire géographie et moi même, professeur-documentaliste, prenait en charge les élèves de seconde afin qu’ils élaborent des dossiers documentaires comprenant l’ensemble de données nécessaires à la prise de décision le jour J. Dès lors, les élèves se sont affairés, répartis en groupes qu’ils avaient préalablement choisi, ils se sont mis à accumuler les données : PIB, PIB par habitant, dette, superficie, chiffres-clés de la déforestation… Les groupes formaient six délégations : la Chine, l’Inde, les États-Unis, l’Union européenne, les autres pays développés, les autres pays émergents et sous développés ; à cela se sont ajoutés un groupe d’organisateurs et un groupe de meneur du jeu. Ces derniers devaient écrire le discours d’accueil des délégations leur rappelant les enjeux essentiels et plus encore le déroulement du jeu.

Les séquences pédagogiques se sont poursuivies. Chaque mardi matin, nous nous retrouvions pendant 1h30, accumulant les précieuses données qui seraient déterminantes dans les choix de chaque délégation. Après cinq mardi, les vacances sont arrivées, nous laissant le temps à nous professeurs de compléter les dossiers afin d’uniformiser les chiffres et de les compléter. Nous avons pu imaginer le déroulement précis du jeu. C’est alors imposer l’idée selon laquelle afin d’être le plus objectif possible, nous devions créer un groupe représentant les ONG et un autre représentant les artistes partie prenante de l’événement.

Le temps de l’action

Comme nous l’avions imaginé, la conférence a eu lieu, réunissant Eric Chaumillon, géologue marin à l’université de la Rochelle, Jean Baptiste Bonnin membre de l’association IODDE, et M. Gendre, maire de Dolus, vice président de la Communauté de communes chargé du développement économique et fondateur de l’association Roule ma frite. M. Bonnin a montré aux lycéens la façon dont ils pouvaient agir et s’engager dans une démarche citoyenne de réduction de la consommation énergétique et M. Gendre a centré son discours sur les actions menées sur le territoire et sur le rôle des élus. Pendant 1h30, les élèves ont pu mieux comprendre en quoi les changements climatiques touchaient directement notre littoral, comment ils pouvaient agir, comment les communes se battaient pour protéger les zones sensibles et développer les énergies renouvelables ou encore recycler efficacement les déchets. Tout devenait, dès lors, plus concret.

A partir de ces informations, forts des recherches qu’ils avaient effectuées et des connaissances qu’ils avaient accumulées en cours, ils étaient prêts à se mettre dans la peau des délégations.

Place au jeu de simulation géant sur la COP21 !

Après un petit déjeuner collaboratif, chaque élève s’est vu remettre un badge indiquant la délégation dont il faisait partie. Les élèves ont alors rejoint la salle du réfectoire pour rallier leur groupe et écouter le discours d’investiture de Ban Kim-Moon, rôle tenu par François et Léandre, deux élèves de seconde. La présentation de la journée et du déroulement étant faite, chaque délégation s’est vue remettre un dossier documentaire qui allait lui permettre dans un premier temps de présenter ses engagements et surtout de dire en quoi ces engagements allaient être tenables. Durant 1h30 chaque délégation composé de 13 à 14 élèves a lu, épluché, les documents afin de pouvoir s’engager et argumenter.

Pendant ce temps les ONG et les artistes se sont affairés, pour créer des flyers, et organiser une manifestation empêchant les délégations de revenir faire leur déclaration. La Chine, les États-Unis, l’Inde, l’Union européenne, les Pays développés, les pays en développement, la Chine ; tous cherchaient à se justifier, à mieux comprendre leur posture face aux changements climatiques et cela sous le regard d’une équipe d’élèves qui avait en charge le tournage de l’événement et organisait sous la responsabilité de notre animateur culturel Nicolas Lyonnet, des interviews de chaque délégation.

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Le temps des débats

Après 1h30 de délibération, les délégations se sont dirigées vers le réfectoire, sous une pluie de flyers dénonçant les positions des pays les plus pollueurs. et elles ont du faire face à une manifestation de citoyens révoltés qui souhaitaient faire pression sur les représentants afin qu’ils prennent de véritables décisions bloquant l’entrée du réfectoire. Malgré tout, l’ensemble des délégations est revenue en plénière, trouvant sur chacune des tables des sculptures créés à partir de déchets industriels métalliques visant à montrer que la gestion des déchets est l’affaire de tous. Après l’ébullition, chacune d’entre elle à travers la voix de son représentant s’est exprimée sur ses engagements et sur les décisions nécessaires pour rendre tangibles ces dits engagements.

Mais au delà de cela, chaque groupe a aussi émis la règle qui lui paraissait la plus avantageuse pour lui ou la plus juste pour que la suite des négociations puisse avoir lieu. En effet, nous avions imaginé que pour que le jeu de rôle se déroule bien, il fallait que l’ensemble des groupes décide dune règle commune à suivre afin de déterminer leur réduction d’émissions de CO2. La réduction des émissions de CO2 devait être proportionnelle soit au PIB, soit au PIB par habitant, soit au CO2 émis, soit au CO2 par habitant émis, soit en fonction de la vulnérabilité aux changements climatiques Ce devaient être les citoyens représentés par les ONG et les artistes, les meneurs et les organisateurs qui devaient trancher après avoir entendu les argument propre à chaque délégation.

Les citoyens ont tranché et la règle de la proportionnalité aux émissions des CO2 a été émise. Autrement dit, les pays et groupe de pays devaient réduire leurs émissions proportionnellement à ce qu’ils émettaient actuellement.

Vers le développement d’autres projets avec les acteurs locaux

Nous pouvions dès lors aller nous restaurer et prendre une pause. Le jeu avait pris vie, chacun était dans son rôle. Les élèves n’étaient plus Zoé, Sarah, Léa, Arthur, Santa, Lucas, ils étaient européens, indiens, américains, mexicains, chinois, australiens. Leurs discussions étaient tournées vers la comparaison, vers l’argumentation, ils habitaient leur fonction.

L’après midi, chaque délégation est à nouveau revenue à la charge, explicitant ses nouveaux engagements, débats houleux menant à une stabilisation de la température globale autour de 3°C. Les ONG et les artistes ont alors pris la parole pour présenter les actions possibles au sein de l’établissement : meilleure gestion de l’énergie, économie de chauffage, tri des déchets, économie de consommation d’eau. Agir au quotidien pour mieux dessiner le monde de demain.

Pour conclure, Delphine Lepage, chef de projet Tepos (territoire à énergie positive) et Sylvaine Courant, chargée de mission développement durable et agenda 21 pour la communauté de communes Marennes-Oléron sont intervenues pour proposer aux élèves de travailler avec elles afin de développer des projets en collaboration visant à protéger l’environnement.

Le temps du bilan

Thomas était chinois, Tom américain, Ilona canadienne, Nina brésilienne, Victor européen, Joao indien, le temps d’un jour, le temps de la prise de conscience d’enjeux dont nous sommes tous acteurs en tant que citoyens. Ce qu’il en reste est difficile à mesurer, tant l’accumulation de connaissance demeure imperceptible, un élève est avant tout un être en devenir, un être d’avenir.

La citoyenneté se construit au quotidien, la volonté d’agir se traduit en actes, ici au CEPMO c’est pas le bien vivre ensemble, par le potager bio, par l’échange en agora regroupant toute la communauté éducative que nous tentons de construire ensemble une conscience éveillée, éclairée et plus que par le jeu, c’est par la réalité au jour le jour que nous l’éprouvons, que nous la construisons.

Laure Amussat,
professeure documentaliste au CEPMO

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