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L’histoire autrement

À l’origine du projet, la rencontre entre plusieurs éléments : la volonté de faire découvrir l’histoire autrement aux élèves, l’envie de les amener à lire des albums de BD, le besoin de leur montrer comment associer analyse historique et artistique en vue de l’oral d’histoire des arts et enfin la possibilité de disposer d’un peu de temps supplémentaire pour les élèves de 3e. Précisons, qu’au préalable, nous avons demandé à regrouper deux classes de 3e sur un même créneau horaire afin de créer des groupes de niveau pour les séances de méthodologie tout en élargissant les possibilités de choix pour les élèves lors de la constitution des groupes.

Le choix des albums a été guidé par nos gouts personnels et surtout par la volonté de couvrir le programme d’histoire de 3e. Nous avons donc retenu Jacques Tardi (C’était la guerre des tranchées) pour la Première Guerre mondiale ; Tintin et le sceptre d’Ottokar, d’Hergé, pour l’entre-deux-guerres ; Mauss, d’Art Spiegelman, pour la Shoah et Tintin et l’affaire Tournesol, d’Hergé, pour la guerre froide. Enfin, pour diversifier notre offre et proposer des héros plus proches de l’univers des collégiens, nous proposons également l’étude de Capitaine America (collection 1967 – 1969) qui affronte des méchants « bruns » et des méchants « rouges » ! Nous avons commandé cinq exemplaires de chaque album pour nos quatre classes de 3e. L’idée est que nous puissions, sous une forme ou une autre, amortir cet investissement en renouvelant l’expérience les années prochaines. Le CDI gère l’intégralité des albums et c’est dans ce lieu que se déroulent les séances de recherche et de travail.

Le projet « histoire autrement » en action

Concrètement, le projet a débuté en octobre avec un décalage entre les classes afin de faciliter le prêt des albums. Il a été plutôt bien accueilli par les élèves. Nous avons présenté les albums en indiquant pour chacun le contexte historique. La difficulté résidait dans le fait qu’à ce moment de l’année, seule la Première Guerre mondiale avait été abordée. Mais les élèves se sont montrés curieux et sont venus nous poser des questions pour comprendre ce qu’était la Guerre froide ou quel était le thème de Mauss. Nous les avons conseillés et, pour certains, rassurés dans leur choix — notamment les groupes qui ont choisi Mauss. Notre première crainte était que certains albums aient plus de succès que d’autres, par exemple Capitaine America. Ou que d’autres au contraire, comme Mauss, soient moins attractifs en raison du sujet et surtout de leur longueur ! Nous avons posé les différents livres sur des tables séparées et invité les élèves à en faire le tour, à les prendre en main et à les feuilleter. Les groupes se sont constitués rapidement et plusieurs se sont même portés sur Mauss ! Au final, les élèves semblaient amusés par cette approche de l’histoire, mais ils ont choisi sérieusement leur BD, et nous avions au moins deux groupes pour chaque album.

Nous avons distribué aux élèves une fiche de travail précisant les contenus attendus. Chaque dossier devait comporter un travail sur l’auteur, une analyse des images, un développement sur l’intrigue et sur le contexte et l’intérêt historique de l’album. Dans le souci de mesurer l’investissement personnel de chaque élève, nous avons demandé exigé que chacun analyse une planche. Nous nous sommes rapidement aperçus qu’un diaporama de type PAO serait le support le plus adapté pour la restitution.

La présentation des travaux a eu lieu au réfectoire du collège en présence des deux classes. À cette occasion, l’ensemble des membres de la communauté éducative avait été invité : personnels de direction, professeurs et agents de service.

Un bilan en demi-teinte

Globalement nous sommes satisfaits du travail effectué par les élèves. Les consignes ont été respectées et tous les groupes ont réalisé un diaporama qui facilitait la présentation des exposés. Le temps de présentation a bien souvent dépassé nos attentes, ce qui est révélateur de l’investissement des élèves. Quelques groupes ont néanmoins réalisé des productions un peu décevantes vu le temps consacré à la préparation.

Nous avons constaté que les groupes ayant choisi des albums considérés comme plus accessibles, tels Tintin ou Capitaine America, ont eu plus de mal à saisir le contexte historique. À contrario, les albums qui avaient rencontré moins de succès lors du choix initial ont été mieux compris et expliqués par les élèves. Certains groupes ont effectué des analyses personnelles des plus pertinentes avec un travail de recherche très approfondi et ont conclu qu’ils n’avaient pas trop aimé leur album l’ayant trouvé trop sombre ou trop dur. Un autre élève a fait un parallèle entre une scène de Capitaine America, où le héros est mal vu par ceux qu’il protège, et le regard indifférent des Américains sur les soldats rentrant du Vietnam.

Nous avons demandé aux élèves, lors de la séance de présentation de prendre des notes sur les exposés de leurs camarades, à savoir les titres, les auteurs et le contexte historique de chaque album. Ils devaient aussi expliquer quel album les exposés leur avaient donné envie de lire. Ces comptes rendus se sont avérés d’une grande qualité. Le plus souvent, les élèves ont accroché à la période historique et à la force de l’œuvre. Les albums Mauss et C’était la guerre de tranchées ont été vivement plébiscités car ils mélangeaient témoignages et description plus réaliste de la période évoquée. Les albums de Tintin que nous pensions plus faciles et plus ludiques ont eu moins de succès. Enfin, l’univers comics de Capitaine America a moins convaincu les élèves. Il est vrai que la qualité des prestations orales des différents groupes a beaucoup contribué à l’adhésion ou non des élèves aux albums.

Nous avons mis en place ce travail pour faire découvrir l’univers de la BD aux élèves, pour leur faire comprendre que l’on peut découvrir l’histoire autrement et aussi comme une préparation au travail et à la présentation de l’épreuve d’histoire des arts. Globalement, nous avions minoré le temps nécessaire à la préparation et aux restitutions et nous avons été déçus par le travail de certains élèves. Grâce à ce projet, nous souhaitions raccrocher les élèves en difficulté ou peu habitués à mener un travail de fond, personnel et investi. Nous pensions que l’aspect ludique de la BD allait les motiver. Sur ce plan, ce fut une déception : quelques-uns de ces élèves n’adhéraient pas du tout au projet, refusant même pour deux ou trois d’entre eux de lire une BD ! Le refus de lire l’emportait…

Par contre, l’entrainement à l’épreuve d’histoire des arts a été un réel succès. Les élèves ont bien compris les écueils à éviter lors d’un oral. Ils ont pris l’habitude, pour la majeure partie d’entre eux, de travailler en autonomie et de faire des recherches puis, à restituer ce travail via la conception d’un diaporama. Un bilan en demi-teinte donc, un projet à faire évoluer, mais nous ne manquons pas d’idées pour cela !