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L’épanouissement au cœur de la vie scolaire

Pour définir ce métier, elle emprunte les mots de la circulaire Vergnaud de 1982 : « la vie scolaire a pour mission de placer les adolescents dans les meilleures conditions d’apprentissage et d’éducation ». C’est ce qu’elle explique à chaque rentrée aux assistants d’éducation : « Si les élèves ont l’esprit libre et sont heureux de venir, alors l’enseignement se fera dans de bonnes conditions ». C’est ce qu’elle a en tête aussi lorsque tous les ans elle prépare la journée des droits des enfants. L’école est d’abord un droit mais beaucoup la vive comme une contrainte.
Au quotidien, créer ces conditions passe par une multitude d’attentions sur ce qu’il se passe, sur ce qui pourrait se passer mais également et surtout sur les élèves et leurs familles. Dans ce collège de 800 élèves qui accueille des sections sportives, l’espace est vaste avec des zones aux multiples recoins où pour que rien ne dérive, l’équipe de la vie scolaire doit anticiper, prévenir les problèmes, être présente. « C’est comme construire un puzzle. Si on ne fait pas bien ce travail, la vie scolaire de l’élève ne se passe pas bien. Notre rôle c’est d’abord la sécurité physique et morale de l’enfant ». Intensément humain, le métier de CPE se place dans une perspective de co-éducation avec les familles.
Au fil du temps, le suivi individuel s’enrichit de la confiance née des contacts, de l’écoute, de l’échange autour des difficultés rencontrées par l’élève, de son contexte de vie, de ses progrès.
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« L’école doit être un lieu d’épanouissement où l’on apprend une foule de choses aussi importantes que les savoirs académiques ». Gabrielle Lamotte déploie des projets pour mettre en œuvre ce versant auquel elle est particulièrement attachée. Depuis quatre ans, elle anime un atelier philo, conçu comme un espace où se libère la parole, où l’on apprend autrement, sans bonnes ou mauvaises réponses mais avec une réflexion qui se construit en se frottant à la réflexion des autres. Les thèmes partagés traitent de la discrimination, du handicap ou encore de la vie personnelle.
Le collège accueille une ULIS et des classes Segpa.
Des élèves de ces sections participent à l’atelier et s’ouvre alors une parenthèse de respect mutuel et d’écoute loin des intolérances manifestées dans la cour de récréation. Chaque année, la conseillère principale d’éducation encadre un groupe pour un rallye citoyen. « Je crois beaucoup en l’élève prescripteur pour faire passer un message » dit-elle. Sur un stand, à l’appui d’une vidéo qu’ils ont conçue, les collégiens accueillent des groupes de CM1-CM2 et expliquent les principes d’un comportement citoyen dans les transports.
Le collège accueille une cinquantaine d’internes, principalement scolarisés dans les sections sportives. L’internat, labellisé « réussite scolaire », fait l’objet d’initiatives pour éveiller l’intérêt au-delà du sport, par des ateliers théâtres par exemple, et sensibiliser à une hygiène de vie propre à concilier sa passion et la scolarité.

Les projets se font en relation avec l’équipe éducative. Une classe de quatrième est destinée aux élèves potentiellement décrocheurs repérés en fin de cinquième. Pendant deux trimestres, le travail s’est concentré sur les compétences, excluant les notes. Des plages horaires sont co-animées par deux enseignants pour faire le pont entre les matières. Chacun des dix huit élèves bénéficie d’un tutorat qu’il choisit et qui le choisit. Gabrielle Lamotte est tutrice d’un collégien qu’elle suivait auparavant pour des soucis de comportement mais avec qui le courant passait bien. Elle l’aide à trouver un lieu de stage, à faire le point sur ses progrès, sur ses difficultés.

L’an passé, la classe a monté de A à Z un festival de musique, révélant là des compétences qui auraient été ignorées dans un cadre scolaire classique. Toutes ces initiatives favorisent une meilleure connaissance de l’élève. Elles amènent aussi une libération de la parole qui parfois révèle des brèches dans une vie d’adolescent confronté aux affres de la vie. Pour faire face aux témoignages, aux questions qui émeuvent, troublent ou révoltent, la conseillère s’est formée aux techniques d’entretien, à la PNL. « Si la peine se lit dans mon regard, je ne serais pas un adulte référent. Or, il est important que l’élève sente qu’il peut s’appuyer sur des adultes solides à l’école et que l’on observe une certaine exemplarité ». Lorsque les paroles révèlent des difficultés au sein de la cellule familiale, des relais sont pris auprès de l’infirmière et d’associations. Lorsqu’il s’agit de violences ou de mal-être provoqués au sein du collège, il faut dialoguer avec les parents, les rassurer, les déculpabiliser de n’avoir pas vu avant de signes chez leur enfant.

« Moi aussi j’ai peur de ne pas détecter de signes dans le cas par exemple d’un élève qui aurait tellement intégré sa souffrance qu’il ne montrerait rien ». Alors elle s’appuie sur l’équipe d’assistants d’éducation avec qui elle a partagé des points de vigilance : repérer celui qui porte sans cesse son sac sans doute de peur d’être volé, celui qui a peur d’aller aux toilettes, le retardataire à répétition, l’abonné à l’infirmerie…
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Observateur, tisseur de liens, animateur d’équipe, le CPE doit aussi s’informer sur la réglementation et s’atteler à de multiples tâches administratives. Toutes ces facettes de son métier, Gabrielle Lamotte les partage depuis plus de dix ans sur un site qui avec ses 500 à 800 visiteurs par jour est devenu un site de référence. Le handicap est un de ses sujets de prédilection. Elle voit encore arriver en sixième trop d’élèves dont les difficultés d’apprentissage n’ont fait l’objet d’aucun diagnostic, d’aucune adaptation. CPE et vie scolaire comprend également un forum où CPE chevronnés et néophytes échangent questions et réponses. Cette veille, ce partage grignote son temps personnel. Elle a songé à l’abandonner mais y revient sans cesse en adoptant de nouvelles techniques, de nouvelles méthodes pour aller à l’essentiel. Car son métier, elle l’aime et l’a choisi. « J’ai d’abord été professeure d’histoire-géographie mais j’avais envie d’avoir un terrain de jeux éducatif plus grand, de peser plus fortement sur la politique éducative de l’établissement. » Son expérience d’enseignante lui est utile pour construire ses activités et trouver le point d’accroche qui donnera envie aux élèves de participer et de revenir pour investir une sphère où la vie scolaire est un lieu d’épanouissement.

Derrière un acronyme, derrière trois lettres, derrière la fonction du CPE, se cachent les palpitations d’un établissement, ce puzzle de lieux, ce camaïeu de joies et de craintes, d’épanouissement, d’apprentissages. « Toutes ces tranches de vie qui sont belles à voir, qui font réfléchir » nous dit Gabrielle Lamotte. Et toutes ces attentions qui font de l’école un lieu de vie où bien grandir signifie aussi devenir à l’avenir des citoyens conscients.

Le site CPE et vie scolaire
http://www.viescolaire.org