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L’enseignement, ce vaste monde à explorer

Elle est arrivée dans le milieu de l’enseignement en tant que surveillante d’externat, après une année comme jeune fille au pair à Ibiza. Elle enchaîne avec des vacations dans l’enseignement agricole et au sein de l’Éducation nationale, devient contractuelle puis passe le Capes interne avec succès. Depuis ses débuts en 1998, elle travaille dans l’Académie de Dijon, à Chablis aujourd’hui. L’enseignement des langues, elle le pratique très vite, en incitant à la coopération, aux échanges, au sein de la classe avec un aménagement en îlots et avec d’autres cultures grâce à des projets via Edmodo, padlet.

« Très vite, j’ai eu besoin d’élargir mes horizons, de sortir de la salle de classe où je me sentais à l’étroit ». Elle a en charge, pour Canopé Dijon, la revue trimestrielle  TVLangues collège pendant quatre ans, pour laquelle elle sélectionne des journaux télévisés en espagnol et prépare des activités pédagogiques. Elle anime des formations sur l’enseignement des langues et le numérique. Elle collabore quelques années au site du Café pédagogique et couvre ainsi des conférences du CNESCO, des forums des enseignants innovants ou encore des journées « Inversons la classe ». Elle participe à un groupe Freinet, est coautrice d’un manuel scolaire. Elle navigue dans des univers différents et s’enrichit de leurs éclairages multiples.

Tissage et partage

De ses rencontres, elle tisse un réseau. Ses découvertes, elle les partage sur Twitter et s’ouvre ainsi à d’autres rencontres, d’autres découvertes pédagogiques. Elle prend l’habitude d’aller régulièrement à Paris pour assister à des conférences, participer à des événements sur la pédagogie. Elle engrange des idées pour créer des projets, renouveler sa manière de faire cours. Mais, « j’avais de plus en plus de mal au quotidien, je me sentais à l’étroit au collège même si avec les élèves tout allait bien, j’ai ouvert tellement de portes avec eux ». Elle revient d’une Université d’été à Santander et d’un colloque eTwinning à Madrid avec un projet d’échange avec Hong Kong et Santander, elle reçoit en échange de l’indifférence voire de l’incompréhension.

Elle songe à changer de métier, travailler autrement au sein de l’Éducation nationale. Elle tente la même année le concours de personnel de direction et le CAFFA (certificat d’aptitude aux fonctions de formateur académique). Elle échoue aux deux. Admissible au premier, elle se voit proposer un poste de principale-adjointe dans un collège de l’éducation prioritaire. A la rentrée 2016, elle apprend ce nouveau métier dans une équipe dont elle partage les approches, celles de la coopération, de l’ouverture culturelle, de la pédagogie de projet. « Le métier était tel que je le pensais intéressant, cela donnait envie de vivre cette expérience. »

Elle lance des initiatives, comme l’organisation d’un « lab » suite aux conseils de classe du premier trimestre où il était beaucoup question de bavardage. La séquence, organisée sur quarante-cinq minutes, prévoyait une partie où chacun déposait sur un post-it son problème ou sa question, puis des échanges d’idées, des propositions d’outils, pour amener à conclure par des solutions et des réponses.

Gestion du temps

Dans son quotidien professionnel, elle se retrouve rapidement confrontée à la gestion du temps, à ces heures qui s’allongent à force de sollicitations majoritairement constructives mais qui grignotent inexorablement les journées. « C’était difficile d’accepter cela. Un cours, une journée de formation, on sait quand cela va se terminer. Là, non. »

Elle apprécie le collège, les équipes. Alors, elle hésite en fin d’année puis finalement se décide à reprendre son métier d’enseignante. Tout au long de cette année, elle a dû délaisser son réseau, ses visites régulières à Paris pour apprendre, engranger. Certes, elle a intégré un groupe de suivi de projets innovants et d’expérimentations de l’académie de Dijon et suivi ainsi deux projets, l’un sur le lien collège-parents, l’autre sur les décrocheurs-raccrocheurs. Mais la dynamique des échanges, des rencontres, les idées qui naissent ainsi et se transforment dans une classe, lui manquent. Elle regrette aussi les collaborations avec les services du Rectorat, les inspecteurs, la DANE et CANOPÉ pour créer des animations comme la journée sur la classe inversée. « Plus tard, je reviendrai peut-être au métier de personnel de direction. »

Rencontres et projets

Là, en cette nouvelle rentrée, elle songe à tout ce qu’elle a envie d’explorer, de mettre en place. Cet été, elle est allée aux Rencontres du CRAP, à Ludovia, puis à l’université d’été du CNESCO. Elle y a trouvé un écho à ce qu’elle a en tête. Elle souhaite améliorer la gestion de l’espace, aller plus loin que les îlots, pour favoriser la coopération entre les élèves et la pédagogie différenciée. Elle voudrait explorer encore le thème du respect, la relation humaine au sein du groupe et de la classe. Elle mise plus sur l’organisation spatiale, sociale, que sur le numérique, faisant du second un élément au service de la première.

Elle revient dans le collège de Chablis où elle enseignait auparavant, un collège rénové aux couleurs désormais éclatantes avec de nouveaux enseignants de langues, une nouvelle conseillère principale d’éducation. Des idées se partagent déjà, celle d’un conseil des collégiens, celle de projets eTwinning. La semaine dernière déjà, elle a visité sa classe, des chaises et des tabourets empilables, un autre tableau blanc, une petite table, prévoit un espace d’apprentissage en extérieur. Elle imagine ses cours, où les élèves, selon les activités, choisiraient de travailler autour d’une table en groupe, debout ou juchés sur les tabourets. Elle dédie le tableau aux échanges entre eux, aux demandes de conseils et aux offres d’accompagnement.

Elle sait déjà qu’elle participera à l’organisation de la journée académique de l’innovation, qu’elle suivra de nouveaux projets innovants et des expérimentations. Elle se réjouit de reprendre le train pour Paris et d’échanger, d’échanger encore pour vivre son métier comme un métier vivant. Et dans cette dynamique retrouvée, elle aborde la rentrée en gommant les frontières posées par l’enceinte d’un établissement.

Monique Royer