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L’école inclusive en Angleterre

Les écoles anglaises accordent beaucoup d’importance aux aptitudes et aux réussites de tous leurs élèves. Elles tiennent à rendre l’éducation agréable, stimulante, excitante et à en faire une expérience qui en vaille la peine pour tous les enfants, y compris ceux qui ont aussi des besoins spécifiques. Les écoles font ainsi leur maximum pour s’assurer que tous leurs élèves ont les mêmes chances d’accès à l’éducation et par conséquent les mêmes opportunités de réussite. Tous les professeurs sont tenus d’enseigner et d’adapter leurs méthodes pédagogiques pour répondre aux besoins de chaque individu.

Les contenus et stratégies d’enseignement et d’apprentissage de grande qualité dans un environnement sûr et de soutien constituent les fondements de la réussite scolaire et de l’acquisition par tous des compétences utiles à la vie quotidienne, celles qui préparent à devenir des individus confiants et équilibrés.

Je suis professeur de français dans un collège dans le nord-ouest de l’Angleterre. J’enseigne non seulement de la 6e à la 2de -la seconde faisant partie du collège en Angleterre- mais également dans plusieurs écoles maternelles et primaires, où j’ai des classes allant de la grande section de maternelle au CM2. Toutes les écoles accueillent des élèves aux besoins spécifiques. Bien entendu, il existe des écoles spécialisées, mais celles-ci ne sont pas obligatoires et systématiques. Ceci est un choix personnel des parents. En outre, toutes les écoles sont obligées d’accepter et surtout de s’adapter aux besoins de tous, y compris à ceux des élèves aux besoins spécifiques.

Qu’entend-on en Angleterre par besoins éducatifs spécifiques[[En anglais, l’expression « Besoins éducatifs spécifiques » est abrégée en SEN (Special Educational Needs).]] ? La définition donnée dans la section 20 du « Children and Families Act » de 2014 est la suivante :
Un enfant a des besoins éducatifs spécifiques s’il a des difficultés d’apprentissage ou un handicap qui requièrent des techniques pour les prendre en compte. Un enfant ou jeune personne a des difficultés d’apprentissage ou un handicap s’il :

  • a des difficultés d’apprentissage nettement plus importantes que la majorité des autres élèves du même âge, ou
  • a un handicap qui l’empêche ou le gêne pour utiliser les locaux ou matériaux tout seul
  • la provision des besoins spécifiques est additionnelle et différente de celle des autres enfants du même âge.

Le code de pratiques identifie quatre catégories de besoins : la communication et l’interaction, la cognition et l’apprentissage, la santé sociale, émotionnelle et mentale, les besoins sensoriels et physiques.

Le but de l’identification n’est pas de catégoriser les élèves mais de planifier les méthodes et actions à utiliser pour répondre à leurs besoins. Dans les écoles où j’enseigne, l’intention est de répondre aux besoins « de l’enfant à part entière » et pas uniquement de ses besoins éducatifs.

Une approche graduelle

La procédure comporte quatre parties : identifier, planifier, agir, évaluer. Tous les enseignants sont responsables et doivent répondre du progrès et du développement des élèves dans leurs classes y compris ceux dont les élèves obtiennent de l’aide de la part d’un accompagnateur scolaire et professeur spécialisé. Les accompagnateurs scolaires, appelés « Teaching Assistant », ont pour rôle de travailler avec le professeur en aidant les élèves à obtenir le meilleur de leur apprentissage.

Chaque année, le jour de la rentrée, les professeurs ont une réunion leur expliquant quels élèves ont des besoins spécifiques et quels sont leurs besoins. Une liste est ensuite envoyée régulièrement informant les professeurs de tous changements relatifs à ces élèves.

Ces élèves suivent tous les cours comme les autres enfants du même âge, dans les mêmes classes, mais il leur arrive d’avoir une ou plusieurs heures dans la semaine avec un professeur spécialisé (seulement pour un nombre très faible d’élèves). Les élèves dyslexiques, par exemple, peuvent avoir une ou deux heures de soutien dans la semaine (appelées « Skills ») où ils feront des exercices ou des jeux sur les sons, les lettres, l’écrit, etc. Les élèves ayant des difficultés à apprendre et à retenir les informations utiliseront ces heures pour faire des cours de renforcement en mathématiques et anglais.

La nécessaire formation des enseignants

La qualité d’enseignement et la mise en place par le professeur d’activités adaptées doivent répondre aux besoins de tous les élèves. Les aides et interventions supplémentaires, telles que les heures de soutien, ne peuvent pas compenser un enseignement de mauvaise qualité. Les systèmes d’évaluation de progrès des élèves et la qualité d’enseignement sont extrêmement robustes, et les programmes de développement professionnel continu mis en place assurent que les enseignants ont une formation régulière afin de comprendre les différents besoins des élèves, et d’adapter leur pratique pour répondre aux besoins de tous dans leur classe. Des méthodes et stratégies sont présentées aux enseignants afin qu’ils varient leur façon d’enseigner et puissent utiliser différents matériels pédagogiques pour répondre aux besoins de tous. Des réunions au sujet d’élèves en particulier sont aussi organisées pour que les enseignants soient au courant des changements et des nouvelles approches à adopter. Les professeurs vont utiliser différentes méthodes pédagogiques dans une même leçon afin que tous les élèves puissent progresser à leur niveau. Les méthodes pédagogiques en Angleterre et les styles d’apprentissage ne sont pas rigides et sont adaptés selon les classes et selon la manière d’apprendre des élèves. Quatre fois dans l’année, les professeurs sont tenus de rendre compte des stratégies mises en place pour soutenir les élèves aux besoins spécifiques. Ensuite, une réunion est organisée avec les parents pour discuter des progrès faits, ainsi que des nouveaux objectifs.

La décision de mettre un enfant sur le registre des élèves aux besoins éducatifs spécifiques ne dépend pas seulement de l’école mais également des rapports obtenus dans l’école précédente (primaire par exemple), des résultats des tests déterminant si l’enfant a des besoins spécifiques, des informations obtenues par les accompagnateurs d’élèves, des parents, des conseils de la part des agences extérieures ainsi que des statistiques nationales de progrèsEn Angleterre on attribue aux élèves des niveaux qu’ils doivent atteindre avant la fin de l’année et on doit prouver que les élèves ont progressé entre le début d’année et la fin d’année.. Dans certaines écoles, des élèves sont inscrits sur le registre uniquement pour être suivis de près. Ces élèves sont ceux qui ont des difficultés spécifiques mais dont les besoins sont satisfaits par la qualité de l’enseignement. Dans ce cas-là, le registre est à but informatif et permet aux professeurs de prendre en considération ces informations lorsqu’ils préparent leurs leçons. 

Trouver une réponse aux besoins de chacun

Depuis 2009, j’ai eu dans mes classes un grand nombre d’élèves autistes ou ayant des TDAH (Troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), d’élèves à mobilité réduite, d’élèves non voyants, d’élèves avec de graves problèmes de santé, des élèves dyslexiques ou encore intellectuellement précoces. J’ai évoqué précédemment et à plusieurs reprises les élèves ayant des difficultés d’apprentissage, mais il ne faut pas oublier que dans « besoins éducatifs spécifiques », il faut aussi entendre les besoins des élèves intellectuellement précoces.

Par exemple, nous pouvons les stimuler en leur posant des questions supplémentaires, en leur demandant de développer leurs réponses, en leur donnant des activités supplémentaires ou des jeux à faire lorsqu’ils ont fini une activité avant les autres élèves de la classe. Lors d’un travail en groupe, nous pouvons leur donner un rôle précis, leur apprendre à aider les autres sans leur donner la réponse mais en leur expliquant d’une manière différente. Il faut aussi savoir leur donner des défis et les pousser à la réflexion en leur donnant des opportunités et des expériences d’apprentissage afin qu’ils puissent développer des compétences analytiques et d’évaluation, toutes deux fondamentales pour le développement de ces élèves. Des occasions leur sont également offertes en dehors de l’école, comme des ateliers découvertes ou des sorties pédagogiques adaptées à leur niveau, d’accroître leur capacité intellectuelle et d’apprentissage.

Il y a de nombreux avantages à avoir dans les classes des élèves aux besoins éducatifs spécifiques ainsi que des élèves intellectuellement précoces. D’un point de vue professionnel, il est extrêmement intéressant et enrichissant d’avoir des élèves avec des besoins différents. C’est également stimulant. J’adore pouvoir créer et réfléchir à de nouvelles stratégies pour que chaque personne dans la classe puisse évoluer à partir de et vers des niveaux différents. Quant aux élèves eux-mêmes, ils reconnaissent la différence, la comprennent et le fait d’avoir des camarades avec des besoins différents leur permet de savoir comment interagir avec eux. En effet, les élèves sont tolérants et portent un regard positif sur la différence. Intégrer, c’est reconnaître et reconnaître, c’est s’adapter.

Jennifer Wozniak
Lead Practitioner for Teaching and Learning (que l’on peut traduire par « Patricienne de référence pour les apprentissages et l’enseignement ») et professeur de langues à Broughton High School à Preston, Angleterre.