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L’école et le monde

Les débats qui ont animé la période électorale et qui se sont conclus, au premier tour, par une spectaculaire abstention de vote, pour ne pas parler des choix nationalistes et explicitement xénophobes, témoignent vraisemblablement du fait que la plupart des discours prennent en compte cette réalité selon laquelle les problèmes de la Nation se posent désormais, de toute façon, à l’échelle de la planète, ou au moins de l’Europe, et que cet horizon nous dépasse.
On verra dans ce dossier que ce point de vue globalisant ne date pas d’aujourd’hui, puisqu’après la période caritative des années cinquante, le Nord prend peu à peu la mesure de ses responsabilités pour, actuellement, s’englober dans la crise du développement et prendre conscience, comme Edgar Morin l’a écrit récemment dans le journal Le Monde [[Le Monde, 26 03 02.]], que tous les hommes sont citoyens d’une « Terre-Patrie » qu’il faut organiser de façon respectueuse, responsable et équitable.
Cette tension entre, d’une part, la conception d’un « développement humanitaire » condescendant, pensé à partir de nos schémas de pensée occidentaux et de la pérennité supposée de nos ressources, et, d’autre part, la conception d’un développement durable global acceptant le risque des remises en questions, traverse tout ce dossier. Plusieurs analyses, émanant notamment de quelques associations, et de nombreux récits d’expérience en sont le témoignage.
Face à cela, les jeunes se font de leur univers une représentation façonnée par les innombrables sollicitations à consommer qui transforment le monde en marchandise. Les derniers clips se mêlent alors aux vieux clichés et le discours de l’école semble largement supplanté par les médias omniprésents. On le verra à travers quelques témoignages et dans deux enquêtes réalisées auprès d’enfants et d’étudiants.
Or, dans son article, Edgar Morin précisait que « l’éducation disciplinaire du monde développé apporte bien des connaissances, mais elle détermine une incapacité intellectuelle de reconnaître les problèmes fondamentaux globaux »…
Aussi, la place la plus importante a été réservée dans ce dossier à la manière dont l’école prend en compte le problème de l’éducation au développement durable. Ainsi, on verra que :
– De nombreux enseignants sont à l’initiative de projets qu’ils mènent le plus souvent en partenariat avec des associations.
– Les disciplines elles-mêmes, et en particulier l’histoire et la géographie, sont interpellées dans leurs fondements épistémologiques.
– L’institution scolaire a progressivement fait entrer dans ses propositions d’actions éducatives et dans ses programmes des questions qui ont trait aux questions du développement global et à la solidarité internationale. Mais il semble que beaucoup reste à faire. Il faut noter cependant l’effort tout particulier qu’a entrepris l’enseignement agricole dans ce domaine.
– Enfin, l’école, qui, malgré ses efforts de rénovation, continue à reposer sur les principes du cloisonnement disciplinaire et de l’autorité magistrale ne pourra faire face au défi dont Sandrine Chastang se fait écho dans son introduction sans se poser la question de l’apprentissage actif d’un savoir décloisonné.
C’est la raison pour laquelle ce dossier nous paraît particulièrement important et que le fait d’en avoir confié la coordination à Sandrine Chastang, permanente à l’association RITIMO [[RITIMO : Réseau d’information tiers monde des centres de documentation pour la solidarité internationale.]], prend tout son sens.
Pierre Madiot ,Rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques ).