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L’école en mouvement

Une bicyclette tient debout parce qu’elle roule. Est-ce vrai aussi pour les établissements ? Écoles, collèges et lycées sont constamment en mouvement : de nouveaux élèves arrivent chaque année, les personnels mutent, les prescriptions et les réformes se succèdent. Mais changent-ils pour autant ? Comment s’adaptent-ils aux évolutions sociales et culturelles de leur public ? Comment traduisent-ils dans leur contexte particulier les décrets et arrêtés rédigés à l’échelle nationale ? Comment les enseignants d’un établissement s’organisent-ils pour gérer les problèmes communs à tous ?

Ces questions se posent partout, et nous n’avons pas voulu ici prétendre présenter des établissements exceptionnels, et encore moins exemplaires. Mais les réponses sont diverses, plus ou moins en rupture avec des fonctionnements ordinaires, et certaines nous intéressent particulièrement : les mobilisations en faveur d’une école plus inclusive, plus accueillante, plus attentive à tous ; les initiatives pour repenser les temps et les espaces d’enseignement, avec la préoccupation d’améliorer les apprentissages de chaque élève sans se contenter de dispenser les programmes ou de préparer aux examens dans le cadre établi des classes et des disciplines ; la volonté de construire une école apprenante, où le work in progress soit la règle, où l’implication de tous les acteurs, personnels de l’établissement, parents, partenaires associatifs ou culturels de l’environnement proche soit recherchée ; le souci du travail collectif, qui ne saurait se réduire au « pilotage » d’un chef gardant l’œil rivé sur les indicateurs de son tableau de bord, qui doit passer par des modalités de débats et de prises de décision soigneusement élaborées pour susciter l’adhésion de tous ; le changement qui donne du sens à une école plus juste et plus efficace, qui se fonde sur la conviction de l’éducabilité de tous.

La coordination de ce dossier a été menée conjointement par le CRAP et Éducation & Devenir, dans le souci d’échanger nos points de vue de mouvements pédagogiques sur ce thème, de mobiliser nos réseaux respectifs pour collecter des articles. Le résultat a été au-delà de nos espérances, et le nombre d’articles proposés bien supérieurs à ce que nous sommes en mesure de publier dans ces colonnes. Les textes expriment la besoin de rompre les solitudes : celle de l’enseignant dans sa classe comme celle du chef d’établissement dans son bureau. Les auteurs sont des professionnels de l’éducation, et ils n’ont pas le culte du « bougisme », du magnifique projet de papier qui emplit les armoires, de la plaquette recensant mille initiatives pour aguicher le client, mais sans suite concrète. Ils connaissent les vertus de la patience, la nécessité de concilier la volonté de progrès et le souci de préserver la cohérence d’une institution établie.

Nous avons bien des regrets, à commencer par celui de ne pas avoir pu publier l’intégralité des textes reçus. Nous avons peu de contributions du primaire : l’affectation d’une classe à un seul enseignant pour une année ou le moindre rôle du directeur rendent « l’effet établissement » peut-être moins fort ? Peu d’articles décrivent les effets du changement chez les élèves, peut-être du fait de la difficulté à évaluer les projets. Il n’y a pourtant pas de garantie que chaque initiative contribue nécessairement à améliorer les apprentissages !

Nous avons rencontré, à travers les témoignages, des femmes et des hommes enthousiastes, même si, parfois, dubitatifs ou fatigués. Faire évoluer un établissement vers un fonctionnement plus vivant et réjouissant est un acte collectif où chacun engage sa responsabilité, avec une inévitable prise de risque. Le changement, c’est s’inscrire dans une aventure humaine, c’est le contraire de la répétition mortifère ; c’est aussi l’acceptation que le changement ne dure pas, comme les aventures, mais qu’il en reste toujours quelque chose.