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L’art d’enseigner, précis de didactique

L’auteur est un universitaire belge qui connait parfaitement notre système éducatif et dont beaucoup ont pu apprécier les interventions stimulantes dans des conférences, avec ce brin d’humour qui ne gâte rien. On retrouve cette tonalité dans cet ouvrage clair, accessible et qui fait le tour de la question d’un sujet très vaste, même si Marc Romainville utilise le terme « didactique » qu’on pourrait trouver restrictif, mais qui en fait recouvre aussi divers domaines de la pédagogie et de l’apprentissage. IL s’en explique au début d’ailleurs, en réhabilitant une notion qui doit échapper aux « sophistications inutiles » ou à la « normalité excessive », osant même revendiquer l’écriture d’une « didactique pour les nuls »

Globalement, l’auteur s’inscrit dans un courant qui met l’élève apprenant au premier plan et insiste sur la nécessité d’une pédagogie active, où on développe des compétences, où on donne confiance en renforçant l’estime de soi de chacun, où l’enseignant doit être considéré comme un professionnel et non un exécutant, où l’explicitation ne se réduit pas à une sorte de kit breveté par certains qui prétendent monopoliser cette notion…Mais , et c’est un élément essentiel de l’ouvrage, il abhorre tout dogmatisme et repousse toute idée de « pensée unique ». Ce qu’il considère comme des excès de la part de mouvements d’éducation nouvelle sont brocardés et Marc Romainville montre les limites d’une certaine vulgate constructivisme ou de conceptions relativistes en matière de savoirs et de culture. Il pointe les dérives possibles lorsqu’on tord trop le bâton du côté de ce qu’il appelle « la finalisation » (donner du sens aux apprentissages dans des projets par exemple) ou de celui de la « didactisation », tous deux nécessaires pour parvenir à cet éclectisme pédagogique qui semble essentiel. Des tableaux très éclairants sont présentés (p.169 à 172) qui peuvent être d’utiles outils de formation.

Le livre s’organise en plusieurs grandes parties avec des sous chapitres aux titres clins d’œil (« qui trop embrasse mal étreint », « l’ennui nait de l’uniformité », « vous m’ferez(plus)100 lignes » ou « il y en a un peu plus, je vous le mets quand même » !) Il s’agit de montrer comment l’art d’enseigner repose  sur la motivation à déclencher et faire durer (ch1), un travail sur les représentations des élèves  à prendre en contre mais aussi à contrer(ch.2 à 4), la variété pédagogique donc (ch.5), une conception régulatrice de l’évaluation (ch.6), l’autorité du professeur, pas gagné d’avance, mais qui se construit (ch.7), le tout se terminant par un éloge des professeurs, menacés de « blues » dans des temps où notamment « l’image du savoir et du rôle de l’école dans son appropriation a été largement ébréchée. » On peut regretter que soit davantage mis en avant des « héros » (parfois contestables d’ailleurs) plus ou moins médiatisés plus que des collectifs et pour ma part, la conclusion sur « le plus beau métier du monde » me laisse sur ma faim, mais ceci est peu de chose comparé à la fécondité d’un ouvrage qui rendra service au débutant comme au formateur pour la mise en œuvre exigeante, mais raisonnablement exigeante, d’une profession qui renvoie bien à un art, mais pas seulement et un art qui de toutes façons s’apprend et s’appuie sur les nombreux travaux cités tout le long du livre.

Jean-michel Zakhartchouk