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L’approche orientante

Les 6 et 7 mai derniers, s’est tenu à Montpellier le premier colloque international en Europe sur l’approche orientante. Organisé par l’association « Apprendre et s’orienter », il rassemblait des professionnels de l’éducation et de l’orientation, ainsi que des chefs d’entreprise français, québécois, belges, et italiens.
Cette association a été fondée en 1999 suite à une recherche-action en orientation menée pendant trois ans au lycée René Gosse de Clermont l’Hérault. Est née alors la méthode d’orientation active Orientation-Lycée, publiée en mars 2000. Une fois la recherche terminée, la création de l’association a permis de poursuivre le travail collectif et de diffuser les idées dont les acteurs étaient porteurs (Consulter le site Apprendre et s’Orienter).

Nous avons appris à rester prudents à l’égard des concepts ou des démarches pédagogiques qui ne présentent du nouveau que pour ceux qui les définissent et cherchent à les promouvoir ! Or l’approche orientante marque sa singularité par la globalité du projet et mobilise des concepts théoriques qui cherchent à rendre compte de la complexité actuelle du rapport des individus au temps et à leur propre histoire — dont l’horizon est incertain. Le concept d’approche orientante est apparu au Québec en 2001. D’abord défini par Denis Pelletier[[Denis Pelletier, L’approche orientante : la clé de la réussite scolaire et professionnelle, Sainte Foy (Québec), Septembre éditeur, 2004.]], il fut relayé en France par les travaux de Danielle Ferré[[Danielle Ferré, Pour une approche orientante de l’école française, Paris, Editions Qui plus est, 2005.]]. C’est une démarche qui « place le choix professionnel au cœur des apprentissages de l’élève. Elle lui permet de faire des liens entre ce qu’il apprend et son avenir, entre les matières enseignées et le monde du travail. Elle utilise les professions comme éléments de contextualisation des apprentissages. C’est une nouvelle façon de contribuer à la réussite des élèves qui implique tous les membres de l’équipe éducative. »[[<2>]] Cette approche, très développée au Québec, a été intégrée à la dernière réforme de l’école.

Ce colloque avait donc pour objectif, à la fois de diffuser le concept et la démarche qu’il propose, mais aussi d’enrichir la réflexion théorique sur l’approche orientante par les apports de chercheurs et de praticiens venus de différents horizons. La dimension internationale de ces journées, et particulièrement la présence de nombreux québécois, fut une grande richesse pour les participants, permettant notamment une approche comparée, au-delà de notre habituel cadre européen.
L’approche orientante se présente comme un concept en transformation permanente, prenant en compte les modifications actuelles de la société et la place du sujet dans la complexité du temps présent. Denis Pelletier et Jean-Pierre Boutinet, au cours de deux conférences, ont souligné l’importance de cette dimension dynamique. Prenant appui sur le concept de post-modernité, introduit en 1979 par Jean-François Lyotard, ils insistent sur les mobilités et les incertitudes de notre époque. L’approche orientante, parce qu’elle dépasse le cadre scolaire et universitaire, permet de prendre en compte et révèle de nouvelles temporalités de la vie adulte. La relation du sujet à sa propre histoire est donc posée ; chaque jeune, mais aussi chaque adulte, doit se confronter à des temporalités plurielles. Déstabilisatrices, comme celles de l’urgence, de l’immédiateté, mais aussi structurantes, « notamment celles de l’alternance, de la transition et de la pluri-activité, toutes temporalités considérées comme émancipatrices ».
L’approche orientante cherche, par une meilleure compréhension de la complexité du rapport du sujet post-moderne à sa propre orientation, à permettre un meilleur accompagnement des jeunes et des adultes. Les pédagogues si souvent confrontés à des élèves qui semblent déconnectés de toute temporalité, que ce soit le passé ou leur propre avenir y trouveront une source de renouvellement.Mais cette approche est aussi une démarche déjà mise en œuvre dans les classes et qui a donné lieu à des publications riches de ressources pour la pratique. Pour finir, elle permet aussi de réinscrire dans sa complexité la pédagogie du projet qui a été trop souvent réduite à quelques images simplistes.

Arnaud Dubois