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L’ancrage territorial de l’école en Italie: l’exemple de l’Istituto Comprensivo Galilei (Pesaro)

Une relecture de la dialectique simplification/complexification de l’ancrage territorial de l’école en Italie, nous montre que cette dernière subit depuis maintenant une décennie, des mutations importantes et constantes pour ce qui est de sa décentralisation. Il s’agit là de faire une réflexion sur la pertinence de la territorialisation de l’école italienne, son adéquation et articulation avec le local. Sans toutefois se glisser dans un débat complexe concernant les différentes dynamiques de la recomposition territoriale dont est responsable l’école, nous tenterons de comprendre si cette dernière en Italie se considère comme l’établissement du quartier ou alors l’établissement dans le quartier. En quoi sa décentralisation tout au moins pour ce qui est de l’enseignement primaire et secondaire premier cycle, obéit-elle à une nouvelle vision du management scolaire fondé sur le partenariat avec l’ensemble des institutions publiques et privées du territoire ? Comment dialogue-t-elle avec le territoire sans s’auto-exclure ?

Afin de mieux élucider le processus de territorialisation de l’école italienne, nous présenterons la démarche utilisée par l’Istituto Comprensivo Galilei de Pesaro (Italie) pour rendre dynamique et interactif son lien avec le territoire. Il s’agira concrètement de montrer comment s’opère son ancrage territorial sur le plan didactique et son incidence dans le développement d’un fort sentiment d’appartenance territoriale auprès des élèves.

1 – La territorialisation de l’activité scolaire en Italie

La transition d’une école institutionnelle à une école territoriale est un processus qui sort l’école de son isolement. Loin d’être une idéologie, la territorialisation de l’école italienne a un caractère pragmatique favorisant de quelque manière que ce soit la culture du vivre ensemble. Les interactions entre les questions éducatives et les problématiques du territoire sont fréquentes. Les écoles, non seulement sont demandeuses de ressources humaines locales issues du monde associatif, des services publics et des professions libérales, mais, elles ne cessent en plus de s’intéresser aux problématiques de développement local. D’une manière générale, comparativement à d’autres contextes européens, comme la France par exemple, l’école italienne est très disponible à accueillir sans bureaucratie excessive les personnes ressources provenant du territoire. Cette facilité lui permet de renforcer la formation théorique qu’elle propose par des actions pratiques, issues du local. Dans ce contexte, l’école italienne, bien mobilisée sur les enjeux d’égalité des chances, de réduction des inégalités scolaires et de démocratisation de l’accès aux savoirs, s’est transformée en une action sociale. A travers plusieurs types de dispositifs et pratiques, elle permet de contribuer à la réussite éducative des enfants en partant des exigences de leur territoire.

2 – Une territorialisation du système scolaire accélérée par la loi

Un regard rétrospectif sur les textes de lois concernant le système scolaire italien, montre bien qu’en une décennie, d’importantes modifications ont été opérées avec les successifs gouvernements de Centre-gauche en et de Centre-droite. La récente arrivée au pouvoir du Centre-gauche laisse déjà entrevoir de nouvelles modifications comme d’ailleurs l’annonçait leur programme électoral. Si des divergences profondes existent entre le Centre-gauche et le Centre-droite sur les finalités de l’école ainsi que sur ses contenus, ils sont tous les deux d’accord sur l’importance de décentraliser l’école, en la liant le plus que possible au territoire.
L’une des premières actions ayant accéléré la territorialisation de l’école ces dernières années, concerne la création des Instituts compréhensifs (traduction de Istituti comprensivi). Il s’agit plus exactement d’un regroupement d’écoles associées pour constituer une institution scolaire commune afin d’acquérir plus de représentativité. Les écoles appartenant au groupement conservent leur nom pour une question identitaire. Mais la direction administrative et pédagogique devient commune. A la tête du groupement d’écoles, se trouve un chef d’institut. Il fonctionne comme un manageur, devant gérer plusieurs écoles. Il lui appartient d’assurer l’intégration entre les écoles, en favorisant une bonne mutualisation des ressources humaines et logistiques. En outre il doit garantir une intégration cohérente des projets pédagogiques de chaque école en un seul véritable projet : le projet du groupement scolaire constitue le projet de l’institut. La gestion administrative devient une seule et on a une intégration du personnel enseignant. Le groupement scolaire s’effectue entre institutions d’enseignement maternel, primaire et secondaire premier degré. Il introduit un nouvel horizon d’échange, de travail et d’animation pédagogique pour les écoles, dans un souci d’égalité fonctionnelle et d’aménagement du territoire.
Le processus de territorialisation du système scolaire italien fut accéléré par la loi d’autonomie n° 59 du 15.03. 1997 donnant le pouvoir à chaque école, primaire ou secondaire, de développer son propre système d’enseignement, d’étude, d’organisation et d’administration. Bien évidemment tout ceci se fait dans le respect du cadre général des objectifs éducationnels nationaux, des standards de l’enseignement et des niveaux de connaissances définis par le Ministère de l’Éducation Nationale. La loi prévoit aussi la possibilité d’adapter les programmes scolaires aux besoins locaux. Chaque école a ainsi le pouvoir de développer elle-même sa politique éducationnelle pour servir les besoins de ses élèves, de leurs parents et de la communauté locale.
L’entrée en vigueur de la loi sur l’autonomie des écoles, exige une collégialité des décisions y compris avec des organes élus (« Organi Collegiali ») composés de parents, d’enseignants, d’élus et de représentants du monde social (conseil d’institut, conseil de circonscription, district scolaire) et des organes internes à l’établissement (conseil d’enseignants). L’art.7 de la loi exige aux écoles de rédiger un Plan d’Offre Formative (POF), afin de promouvoir la réussite de tous les élèves compris les élèves handicapées en favorisant des parcours didactiques individualisés. La loi ne modifie pas les bonnes pratiques déjà existantes dont certaines facilitent la territorialisation de l’école. C’est le cas par exemple de la composition des classes, basée principalement sur l’âge des élèves. Elle favorise l’injonction de l’école dans le territoire dans la mesure où les élèves passent toute leur journée scolaire avec les mêmes amis et presque toujours dans la même classe pendant les cinq années d’études primaires, les trois années d’études secondaires premier degré et les cinq années d’études secondaires deuxième degré. Seuls les professeurs passent de classe en classe. Ce mécanisme permet de créer une dynamique de groupe se reproduisant à son tour dans le quartier notamment dans les familles des élèves. Un autre exemple de bonne pratique concerne les réunions de programmation des activités didactiques. En effet, pour la préparation des leçons, les enseignants se réunissent obligatoirement chaque semaine ou toutes les deux semaines par groupes de niveaux d’enseignement pour préparer ensemble le travail de la semaine ou de la quinzaine. Les enseignants programment leurs activités tout en tenant compte de ce que leur offre le territoire en terme d’opportunités et d’études de cas pouvant stimuler la compréhension de certains concepts du programme scolaire jugés parfois abstraits. Dans le même ordre, les enseignants n’hésitent pas à prendre en compte des faits d’actualité et des questions de société concernant aussi bien le local que le global.

3- La territorialisation de l’école en Italie : le cas de L’Istituto Comprensivo Galilei

L’expérience dont il est question ici, concerne l’Institut Compréhensif « Galilei » de la Ville de Pesaro (Italie), dans la région de Marche. Il comprend deux écoles maternelles[[Scuola dell’infanzia “Il bosco incantato” di Villa Fastigi, Scuola dell’infanzia “Alice” di Villa Fastiggi]], deux écoles primaires[[Scuola primaria “Papa Giovanni XXIII” di Villa Ceccolini, Scuola primaria “A. Gramsci” di Villa Fastiggi]] et un collège d’enseignement secondaire de premier degré[[Scuola secondaria di 1° grado “G.alileo Galilei” di Villa Fastiggi]] avec une moyenne annuelle de 850 élèves. Les aires de recrutement de l’Institut ou mieux sa « carte scolaire », respectent bien le découpage de la ville de Pesaro en circonscription. La quasi-totalité de ses élèves proviennent de la quatrième circonscription de Pesaro[[La ville de Pesaro est subdivisée en huit circonscriptions administratives.]] même s’il faut signaler que contrairement aux autres établissements de la ville, l’Institut Galilei recrute aussi en dehors de son secteur théorique, ceci en raison de sa grande renommée qui fait de lui un établissement attractif. L’institut est devenu autonome par le fait de la loi de 1997 le premier septembre 2000.

3.1. – Une territorialisation scolaire facilitée par le modèle de programmation didactique

Comme le prévoit la loi sur l’autonomie scolaire, l’Institut Galilei réalise en début de chaque année son plan de l’offre formative (P.O.F). Ce document, constitutif de l’identité de l’Institut, se moule sur ses triples dimensions d’école maternelle, primaire et secondaire de premier degré. Il comprend tous les projets éducatifs de ses différentes entités. Le P.O.F contient les choix éducatifs et d’organisation, les critères d’utilisation des ressources et constitue un engagement important pour la communauté scolaire toute entière. C’est d’ailleurs pour cela que le P.O.F se réalise à travers une démarche coopérative, à la fois intégrative, complémentaire et interdépendante afin de mieux prendre en compte les trois dimensions de l’Institut. Le P.O.F, en tant que principal outil de programmation didactique de l’institut, permet d’organiser d’une façon rationnelle le travail individuel et collégial de l’enseignant ceci suivant une approche liant l’école au territoire. Le P.O.F propose une articulation entre les différents temps, scolaire, péri et extra-scolaires, en précisent la complémentarité et l’interaction. Il permet d’utiliser efficacement les ressources scolaires, de nouer des rapports avec les institutions éducatives du territoire, de travailler en réseau afin d’améliorer la qualité générale du processus d’apprentissage.
Le P.O.F propose une vision concise et analytique des objectifs pédagogiques. Il retrace la caractérisation des modalités opératoires, l’organisation des temps scolaires et la meilleure exploitation des espaces. Tel qu’il est formulé, il est également l’outil de communication interne et externe de l’Institut. Le P.O.F ne comprend pas seulement les disciplines scolaires traditionnelles telles que le suggèrent les programmes ministériels. Il comprend aussi des projets éducatifs permettant l’acquisition des savoir-faire afin d’enrichir le patrimoine culturel de l’élève. Pour cela, les orientations prises consistent à aider l’élève à « apprendre à apprendre », en développant auprès de ce dernier les capacités et aptitudes lui permettant d’avoir une attitude comportementale orientée vers l’apprentissage continu en milieu scolaire et extra-scolaire afin de se construire son propre savoir d’une manière autonome et consciente. Dans le cas de l’Institut Galilei, le P.O.F dans sa finalité, doit permettre aux élèves d’acquérir une mentalité leur ouvrant l’esprit vers les problèmes de leur territoire (local) et du monde (global).

3.2. – Une territorialisation qui passe par un fort partenariat local

L’Institut Compréhensif Galilei a vite compris que son meilleur ancrage territorial passe par une démarche par le bas consistant à intégrer les acteurs locaux dans la politique scolaire à travers un partenariat diversifié. Ainsi l’Institut privilégie le partenariat multi-acteurs comme outil de coopération où la collaboration est volontaire et tient compte de la complexité des problèmes territoriaux et scolaires. Le partenariat multi-acteurs développé par l’Institut Galilei associe les acteurs privés, notamment les mouvements associatifs et les entreprises, aux acteurs publics. Il est consolidé dans bien de cas par des protocoles d’accord. C’est par exemple le cas du protocole d’accord liant l’Institut Galilei à la mairie de Pesaro et à l’hôpital de Pesaro concernant l’expérimentation commune de nouveaux modèles opératoires permettant de mieux identifier et prendre en compte les besoins de l’élève handicapé, ainsi que son contexte familial et scolaire. L’accord vise surtout à simplifier les procédures administratives, optimiser l’utilisation des ressources humaines et développer des compétences professionnelles territoriales afin d’améliorer la qualité des services à disposition des élèves handicapés. C’est aussi le cas de la convention signée entre l’Institut Galilei et la mairie de Pesaro dans l’accueil et l’insertion des élèves issus de l’immigration. C’est encore le cas de la convention régissant les rapports entre l’Institut et le département dans le cadre de l’expérimentation d’un modèle multimédia de type e-learning visant à simplifier les procédures de communication entre l’école et les familles. Il est intéressant de noter que l’école fait aussi appel à du mécénat en sollicitant l’aide des acteurs publics et privés (entreprises locales, banques, fondations) pour le cofinancement de certains de ses projets scolaires.

3.3. – Une territorialisation scolaire à projets

L’ancrage territorial de l’Institut Compréhensif Galilei, est aussi favorisé par les microprojets éducatifs réalisés par plusieurs classes en cours d’année scolaire sur les problématiques directement inhérentes au territoire. Les projets d’éducation à la citoyenneté et d’éducation relative à l’environnement constituent particulièrement un socle d’actions favorisant l’intégration de l’Institut dans le territoire. Les activités que l’Institut met en place dans le cadre de l’éducation à l’environnement au sens large, pour faire comprendre les interactions entre l’homme et son environnement naissent des problèmes du territoire (déchets, eau, énergie, patrimoine, transports, flore, faune…). Ce sont des activités faites par les classes dans l’école ou en dehors de l’école le plus souvent avec le support des experts locaux. L’intervention de ces derniers aide les élèves à s’approprier de comportements citoyens en les plaçant dans des situations d’expérimentation active demandant un engagement personnel. Par le biais des projets scolaires ayant une empreinte locale, l’Institut entend transmettre aux élèves des valeurs civiles et citoyennes telle que la dignité de la personne et le respect d’autrui, la liberté individuelle, la tolérance, la solidarité, la justice, l’égalité, le sens de responsabilité, le respect de l’environnement. La grande diffusion des projets scolaires territorialisés permettent aux élèves d’acquérir des compétences transférables, de développer leur personnalité et leur créativité afin de se socialiser avec l’identité territoriale.

3.4. – Une territorialisation impliquant fortement les familles

L’ancrage de l’Institut dans le territoire se fait aussi par le biais des parents d’élèves qui sont de plus en plus impliqués dans les projets éducatifs. La liaison entre les écoles de l’Institut et les familles sont étroites. L’institut essaie de favoriser la communication avec les familles en vue de faciliter la participation des parents à l’éducation de leurs enfants en établissant une « relation collaborative », pour reprendre les termes de Deslandes et Bertrand (2003, p. 27), avec ces derniers. La participation parentale se fait à plusieurs niveaux notamment par leur présence active aux activités scolaires telles que les réunions de parents, les fêtes de l’école, et les discussions parents-enseignant. Ils collaborent aussi dans le cadre des activités pédagogiques au titre de personnes ressources capables par exemple de favoriser la production d’objets ou encore la réalisation des spectacles.
Plusieurs parents volontaires et dynamiques sont aussi sollicités à participer à certaines activités d’éducation à la citoyenneté pour faire reconnaître leur identité culturelle au sein de l’école ou pour prendre sereinement connaissance de la culture scolaire afin de développer une attitude de confiance par rapport à l’école.
Dans le cas de l’Institut Galilei, on constate que l’engagement des parents dans la relation école-famille ne cesse d’accroître. Cela s’expliquerait par le fait que les parents se rendent compte que les enseignants les tiennent informés, accordent de la valeur à leurs interventions éducatives et leur fournissent des conseils spécifiques sur l’aide à apporter aux apprentissages réalisés par l’enfant. Ces considérations vont le sens des travaux de Hoover-Dempsey et Walker (2002, p. 5).
L’Institut expérimente depuis trois ans, un nouveau service appelé “STUdiARE”. Il s’agit d’un système télématique unifié d’accès au réseau scolaire et parascolaire offrant un ensemble de services on-line. Pour les familles, STUdiARE permet l’inscription scolaire, le payement des taxes scolaires, du transport et de la cantine scolaire, la justification des absences de l’élève, contrôle de la fréquentation des cours, connaître les activités qui se font à l’école, programmation d’entretiens avec les professeurs, adhérer aux initiatives scolaires et parascolaires de l’école, l’accès aux résultats scolaires de leur fils, etc. Pour avoir accès à toutes ces opportunités, la famille s’enregistre tout simplement pour obtenir un code d’accès au « Service STUdiARE ». Grâce à « STUdiARE », les élèves pourront bénéficier de l’accès à certains cours à domicile ou passer des examens à domicile en cas de maladie ; faire des formations de type professionnel pour capitaliser certaines compétences personnelles par le Web ; l’accès à certains ouvrages scolaires numérisés, aux services d’orientation scolaire, aux entretiens de stage dans les entreprises, aux opportunités de travail et de passe-temps offertes par le territoire, etc. Dans ce cas aussi, l’élève a un code d’accès au service.
Pour l’enseignant, il peut mettre ses cours on-line, être en contact avec ses élèves on-line, dialoguer avec les parents d’élèves on-line, suivre le processus d’apprentissage de ses élèves hors du contexte scolaire, participer à des activités de formation on-line, participer à des concours, valoriser ses propres compétences, etc. « STUdiARE » permet à l’entreprise, de collaborer avec l’école dans les projets de formation professionnelle et dans la recherche de stages. Elle peut aussi participer dans les activités didactiques concernant l’entreprenariat. Actuellement près de 150 familles de l’Institut expérimentent ce service dont seulement certaines fonctions sont opérationnelles. Les autres sont en cours de conception.

3.5. – Une territorialisation très institutionnalisée

La territorialisation de l’Institut Galilei a aussi cette spécificité d’impliquer les institutions publiques. Les élus de la circonscription et de la ville sont invités aux initiatives de l’école afin de donner une dimension institutionnelle aux activités scolaires. Leur présence est aussi un signe de visibilité et une volonté d’être plus proche des jeunes citoyens. Afin de rendre plus participative la présence des élus dans l’école, l’Institut organise périodiquement, suivant les faits d’actualité ou les types de projets éducatifs en cours, des rencontres d’échanges et de débats entre les administrateurs et les élèves.
Il arrive que la ville tout comme la circonscription, se trouvent impliquées dans un projet de l’école en qualité de partenaire, y apportant un soutien financier ou d’expertise technique. Comme on peut donc le constater, la ville et la circonscription sont des composantes prégnantes du partenariat multi-acteurs de l’Institut Galilei. Une telle coopération servant de référence pour d’autres écoles du territoire, renvoie aussi à une dialectique de la complexité du concept de territoire scolaire. En effet, l’ancrage de l’Institut Galilei dans le territoire, est une spécificité du système scolaire italien. Il est aussi le fruit de la quête constante de l’innovation dans la décentralisation de l’école. Les recompositions actuelles issues de la mobilisation de plusieurs acteurs locaux nous amène à nous poser la question de savoir jusqu’où arrivera l’ancrage de l’école dans le local. L’expérience de l’Institut Galilei révèle que l’ancrage de l’école dans le territoire est une question d’intégration dans une dynamique locale où se trouvent imbriqués plusieurs acteurs. Ce n’est pas le territoire qui s’intègre dans l’école mais c’est cette dernière qui y pourvoit. Comme tout processus d’intégration, il faut créer les conditions meilleures pour le faciliter.

3.6. – Une territorialisation scolaire ouverte vers le monde

L’ancrage de l’Institut Galilei dans le territoire ne se fait pas seulement dans une approche localisée. Elle tient compte de son appartenance au système monde. C’est ce qui explique son implication dans des projets européens SOCRATES, Comenius, action 2 afin d’affirmer son identité européenne en travaillant avec d’autres institutions sur des questions présentant une importance européenne. L’Institut Galilei a notamment pris part au projet « communication interculturelle et vocabulaire du racisme dans les langues communautaires 2000-2003 »[[Le racisme se manifeste par des faits, mais aussi par des gestes et des paroles. L’objectif de ce projet était donc: d’étudier le vocabulaire du racisme au quotidien dans certaines langues communautaires et communautés culturelles; comprendre la signification de ces paroles, leurs impacts dans les rapports interpersonnels et comment elles peuvent être combattues ; de proposer au besoin, un vocabulaire alternatif au vocabulaire du racisme.
De manière plus spécifique, il s’agissait de: collecter, enregistrer et analyser les données sur le racisme linguistique dans les pays partenaires ; développer une méthode didactico-pédagogique de déconstruction de ces expressions dévalorisantes afin qu’elles disparaissent du vocabulaire quotidien ; développer un vocabulaire de substitution qui pourrait guider les citoyens dans leur vie quotidienne pour une adéquate communication interculturelle ; mettre en place et coordonner un réseau européen d’information et de sensibilisation contre le racisme linguistique qui devrait transmettre les informations obtenues à l’observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes.]] , en collaboration avec la ville de Grenoble, l’institut de Géographie Alpine de Grenoble, le lycée Théordor-Heuss-Gymnasium de Essen-Kettwig (Allemagne). Il fut aussi partenaire du projet « La contribution de l’Europe de la Francophonie et du Commonwealth dans la valorisation du patrimoine culturel et linguistique communautaire : Impact sur le processus d’intégration des immigrés provenant des pays tiers francophone et anglophone 2001/2002»[[Ce projet, numéroté 2009/ 708 I – 2 – 10168, entre dans le cadre des activités cofinancées par la Commission européenne pour l’année européenne des langues. Il avait pour objet :
1- Sensibiliser l’opinion publique et la jeunesse en particulier, sur la Francophonie et Commonwealth communautaires. Il est ici clairement question de montrer que la diversité linguistique communautaire comprend un espace communautaire membre de la Francophonie et un espace communautaire membre du Commonwealth. A ce juste titre, l’Europe peut se considérer appartenir à la Francophonie et au Commonwealth. Cette richesse doit être valorisée en informant l’opinion publique sur la Francophonie et sur le Commonwealth;
2- Améliorer la connaissance de la Francophonie et du Commonwealth (buts, organisations, actions, etc.) ;
3 – Mettre en évidence les incidences de ces deux espaces sur le patrimoine culturel communautaire;
4- Montrer l’importance du français et de l’anglais dans le processus d’intégration en Europe des immigrés provenant des espaces culturels de la Francophonie et du Commonwealth ;
5- Montrer la contribution des immigrés provenant des espaces culturels francophones et anglophones dans le processus de construction de l‘Europe des citoyens et dans l’enrichissement de la diversité linguistique et culturelle de l’Europe. Ceci conduit à insister sur le rôle moteur de médiateur linguistique que peuvent jouer les immigrés anglophones et francophones dans le processus de construction de l’Europe multilinguistique en favorisant la compréhension interculturelle.]]. Projet piloté par la ville de Pesaro avec les partenaires suivants : istituto comprensivo Galilei di Pesaro, l’IPSCT “Falcone e Borsellino” (Bressanone), Collège Champollion (Grenoble/Francia), Associazione Afro vision (Martheidenfeld/Germania) . L’Institut Galilei est enfin le chef de file du projet « l’éducation interculturelle par les représentations sociales 2003/2006»[[Le projet EIRE (Education intervculturelle et représentations sociales) avait comme objet: Construire une réflexion théorique sur la place des représentations sociales dans la didactique de l’éducation interculturelle ; Concevoir, expérimenter et valider un module de formation des enseignants sur l’utilisation des représentations sociales en Education interculturelle avec le support des TIC et de la recherche-action-participative (RAP) ; Proposer des pistes pédagogiques et des séquences didactiques adaptées pour l’enseignement de toute discipline scolaire dans une démarche interculturelle et en tenant compte des représentations.]] et impliquant le Centro de Formacao “Antonio Sergio”, Lisboa, Portugal, l’Université de Ioannina / Grèce, l’Institut de Géographie Alpine, Grenoble, France.

3.7. – Quand l’école restitue au territoire les fruits de l’année scolaire

L’une des initiatives la plus originale de l’Istitut Galilei qui a fait ses preuves est sans équivoque l’initiative “Sapere in libertà » ( traduit savoir en liberté). Loin d’être un slogan, il s’agit d’une initiative que l’Institut Galilei organise depuis la fin de l’année scolaire 2001. Elle est désormais arrivée à sa cinquième édition. Il s’agit concrètement de 12 jours d’activités en moyenne dédiées aux élèves et à leurs parents. L’initiative se déroule durant les deux dernières semaines de l’année scolaire, se clôturant en Italie la première semaine du mois de juin. Pendant une douzaine de jours, tous les après-midi et soirs, les élèves de la maternelle, du primaire et du secondaire de l’Institut présentent à leurs familles et aux habitants du quartier, parfois en présence des élus, ce qu’ils ont appris en classe durant l’année scolaire. Cela se fait sous forme ludique à travers théâtre, danse, chant, expositions, etc. Toutes les actions présentées par les élèves se structurent autour des thématiques abordées en classe ou hors de la classe à travers des activités périscolaires et extrascolaires. L’organisation de cette initiative se fait en étroite collaboration avec la quatrième circonscription dont l’Institut dépend.

La réussite de la mise en œuvre de cette initiative conclusive de l’année scolaire est la résultante d’une politique éducative cohérente qui passe par la mutualisation de tous les moyens et la simplification des dispositifs contractuels. L’initiative conclusive « Savoir en liberté » constitue l’expression de l’ouverture de l’école vers l’extérieur. Elle est une responsabilité partagée entre l’Institut Galilei, les enseignants, la quatrième circonscription et les familles. C’est ce qui fait aussi son originalité surtout quand on sait qu’elle est également le fruit d’un partenariat élargi et renforcé au niveau local impliquant les commerçants du quartier et les personnes âgées. L’initiative est en quelque sorte la traduction d’une communauté éducative élargie à tout un territoire où l’école en tant qu’institution et espace socialisé, fait partie intégrante de l’identité locale.

L’initiative s’exerce dans des temps et des espaces différents notamment dans toutes les écoles du groupement scolaire dans un souci de mise en cohérence et conservation de l’authenticité. Il s’agit aussi par là- même d’exprimer le profond attachement au quartier dans un souci de complémentarité et de continuité éducative.
Chaque année, on assiste à une amélioration qualitative de l’initiative grâce à une offre d’activités diversifiée. Afin de garantir une meilleure visibilité territoriale, les activités proposées lors de l’initiative conclusive visent de plus en plus à la maîtrise des codes du langage des images et des sons par la pratique de la vidéo et du multimédia pour une appropriation active par les élèves des réalités locales. Dans le même ordre d’idées, plusieurs spectacles présentés par les élèves transmettent les apprentissages acquis durant l’année scolaire par la musique et le chant. Les activités théâtrales en lien avec les parcours musicaux et prenant en compte le patrimoine bâti et le paysage constituent des moments critiques de sensibilisation des participants aux valeurs citoyennes pour un cadre de vie meilleur.

L’initiative sert aussi de vitrine pour présenter les résultats obtenus par l’Institut dans les différents projets européens où il intervient soit comme chef de file soit comme partenaire. Elle constitue un moment propice pour renforcer le rapport école/territoire. L’initiative se présente pour la direction de l’Institut comme un moment d’évaluation participative de l’offre formative. Pour cela, toutes les initiatives du programme « savoir en liberté » font l’objet d’une évaluation interne et externe. Il s’agit de mesurer objectivement et précisément l’impact du spectacle proposé sur les élèves et le public. Les images et opinions des participants aux différents spectacles et des élèves eux-mêmes permettent de comprendre comment les objectifs pédagogiques ont été atteints. C’est aussi un moyen d’analyser tour à tour comment le territoire s’approprie l’école et l’école le territoire.
L’originalité de l’action et son succès, nous amène à nous interroger sur sa pérennité et sa généralisation comme bonne pratique éducative. Une certification de l’action serait pour cela indispensable afin de faciliter sa dissémination au plan international.

Date Classe Spectacle présenté dans le cadre de l’initiative “savoir en liberté”
25 Mai 1D, 1E,2D Ce qui compte c’est…
26 Mai Enseignants – société civile Séminaire européen “Education interculturelle et représentations sociales” – conclusion projet européen Comenius action 2
27 Mai Enseignants – société civile Séminaire européen “Education interculturelle et représentations sociales” – conclusion projet européen Comenius action 2
29 Mai Classe 1A, 1B Ecole primaire Fantasmagorie
Collège Au Cinéma avec nos parents
30 Mai Classe V du primaire et classe de sixième du collège “Toi” et “Nous” : la mosaïque de l’harmonie
30 Mai 3A, 3B, 3C Collège Le peuple de l’arc-en-ciel
31 Mai Toutes les classes du primaire et toutes les maternelles Exposition guide des travaux réalisés par les élèves
31 Mai 4A, 4B Unis pour embrasser une étoile
1 Juin 1C – Collège L’environnement local: je le connais, je le respecte
1 Juin 3D – Collège Moi, citoyen actif
3 Juin Ecole primaire Merrcatino in Piazza “Organisation d’un marché à la place centrale du quartier par les élèves du primaire pour vendre les produits artisanaux réalisés durant l’année scolaire”
3 Juin 2A, 2B – Collège Sensations entre réalités et fantaisie
5 Juin 3B – – Collège J’essaie
5 Juin Classe 5A, 5B – Primaire Tous sous ce ciel
6 Juin 2G, 2F — Collège A Table, utilises ta tête
6 Juin 1F,1A,2A,3° – Collège Séance musicale sur les problèmes d’environnement de notre territoire
7 Juin Ecole maternelle Grands et petits dans la danse
8 Juin 2G – Collège Musique: entre enseignement et rêve
9 Juin Ecole maternelle Promenade dans le temps

Tab 1. « Savoir en liberté – programme des spectacles 2006 »

Conclusion

L’expérience de l’Institut Galilei nous montre bien que le processus de dialogue entre l’école et le territoire existe, est réel et dynamique avec un pertinent référentiel des cadres d’action. On voit bien dans cet exemple que l’école se présente comme un laboratoire du territoire. Elle n’est plus renfermée sur elle-même. Elle est attentive aux problèmes du territoire. Elle s’implique sur les grandes questions du développement local, essaie de transmettre aux élèves les connaissances et savoir-faire nécessaires pour comprendre leur territoire d’appartenance et le monde qui les entoure.

Esoh Elamé, Docteur en géographie – Institut de Géographie Alpine Grenoble.


Bibliographie

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Charlot B (dir) ; L’école et le territoire : nouveaux espaces, nouveaux enjeux, Paris, Armand Colin, 1994
Deslandes, R., et Bertrand, R. : L’état d’avancement des connaissances sur les relations école-famille : un portrait global, Vie pédagogique, 2003, p. 27-29…
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Hoover-Dempsey, K. V. et Walker, J. M. T. (2002) ; Family-School Communication. En ligne sur le site de Metropolitan Nashville Public Schools.