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Jules Ferry 3.0 : une approche de la complexité du numérique à l’école

La première partie du rapport tranche la question de l’enseignement de l’informatique, en affirmant l’opportunité d’un tel enseignement dès le début de l’enseignement scolaire. Mais le CNNum prend bien soin d’insister sur la spécificité de cet enseignement qui n’est pas un enseignement académique de plus mais vise à développer la créativité des élèves en s’appuyant sur une démarche de projet.

La seconde partie est un appel à développer la littératie numérique en lui donnant sa place dès le collège dans tous les enseignements disciplinaires et en constituant ainsi un enseignement réparti dont le professeur-documentaliste pourrait être le coordinateur. Le B2i rénové serait ainsi pris en charge dans les différents enseignements. Cela suppose de transformer la formation, le recrutement et l’évaluation des professeurs en intégrant une dimension de leur professionnalité : la capacité à coopérer, conduire des projets avec le numérique. Cela implique aussi la mise en place dans chaque unité d’enseignement de projets coopératifs avec des partenaires extérieurs développant l’initiative des élèves. Il faut systématiser les expériences de publication par les élèves comme par les enseignants pour mettre en commun des ressources pédagogiques. Il s’agit enfin d’adapter matériellement la classe et l’établissement au mode projet, avec des espaces de travail collaboratif, ouverts sur l’extérieur.

La troisième partie propose d’oser le baccalauréat des humanités numériques. Ce baccalauréat, prudemment expérimenté puis généralisé, pourrait permettre de dépasser les stériles oppositions sclérosées entre « littéraires », « scientifiques », « économistes » et, à terme, sans que les auteurs l’écrivent, d’unifier le baccalauréat général.

La quatrième partie appelle à une nouvelle donne éducative, appuyée sur l’école en réseau. Les maîtres mots sont partenariats, développement d’une ESPE numérique, travail collaboratif sur le nouveau design du métier d’enseignant, gouvernance des établissements en lien avec les parents, collectivités locales et les territoires, évolution des établissements vers la connaissance ouverte, garantir un marché francophone de la ressource éducative et de la formation.

La cinquième partie en appelle à renforcer le lien entre recherche et éducation : recherches actions, recherches contributives en études numériques, assises de l’édition numérique.

La sixième vise à accompagner l’explosion des usages éditoriaux : normes ouvertes, autoproduction de contenus, validation et certification de ces contenus, clarification des rôles du public et du privé, extension de l’exception pédagogique, encouragement à l’open data.

La septième est un appel à collaborer avec les industries de la formation, de façon à libérer les enseignants de tâches répétitives à faible valeur ajoutée.

Ce rapport bouscule des allant de soi : les silos disciplinaires, le fractionnement du bac général, le temps scolaire réduit à des heures de cours et l’espace scolaire à des salles de classe, une formation et des concours de recrutement des professeurs quasi exclusivement disciplinaires, les corsets qui contraignent l’autonomie des établissements. Certains y verront une dangereuse dérive libérale. D’autres percevront dans cette volonté de refondation numérique l’objectif de donner à l’école de la République les moyens d’être enfin juste et désirable pour tous.

Jean-Pierre Véran
Formateur associé à l’université de Montpellier