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“J’essaie de donner une place à tout le monde.”

Quel est votre premier souvenir d’école ? Bon, mauvais souvenir ?

pascal_thomas_1.jpgMon premier vrai mauvais souvenir date du collège. En quatrième, j’ai changé de prof de maths. Du coup, j’ai aussi changé de résultats. Je suis passé de 17 de moyenne à 3. J’ai encore le bulletin où il avait écrit : “Fallait-il redoubler pour être avant dernier de la classe”. C’était forcément de ma faute. En matière de différenciation, on fait mieux, non ?

Est-ce que ça donne une idée de l’école qu’on l’on voudrait, et que l’on ne voudrait pas ? Et l’envie de s’y coller pour œuvrer à la première ?

Oui, sûrement. Je sais très bien à quoi ressemble l’école que je ne veux pas. Malheureusement, elle existe encore et n’est pas vraiment décidée à changer. C’est lié, en partie, aux connaissances. On insiste souvent sur la nécessité d’apprendre par cœur mais rarement sur l’usage concret des connaissances dans la résolution d’une situation problème. On a bien entendu besoin de connaissances mais on ne se pose pas toujours la question de la compétence. Mon école idéale contribue à développer un esprit critique et vise à rendre les élèves plus autonomes face aux apprentissages. Elle essaie aussi de rendre les élèves plus citoyens et plus investis en faveur des autres.

L’envie de changer l’école était l’une de mes premières motivations quand j’ai passé le concours de personnel de direction.

Parenthèse à propos du par cœur : j’ai fait l’interview de quelqu’un disant que ses meilleurs souvenirs étaient précisément les moments où, dans sa classe unique, elle apprenait des choses par cœur. Ca marchait. Et pour elle c’était le premier signe de son indépendance naissante. Qui ne l’a plus quittée.

Je ne nie pas l’utilité du “par cœur”. J’anime un atelier théâtre où je fais apprendre des textes par cœur à des élèves qui viennent volontairement pour ça. Je dis simplement que les connaissances sans réflexion, sans compréhension, sans mise en perspective, ne mènent pas à grand chose. J’ai personnellement appris beaucoup par cœur pour les concours… Mais je me suis vidé le cerveau après pour ne me souvenir que de l’indispensable.

Dans votre fonction de CPE, dans l’expérience de la vie scolaire, qu’avez-vous trouvé de plus important, de meilleur ?

Photo Nicole Priou

Photo Nicole Priou

La compétence relationnelle. C’est valable aussi pour ma nouvelle fonction. Dans le boulot de chef d’établissement, la compétence relationnelle est, de mon point de vue, la plus importante. Les aspects techniques sont à la portée de tout le monde. Il y a de la relation humaine même dans les actes les plus anodins. Et quand on se plante, le retour de bâton arrive rapidement.

Quant au job de CPE je pense qu’il ne doit pas se cantonner pas à la seule gestion des flux, à la prise en charge des gamins exclus ou en mal-être. Par exemple, j’ai pris plaisir à créer un spectacle de fin d’année. Il permet d’évaluer tout un tas de compétences et de fédérer des gamins autour d’un projet commun, de mettre en lumière des élèves auxquels on aurait jamais pensé. Je suis fier d’avoir collé ce virus à la CPE du collège.

Vous dites qu’une CPE “modèle” a sans doute été un déclencheur pour le devenir. Est-ce qu’on devient ensuite, comme c’est votre cas, chef d’établissement, parce qu’on rencontre des chefs d’établissement modèles ou parce que le vêtement de CPE devient trop étriqué ?

pascal_thomas_3.jpgLes deux, incontestablement. J’ai rencontré trois chefs exceptionnels qui m’ont énormément apporté et je pense qu’ils ont posé un certain nombre de fondations à ce que je suis devenu. Celle qui a vraiment déclenché mon envie, c’est une autre chef qui était tellement incompétente que je me suis dit que quoi que je fasse, je ferais forcément mieux qu’elle…

De plus, le costume de CPE n’était plus vraiment adapté à mes envies. Je voulais pouvoir impulser à un autre niveau. J’avais besoin de plus. Le choix de ce poste à Loos en Gohelle correspond parfaitement à ce que je voulais faire même si demander ce type de poste est un peu risqué : on se retrouve d’emblée aux commandes sans avoir fait ses preuves avant.

Comment faire fonctionner bien ensemble les enseignants, les chefs d’établissement, les assistants pédagogiques, les assistants d’éducation, etc. ? Comment sortir des tensions entre camps ? Le travail véritablement collectif sur tout un établissement est-il possible ?

Le projet d’établissement est un levier fort. En tant que chef, j’essaie de donner une place à tout le monde. J’essaie aussi de faire savoir aux uns ce que les autres font.

Photo Nicole Priou

Photo Nicole Priou

Je crois fortement au projet d’établissement pour faire avancer les représentations. Je parle de l’élaboration et du suivi du projet. La démarche du projet a permis de discuter des différentes actions, des modalités d’évaluation et de faire évoluer les pratiques. Mais je n’ai pas apporté de solution toute faite, on a construit les solutions ensemble. Le projet évolue chaque année en fonction des nouvelles problématiques dégagées lors du bilan pédagogique.

Je crois sincèrement à la démarche de projet parce que ça oblige à confronter des idées. Ca oblige aussi à évaluer le travail accompli. Le chef d’établissement doit garantir l’expression de chacun.

Enfin, la clef de la réussite (et ça n’engage que moi), c’est la confiance que l’on accorde aux équipes. Je fais confiance d’emblée. Mon rôle consiste aussi à rendre possible techniquement les envies pédagogiques et éducatives de mon équipe. Quand on laisse la possibilité aux personnes d’expérimenter, de réussir ou de se planter, on donne la possibilité de progresser.