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La loi fait référence à une « formation professionnalisante », qui doit former à des compétences en rapport avec les besoins des élèves d’aujourd’hui, tout en s’appuyant sur la recherche, dans une interaction avec des pratiques que l’on veut plus innovantes et moins cloisonnées.
Dans le rapport annexé, il est dit également que les ESPE doivent largement s’ouvrir à l’ensemble des praticiens, qu’il s’agit de développer une culture commune entre tous les étudiants de ces ESPE et de promouvoir des projets transversaux.
On insiste aussi sur l’importance de la formation continue.

Nous ne pouvons qu’approuver de telles intentions qui rejoignent nos convictions ! Mais, mais… il y a loin de la coupe aux lèvres. Et la parole ministérielle si elle se doit de montrer le chemin ne doit pas être une “méthode Coué” niant les difficultés de la réalité.

Les échos qui nous viennent de plusieurs académies sont en général plutôt désabusés.
La construction des ESPÉ reposant sur des structures complexes n’est pas complètement terminée. Cela a demandé beaucoup d’énergie alors que la rentrée 2013 est à venir et demande un effort de préparation important. Pour les ESPÉ, on a attendu vainement le “choc de simplification“…
Les “usines à gaz” que seront les ESPÉ risquent d’être aussi des coquilles vides dans la mesure où l’essentiel de la formation reposera sur les universités et qu’il n’y aura pas forcément de “lieu” de rencontre et de formation commune des futurs enseignants. Les arbitrages rendus en faveur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et la place du concours en fin de M1 aboutissent à des tentatives de mainmise de l’Université dans ce qu’elle a de moins bon (le savoir disciplinaire asséné d’en haut). On risque alors de ne faire que reproduire l’existant !
Dans de nombreux lieux, les mouvements pédagogiques et d’éducation populaire (dont nous sommes) qui sollicitent leur implication dans la formation sont au mieux écoutés poliment, mais sans qu’on sente la volonté de les intégrer.
Les maquettes de concours de recrutement sont surtout marqués par le disciplinaire, dans un sens étroit. Bien enseigner, aux yeux de ceux qui les conçoivent, semble consister d’abord et avant tout à bien connaitre non pas tant sa discipline scolaire que le savoir universitaire sur lequel elle est censée s’appuyer. Il y a loin du disciplinaire au didactique et encore plus du didactique au pédagogique.
La polyvalence de la formation du premier degré n’est pas toujours présente. Et peu de choses semblent prévues pour organiser les formations communes.
L’idée d’intégrer des formateurs présents pour une partie de leur service sur le terrain devant leurs élèves ne rencontre guère d’enthousiasme, malgré le discours officiel. Certains d’entre eux voient même leur temps partagé actuel au service de la formation remis en cause. Finalement, les cours magistraux en amphi et les PowerPoint descendants ont encore de beaux jours devant eux. Où se trouve l’appui aux pratiques innovantes dans tout cela ?

Des heures sont données aux stagiaires débutants (recrutés selon les modalités de l’ancien concours) pour se former. Or, ce sera un gâchis de moyens si certaines conditions ne sont pas réunies : encadrement par une équipe de professionnels, accompagnement qui repose sur les échanges, sur l’analyse de pratiques et sur la réflexion à partir de ce qui se vit en classe. Il ne doit pas s’agir de fournir seulement des « vadémécums de survie » mais de se former sur le long terme.
D’où d’ailleurs l’indispensable formation continue, qui semble à l’heure actuelle, l’oubliée de la refondation. Le président de la République avait pourtant évoqué une sorte d’obligation à continuer à se former. La loi ne parle que d’incitation, ce qui nous semble bien insuffisant, à nous qui avons dans notre note envoyée lors de la Concertation nationale évoqué la formation comme d’une « obligation », faisant partie des missions de tout enseignant (voir page 52 des notes envoyées lors de la concertation). Et qu’en est-il de l’indispensable formation de formateurs, qui prenait jadis la forme très riche des universités d’été notamment ? Mettre des moyens dans la formation continue nous semble plus que jamais essentiel, car c’est aussi le signal fort que le métier n’est pas figé, évolue, pour mieux tenir compte des nouveaux publics, des besoins particuliers, de meilleures relations avec les partenaires, de l’utilisation pertinente des nouveaux outils numérique, pour s’exercer collectivement à de nouvelles pratiques, pour enfin mettre en œuvre vraiment le socle commun de connaissances, compétences et culture.

Nous lançons ce signal d’alarme. Les ESPE bien nommés ont créé de l’espoir, il ne doit pas être déçu, car la refondation alors échouerait et le système éducatif continuerait à stagner. Au ministère, aux responsables politiques de prendre leurs responsabilités et de faire respecter la loi dans sa lettre, mais surtout dans son esprit. Les militants pédagogiques soutiendront tout ce qui ira dans ce sens.

Le CRAP-Cahiers pédagogiques, le 8 juin 2013