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Innover, c’est faire confiance

Pourquoi organiser ce forum des enseignants innovants ?

Rassembler les associations d’enseignants autour d’un projet commun est une idée ancienne. Il fallait cependant l’occasion. En 2007, les Clionautes, Projetice et le Café pédagogique ont participé à l’organisation à Paris d’un forum intercontinental d’enseignants, centré sur l’innovation[[Innovative Teacher Forum Paris, un événement du programme Partners in Learning de Microsoft.]]. Nous avons à cette occasion constaté l’effet motivant et démultiplicateur de ce type de rassemblement pour les enseignants. Nous nous sommes collectivement emparés de ce concept, et ce fut une belle réussite ! Nos objectifs ? Motiver les enseignants qui innovent, et surtout échanger autour de la notion d’innovation pédagogique en ces temps de retour en arrière. La forme du concours, si elle n’est pas du goût de la plupart d’entre nous, nous a permis de confronter nos visions de l’innovation.

Mais alors, l’innovation, c’est quoi ?

On a souvent tendance à confondre innovation et technologie. Bien sûr la technologie facilite ce type de pédagogie : accéder à l’information, communiquer le travail des enfants est bien plus aisé avec l’Internet, j’en veux pour preuve les nombreux blogs, CD-Rom, livres et sites de classes. La technologie incite également au travail collaboratif : des classes qui échangent sur un projet, qui travaillent les unes avec les autres ou même, dans le cas de cette classe de BTS qui a réalisé un logiciel pour des élèves de Clis, travaillent les uns pour les autres. Enfin, qualité suprême, l’informatique donne le droit à l’erreur, tellement nié à l’école, sans définitivement altérer la qualité du travail final.
Pourtant il arrive que des projets très « techno » soient une façon de cacher une pédagogie « à la papa »… alors que des actions très innovantes se font avec du papier et des feutres. Je pense notamment à cette enseignante de mathématiques qui a rétabli une ambiance de travail dans sa classe de 6e en proposant dix minutes de… philo en fin de cours ! Lors de ce forum, chacun a pu se rendre compte que l’innovation est avant tout une attitude de l’enseignant : donner l’initiative aux enfants, les laisser faire leurs expériences, se confronter à leurs erreurs…
J’ai également constaté que l’innovation pédagogique prend la forme d’un militantisme. Militantisme contre une idée reçue, clamée par une partie de la classe politique et admise par une partie des collègues : non, les élèves ne sont pas nuls. Non, le retour aux fondamentaux n’est pas une solution. En revanche, il faut changer le rapport prof/élèves pour donner à ces derniers une plus grande autonomie, des compétences transversales et les moyens d’apprendre à apprendre. Se battre contre des lourdeurs, voire de franches oppositions, est donc souvent nécessaire. Si certains projets sont soutenus et promus par l’institution, je pense notamment à Calcul@tice dans lequel collaborent enseignants et inspecteurs de l’Éducation nationale, d’autres sont le fait d’enseignants isolés ou d’équipes incomprises. Un mot a été prononcé au nom du jury par son président François Jarraud, pour soutenir le collège Clisthène[[ Lire en ligne notre reportage sur Clisthène ]] de Bordeaux dont l’organisation était menacée à l’occasion de son déménagement. L’une des lauréates, Carola Valobra, a déploré la disparition de son projet en fin d’année, faute d’heures pour le mettre en place. Dans ces conditions, comment continuer à innover ?

Mon palmarès ?

Je suis très contente du palmarès de cette année, parce qu’il récompense des actions qui ne sont pas éblouissantes et inaccessibles, mais qui sont simplement une pédagogie du quotidien. J’ai surtout été très impressionnée par le nombre de démarches magnifiques, simples, efficaces, menées par des enseignants passionnés et qui ont envie de faire avancer leurs élèves. En préparant le forum, nous avons été sidérés de recevoir autant d’inscriptions en très peu de temps. Nous avions le tort de penser que l’innovation pédagogique était le fait d’une élite. À Rennes, nous avons rencontré des enseignants normaux, jeunes et plus expérimentés, de toutes les disciplines, de tous les niveaux, comme il y en a dans toutes les écoles de France probablement. Nous nous sommes cependant sentis en « communauté » parce que la même envie nous liait, celle de réfléchir à la façon de mieux former. Peut-être aussi parce que l’innovation nous semble menacée ces derniers temps…

Ces expériences sont-elles transposables ?

Le côté « reproductible » des projets a été souvent souligné par les jurys dans les discussions sur le palmarès. Paradoxalement, ce n’est pas tant le matériel que l’environnement qui est un obstacle à la transposabilité. Je pense par exemple à l’école Antoine Ballard de Montpellier qui a été récompensée pour son organisation en classes uniques. Combien d’équipes en France sont prêtes à risquer à ce point l’hétérogénéité ? En revanche, l’attitude, elle, est reproductible à l’infini, y compris dans le cadre classique de la salle de classe et des programmes. Des élèves qui écrivent un polar, un prof d’histoire qui fait réaliser un montage avec des archives de l’INA, des élèves qui blogguent en classe… le tout est que l’enseignant fasse confiance aux enfants, sans prétendre être le dispensateur de savoir.

Caroline Jouneau-Sion


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Sur le forum des enseignants innovants, voir http://www.forum-rennes2008.fr ou http://www.cafepedagogique.net