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Informer et construire

Printemps 2015 – La tension est palpable. Certains membres de l’équipage sont farouchement opposés à la mission confiée par le ministère.

31 août 2015 – Je décide de consacrer une partie de la journée de pré-rentrée à la réforme du collège. Il s’agit d’en présenter les grandes lignes, l’esprit. Ma présentation déconstruit un certain nombre de rumeurs (notamment sur la perte d’heures de cours) mais suscite aussi des interrogations et des inquiétudes légitimes. Force est de constater que pour un certain nombre de ces questions, je ne suis pas en mesure d’apporter des réponses. Trop d’inconnues subsistent (notamment sur le contenu des dotations horaires globales des établissements).

Septembre 2015 – « Les mardi de l’encadrement »
Je pars en formation quatre demi-journées réparties sur les mardi du mois de septembre. Je suis surpris, voire un peu effrayé, de constater que les formateurs, dans leur grande majorité, en sont au même point que moi ! Solitude du capitaine au quotidien… Le troisième mardi, un inspecteur d’académie, directeur académique adjoint, apporte de réels éclairages sur ce qu’il est possible de faire (ou de ne pas faire) dans le cadre des horaires dus aux élèves. Un inspecteur pédagogique régional complète la présentation de l’IA-DAASEN. Il fournit des pistes de travail (que je ne suivrai pas complètement mais qui me rassurent à propos des orientations que j’envisage).

6 octobre 2015 – Informer « sérieusement » l’équipage !
J’organise une réunion du « Grand » conseil (pédagogique). C’est comme un conseil pédagogique sauf que tout membre de l’équipage peut y assister s’il le souhaite.
Il s’agit d’informer les enseignants sur les changements générés par la réforme. Je prends le parti de ne pas nier les problèmes ou les difficultés (disparition des classes européennes, de la découverte professionnelle en tant qu’option, problème de la continuité des apprentissages en cas de déménagement de l’élève, carte des langues et absence d’information concernant le contenu précis de la DGH avec la répartition entre les heures postes et les heures supplémentaires notamment). De la même manière, j’expose les contraintes liées à la mise en œuvre des enseignements obligatoires :

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La gestion de la ressource humaine dans le cadre de la réforme est d’ailleurs peu abordée par nos décideurs. Pourtant, c’est un point extrêmement sensible dans les établissements. Prenons par exemple la situation de ce professeur qui assure 14 heures d’enseignement dans sa discipline. Jusqu’à présent, pour éviter un complément de service dans un autre établissement, je pouvais lui confier de l’accompagnement personnalisé, des heures dans des dispositifs internes ou encore dans le cadre de la découverte professionnelle pour compléter son service.
Avec les nouvelles modalités horaires prévues dans le cadre du collège 2016, le seul moyen pour l’enseignant d’effectuer des heures en plus dans son service, c’est de participer à des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) sur chaque niveau du cycle 4 en co-enseignement ou d’intervenir dans des groupes à effectifs réduits. Cette contrainte complique sérieusement l’équation.

Lors de la réunion du « Grand » conseil, je montre aux collègues que la réforme apporte aussi des libertés supplémentaires :

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Nous décidons assez rapidement de garder l’enseignement de complément « latin » pour permettre aux élèves qui le souhaitent d’y assister.

27 octobre – C’est anecdotique mais je « tombe » sur Twitter sur un document de nos instances. Il s’agit d’une « maquette » de ce que pourrait être un emploi du temps de professeur (ne parlons même pas de celui pour les élèves) en intégrant les nouvelles modalités de collège 2016. J’ai bien ri ! Surtout en imaginant la tête des membres de l’équipage si je le leur montrais… (Cliquer sur l’image pour l’agrandir.)

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26 novembre – Les nouveaux programmes sont parus. J’avais déjà mis à disposition des collègues les projets de programmes en septembre. Je leur demande d’en prendre connaissance pour :

  • commencer à réfléchir sur leur progression annuelle (en se mettant d’accord par discipline pour une progression commune par niveau) ;
  • repérer les croisements disciplinaires envisageables ;
  • repérer les points ou les notions qui pourraient nécessiter des aménagements dans le cadre de l’AP.

Je distribue un document récapitulatif qui servira de base de travail lors des conseils d’enseignement et du conseil pédagogique de décembre :

Je rappelle aussi aux membres d’équipage que la durée des EPI est libre. Se baser sur des périodes plus courtes (que le trimestre ou le semestre) permettrait de concevoir des projets correspondant plus aux progressions établies. Cette idée rassure les enseignants. Ils n’ont plus, du coup, l’impression de « sacrifier » leur discipline pour les EPI. Nous convenons enfin que l’interdisciplinarité ne nécessite pas du co-enseignement pour chaque séance. (Cliquer sur l’image pour l’agrandir.)

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8 décembre – Réunion des conseils d’enseignement. L’objectif est de faire réfléchir aux progressions par niveau et de voir si des idées d’EPI émergent. Un temps de clarification est nécessaire. Des inquiétudes subsistent. Mais cette fois, hormis pour le contenu de la DGH, j’ai des réponses concrètes à apporter. Malgré ces questionnements, les propositions d’EPI, plutôt bien ficelées à partir des tâches finales demandées aux élèves, commencent à apparaître. Il faut dire que j’ai un équipage en or massif.

Exemple : En troisième, un EPI sur le thème de la première Guerre mondiale (Français/Histoire/Anglais). La tâche intermédiaire sera de réaliser une lettre ou un journal de « poilu » (description des conditions de vie) en français ou en anglais. La tâche finale consistera à la réalisation d’un diaporama ou d’une vidéo à présenter à l’oral face à un jury. Les collègues sont partis de ce qui se faisait déjà en histoire des arts. La durée de l’EPI reste à établir.

En ce qui concerne l’organisation annuelle de ces enseignements interdisciplinaire je soumets aux collègues l’idée suivante (piquée, avec son consentement, au capitaine du vaisseau Vadez de Calais, qui abrite un autre membre actif des Cahiers pédagogiques, Guillaume Caron) :

Si l’on part du principe que nous devons deux heures d’EPI par semaine aux élèves et si l’on annualise cette durée, on arrive à un total de 72 heures dues. En trois semaines interdisciplinaires de 26 heures (horaire légal hebdomadaire de la semaine de cours pour le collège en 2016), on obtiendrait un total de 72 heures (auxquelles viendraient s’ajouter six heures de cours hors EPI).

Depuis cette idée a fait son chemin. Nous pourrions partir sur des modalités un peu différentes. Nous attendons la DGH pour nous prononcer.

Janvier 2016 – Toujours dans l’attente de cette (censuré) DGH, j’établis – en prévision de la réunion plénière du projet d’établissement, rituel instauré dans le vaisseau depuis mon arrivée – un tableau qui récapitule les progressions, les EPI possibles et les périodes choisies par les collègues. Cette réunion précède la commission permanente et le conseil d’administration concernant la ventilation des moyens alloués au vaisseau.

Habituellement, lors de cette rencontre, nous travaillons en groupe et nous essayons de fixer l’utilisation de la marge de manœuvre (ce qui reste une fois qu’on a ventilé les heures dévolues aux enseignements obligatoires).

La tâche s’annonce plus compliquée cette fois. Il sera difficile, à ce stade, de fixer la répartition des heures par discipline. Les heures de formation en établissement obligatoires nous serviront à établir la maquette finale pour la rentrée 2016. La répartition de la DGH sera donc votée ultérieurement pour que nous puissions travailler sereinement.

13 janvier 2016 – Le directeur académique nous fait parvenir, à titre indicatif et confidentiel, les projets de DGH. Pour le bâtiment Jean-Macé, la dotation sera exactement la même que l’année dernière (le nombre d’élèves prévu à bord est le même). La surprise est plutôt bonne. Les 60 heures qui composent la marge de manœuvre nous permettront, d’une part, de ne pas supprimer de poste et, d’autre part, de financer les différents projets qui se mettent en place.

Je m’empresse d’annoncer cette bonne nouvelle à l’équipage.

Pascal Thomas,
A bord du Vaisseau Jean-Macé de Calais
En route vers de nouvelles galaxies et à la croisée de tous les possibles…