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« Il n’y a pas une pratique unique qui permette de maintenir l’attention des élèves »

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– Alors comme ça, l’attention, ça s’enseigne ?

Tout dépend de ce qu’on entend par «enseigner», il ne peut s’agir de «leçons» pour apprendre à être attentifs, mais bien plutôt de mettre en place un parcours pour acquérir de «bons gestes», pour acquérir une capacité à porter son attention sur les bons objets d’étude… Au fond, il faudrait transformer le verbe «être» (attentif), qui décrit un état, en un verbe d’action comme «orienter son attention». Il y a toute une dynamique à enclencher qui passe par des moments réflexifs, et surtout par des entrainements fréquents à la «focalisation», comme ceux proposés par le réseau Atole-Adole, très présent dans le dossier. Tout cela étant à notre avis essentiel pour réussir à l’école. L’attention n’est pas un don, elle s’apprend. Les élèves les plus attentifs «naturellement» ont en fait appris à l’être, en famille, lors d’activités extrascolaires ou à l’école, en jouant, visitant différents lieux, écoutant des histoires…

– Mais il y a des détracteurs à cette idée, leur avez-vous donné la parole ?

Oui, certains contestent l’idée que l’on puisse en quelque sorte apprendre cette attention «hors-sol». Et nous leur avons effectivement accordé une place. Mais il nous semble que leur opposition au nom, par exemple, de la nécessaire intégration de ce travail à la didactique des disciplines, vient d’un jugement un peu hâtif. Il suffit pour s’en convaincre de lire le long entretien avec Jean-Philippe Lachaux, les précautions qu’il prend à ne pas présenter ses travaux en sciences cognitives comme prescriptifs et pour relier le travail sur l’attention au quotidien de la classe. Au lecteur de juger, mais ce dossier se veut cohérent, même s’il invite au débat.

– Est-ce que l’attention s’apprend tout au long de la scolarité, ou seulement en primaire ?

On n’en a jamais fini avec l’attention, à notre époque où elle est menacée constamment par mille distractions, à commencer par notre smartphone, si souvent consulté. Le distanciel renforce sans doute ces tendances. D’ailleurs, les enseignants sont concernés, et les formations sont aussi l’occasion d’un regard sur soi-même, sur sa propre attention. Notons aussi la place qu’occupe dans le dossier le soin accordé à travailler avec ceux qui souffrent de troubles de l’attention, soin qui d’ailleurs nous aide à penser le phénomène pour tous les autres élèves. L’attention se complexifie à l’arrivée de l’adolescence. Il y a plus de sollicitations entre pairs, plus de soucis, aussi, qui occupent l’esprit. Parfois des élèves qui ont travaillé leur attention ont besoin de se replonger dans des exercices à l’arrivée au collège ou au lycée.

– Quelles bonnes raisons a-t-on de lire ce dossier ?

Nous avons reçu de nombreuses propositions d’articles (mais c’est habituel aux Cahiers pédagogiques) et il a fallu écarter les risques de redondance d’un article à l’autre (mais y échappe-t-on complètement ?) en respectant la part des chercheurs et la part des praticiens. Lire ce dossier, c’est découvrir des outils, des séquences complètes pour démarrer un travail de fond, pour mieux comprendre ce qui est en jeu quand on déplore le manque d’attention des élèves et combien il est vain d’en rester aux vœux pieux («allons, soyez attentifs !»).

Il est possible aussi que des parents soient intéressés par ce thème, plusieurs articles les concernent également. Et nous les invitons donc tous à participer à notre rencontre à distance le 31 mars (informations à venir).

– Et alors… est-il possible de capter l’attention des élèves ? Ou de les aider à «se concentrer» ?

Les auteurs de différentes disciplines, de la maternelle à l’université, présentent des activités, des séquences, des petits «trucs» qu’ils ont testés. Certains sont transférables sans difficultés. D’autres sont analysés de manière plus approfondie pour en comprendre les enjeux. Il n’y a pas une pratique unique qui permette de maintenir l’attention des élèves, mais plutôt une réflexion sur la posture de l’enseignant, ce à quoi il doit être attentif et ce à quoi il ne doit pas être, ce qui est un défaut d’attention et ce qui ne l’est pas, en quoi sa pratique induit ou non l’attention des élèves.

– Qu’en est-il d’ailleurs de la distinction entre attention et concentration ?

Se poser cette question est déjà une grande avancée dans la réflexion ! Les deux concepts ne sont pas identiques et ce dossier aidera sans doute à mieux savoir de quoi on parle.

Et qu’en est-il de la formation des enseignants sur ce sujet ?

Ce dossier propose quelques pistes de formation : une présentation d’un travail remarquable de deux orthophonistes, des séquences à analyser en groupe de formation pour mieux les comprendre, des anecdotes pour commencer un échange ou un débat sur le thème… Tout autant d’éléments pouvant enrichir des temps de formation de la maternelle à l’université.

Disons que ce dossier constitue en lui-même un outil de formation, et on peut aussi renvoyer à la biblio-sitographie sur notre site, qui permet d’aller plus loin. On prend vite goût à cette question de l’attention qui, après tout, touche notre quotidien, et pas seulement en tant qu’enseignant.

On termine en «vous remerciant pour votre attention» ?

Propos recueillis par Cécile Blanchard