Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Géographie, imaginaires en action

La géographie scolaire dominante est mal aimée. Depuis 1948, à un rythme à peu près décennal, les Cahiers pédagogiques ont consacré des dossiers qui militaient pour la changer et montraient qu’une « autre géographie scolaire » est possible et à portée d’enseignants. En 2008, le plus récent de ces dossiers faisait une large place aux grands thèmes des programmes (Europe, mondialisation, développement durable, espaces du tourisme, etc.) qui font de la géographie une discipline dominée par la préoccupation d’une éducation citoyenne, sociale, politique. Ce nouveau dossier poursuit la même ambition, même si son entrée en géographie apparaitra bien différente à nos lecteurs.

La géographie est une science sociale qui prend en compte les acteurs (collectifs et individuels) dans leurs rapports à l’espace qu’elle envisage sous l’angle des usages, des aménagements, des conflits, des appropriations matérielles et symboliques, des imaginaires, des projets. Le grand géographe humaniste Armand Frémont écrivait : « Chaque homme, chaque femme construit son propre espace à sa mesure, et à la limite, il en est d’aussi nombreux que l’humanité tout entière. »[[Armand Frémont, La région, espace vécu, PUF, 1976.]] Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de décrire la planète sur laquelle nous vivons, mais de se demander collectivement ce que nous voulons y faire et en faire. Il s’agit de former des citoyens capables d’agir et de se projeter dans le futur.

Nous avons reçu beaucoup de propositions d’articles, d’horizons très différents, révélateurs de la diversité des orientations prises par la géographie aujourd’hui : les enjeux scientifiques, épistémologiques, didactiques et pédagogiques sont propices à un foisonnement d’expérimentations dans le champ scolaire, qui montrent la vitalité de cette discipline.

La place prise par l’imaginaire et par le futur souligne l’importance grandissante de la prise en compte de l’identité des élèves, c’est-à-dire de leurs savoirs, mais aussi de leurs interrogations sur le monde. Cela interroge aussi l’identité de la géographie pensée par les élèves, les enseignants, les chercheurs.

Tout objet social est un objet géographique, les enseignants de toutes disciplines peuvent trouver matière à croiser la géographie. Cela se traduit dans ce dossier par l’ouverture à la poésie, aux mathématiques, à la littérature, aux sciences du vivant, aux arts plastiques toujours en lien avec les apprentissages du « lire, dire, écrire ». La première partie du dossier s’appuie sur les imaginaires dans toutes les disciplines, pour décloisonner la pensée des élèves sur le monde.

La deuxième partie, fidèle à la tradition des Cahiers, montre une géographie scolaire qui s’apprend par l’expérience, la résolution de problèmes, le déplacement, le jeu, l’engagement dans le monde.

La troisième partie du dossier montre une géographie scolaire résolument tournée vers l’analyse du présent au service de la mise en projet, de la fabrique du monde de demain, ce que la géographie savante nomme « géoprospective ». Les nombreuses contributions sur ce thème témoignent de la force de ces projets dans la formation de citoyens responsables et critiques et aussi de toutes les difficultés que ces démarches comportent.

Si Yves Lacoste a dit que « la géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre », alors nous pouvons affirmer aussi qu’elle peut servir à être et à naitre encore plus humain sur Terre.

Christophe Duhaut, Enseignant à l’Inspe de l’académie de Lille, Hauts de France
Alexandra Rayzal, Professeure d’histoire-géographie en collège à Paris