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Face à la haine

Mercredi soir 12 septembre, un collègue et moi-même avons tenu la séquence d’enseignement la plus difficile que nous ayons jamais faite au cours de mes trente-trois années d’enseignement comme professeur ici, à l’université du Minnesota. C’était un cours d’éducation comparée où les étudiants sont pour moitié américains, pour moitié des étudiants originaires d’autres pays. Ce ne fut pas un cours comme les autres et nous en avions conscience avant même d’avoir ouvert la porte.

Mais quand nous avons entamé la discussion en faisant brièvement part de nos propres sentiments, nous avons été submergés par la douleur profonde, la frustration, la colère, l’incrédulité exprimées dans les questions soulevées par les étudiants, à propos de ce qui s’était passé à New York, à Washington et en Pennsylvanie.

En ce mercredi soir, les étudiants partagèrent une peine et une douleur considérables. Nous étions profondément émus de tout ce que les étudiants avaient à dire et nous avons appris beaucoup. Une étudiante turque musulmane dit : « Vous devez comprendre que ceci n’était pas seulement une attaque contre les États-Unis par ces gens-là (elle n’avait aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’islamistes extrémistes). Vous avez été choisis car vous êtes le symbole le plus fort d’un certain mode de vie démocratique qu’ils veulent détruire. ». Qu’elle ait raison ou tort n’a pas d’importance. Cela nous a permis d’envisager sous un autre angle comment une telle haine si profondément inscrite avait pu se développer.

Nous avons essayé d’orienter la discussion avec nos étudiants autour de la question de ce que sont nos responsabilités d’éducateurs lorsqu’il faut faire réfléchir sur un tel événement et le traiter. Cela nous a semblé être un bon moyen d’organiser les échanges en les centrant autour de cette question.

Ces étudiants ont été tellement bouleversés qu’ils nous ont demandé de reprendre cette séance le lendemain soir pour tout le personnel et tous les étudiants du département. La salle était comble et le même désarroi, les mêmes interrogations que celles de la veille au soir resurgissaient. L’un des points qui préoccupaient tous les professeurs et tous les étudiants présents était que le président Bush riposte au nom de la justice et pas au nom de la vengeance. Ils étaient convaincus par une juste riposte, surtout si elle avait lieu en accord avec d’autres États et d’autres peuples. Ils pensaient aussi fortement qu’une attaque de représailles de nature militaire qui tuerait ou blesserait des civils, des femmes, des enfants innocents ferait que les États-Unis ne seraient pas meilleurs que les criminels qui ont réalisé cette œuvre diabolique.

John Cogan, professeur à l’université du Minnesota.
(Texte traduit par Colette Crémieux.)