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Entrée en 6ème : recréer des filières ou repenser la scolarité obligatoire pour tous ?

Les difficultés du collège, qu’on résume souvent avec le chiffre de 15 % d’élèves entrant en sixième en ne maîtrisant pas suffisamment la lecture et l’écriture, font ressurgir périodiquement la tentation de la sélection précoce : revoilà le serpent de mer de l’examen d’entrée en sixième, bien sûr proposé pour le bien de ces élèves qui seront perdus au collège si on le laisse ouvert à tous. Dans ce contexte, mais peut-être n’avons-nous pas bien cherché, il est désolant de constater que seuls les candidats de droite se font entendre sur cette question. Ainsi François Bayrou : « je suis pour qu’on s’oblige, au moment de l’entrée en sixième, à vérifier que tous les enfants maîtrisent les fondamentaux. Pour moi, abandonner un enfant sans qu’il possède ses fondamentaux à l’entrée en sixième, c’est de la non-assistance à personne en danger. » Si la citation s’arrête là, c’est qu’on attend encore la suite : comment ne pas abandonner ces élèves, que leur proposer pour leur venir en assistance ? Nicolas Sarkozy est plus précis : « Je souhaite la création d’un sas de rattrapage au collège qui permettra aux enfants qui entrent en sixième sans maîtriser parfaitement l’usage de la lecture, de l’écriture et du calcul de combler leur retard. » Plutôt que « sas de rattrapage », on pourrait proposer « classes de perfectionnement », ça a déjà servi, et on saurait à quoi s’attendre…
À gauche, on semble plutôt opposé à une logique sélective, qui est défendue de manière bien réactionnaire par l’ancien ministre Allègre (mais est-il vraiment encore de gauche, au moins sur le plan de l’école ?).

Sur cette question comme sur bien d’autres, les solutions de « bon sens » sont illusoires. Ils ne savent pas lire ? Eh bien qu’on les regroupe, et qu’on leur apprenne ! À vos ordres, monsieur le président ! Le volontarisme des discours fait peut-être partie du jeu en période électoral, mais n’aide guère les éducateurs. Pour nous, ce problème de la maîtrise de la langue à l’entrée en sixième est à replacer dans l’ensemble de la scolarité obligatoire. La coupure actuelle entre les deux cycles, primaire et secondaire, est un legs des réformes administratives passées, qui ne se justifie en rien du point de vue de la continuité des apprentissages des élèves. Des chercheurs ont montré que les difficultés en sixième et cinquième, qui conduisent souvent par la suite à des processus de « rupture scolaire », sont révélatrices des difficultés plus anciennes qu’il faudrait travailler sur la longue durée.
Le « socle commun de connaissances et de compétences » pourrait constituer un outil permettant de suivre les apprentissages des élèves d’un niveau d’études à l’autre. Mais peu de candidats (Nicolas Sarkozy, Dominique Voynet) le reprennent explicitement.

Bien des équipes pédagogiques s’efforcent d’améliorer la liaison CM2/sixième, pour assurer un suivi des élèves, pour organiser des dispositifs qui adoucissent cette transition.
Au cours du troisième trimestre sera publié un ouvrage de Jean-Michel Zakhartchouk et Denis Demarcy (militant ICEM-pédagogie Freinet) qui, dans la collection Repères pour agir, dispositifs, publiée par le CRDP d’Amiens et le CRAP-Cahiers pédagogiques, reprendra le travail de ces équipes (titre : Réussir le passage de l’école au collège).

Mais on pourrait attendre du débat électoral en cours que ce problème soit posé à l’échelle de l’ensemble du système éducatif : quelle école obligatoire pour tous, de 6 à 16 ans, quel cadre collectif qui permette à chacun d’apprendre peu à peu à maîtriser la langue française, et bien d’autres savoirs encore, dans le respect de l’hétérogénéité des élèves, en s’interdisant toute forme de relégation ?

Le CRAP-Cahiers pédagogiques