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Enseigner en primaire avec le numérique

Avant-propos du dossier par Armelle Legars et Ostiane Mathon

« Quelle place le numérique occupe-t-il aujourd’hui dans les espaces d’apprentissage de nos écoles primaires ? Quels enjeux éducatifs et pédagogiques permet-il de requestionner ou de soulever ? Différents acteurs de l’école se sont emparés de ces questions dans ce dossier. Ils montrent quels freins et obstacles ils ont rencontrés, mais aussi ce que leur permet l’école numérique que ne leur permet pas l’école sans numérique : des apprentissages fondamentaux abordés autrement, des besoins pédagogiques auxquels répondent de nouvelles pratiques. »

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L’école numérique, tout de suite ?, par Philippe Tassel

Faire entrer le numérique dans les classes ? Bien sûr ! Mais comment s’y prendre ?

Matériel
Et si on commençait par y faire entrer du matériel ? Car toutes les classes ne sont pas équipées, loin de là. Voici donc une proposition pragmatique, moins anodine qu’il n’y parait : « Dès aujourd’hui, équipons tout enseignant qui le demande d’un ordinateur (ou d’une tablette) connecté et d’un vidéoprojecteur. »

Pourquoi un ordinateur et un vidéoprojecteur ? D’abord, parce que les enseignants qui ont la chance d’en bénéficier ne peuvent plus s’en dispenser. Ensuite, parce qu’ils sont faciles à mettre en place et relativement peu onéreux. On peut donc les déployer rapidement. Enfin, parce qu’il s’agit d’un matériel passerelle entre l’école tout papier et l’école numérique. Il rend plus facile ce que l’on fait déjà sans ordinateur et conduit simplement aux activités propres au numérique.

La twictée, une dictée à l’heure numérique, par Régis Forgione et Fabien Hobart

Comme tout dispositif pédagogique, la twictée part d’un besoin : rappeler aux élèves que l’orthographe, l’écriture servent à communiquer avec d’autres, à l’heure des publications très larges sur internet et les réseaux. Le faire de façon motivante et structurée en articulant l’objectif et l’outil, c’est tout le pari de la twictée. On souhaite que les élèves y développent leur vigilance orthographique, leur capacité à réviser leurs écrits et se sentent sécurisés dans cet apprentissage à priori long et complexe. D’accord, mais concrètement, qu’est-ce que la twictée ? Et quels sont ses liens avec le numérique ?
Dans Twictée il y a dictée
La twictée est une dictée formative et négociée, collaborative et ritualisée. Tout commence par une dictée individuelle, traditionnelle, sur laquelle chacun peut apposer des « signes de doute » aux endroits où il hésite. Puis, par groupes, les élèves passent à une phase de commentaires sur l’orthographe, parfois appelée « dictée négociée ». Ils confrontent leurs versions, leurs questionnements : « Pourquoi telle terminaison ? », « Ah bon, tu as fait cet accord », « J’avais un doute sur ce mot, mais maintenant que je le vois écrit comme ça… ». Échanges passionnants à observer pour l’enseignant qui relance, pointe des pistes, favorise et valorise les échanges.

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Pour une culture de l’horizontalité, par Philippe Roederer

Bien entendu, le numérique ne réinvente pas le travail d’équipe. Depuis longtemps, dans les établissements, dans les circonscriptions, inspecteurs, directeurs, chefs d’établissement organisent la réflexion collective. Mais la simplicité et l’instantanéité des outils et services qu’offre aujourd’hui le web 2.0 bousculent nos modes de fonctionnement encore centralisés et structurés autour de hiérarchies très verticales. Et le changement d’échelle, la taille du groupe et l’horizontalité des échanges facilitent la collaboration. Élèves, parents, enseignants, cadres peuvent, de manière permanente, se connecter, partager des contenus, débattre. Dans ce contexte, l’organisation de la mutualisation des ressources et des compétences est une question d’une importance fondamentale : elle place l’institution face aux défis posés par les problématiques d’hébergement, de compatibilité des plateformes, de niveau de sécurité des accès, de confidentialité des données. Aujourd’hui, la majorité des acteurs utilisent des services grand public et notamment les réseaux sociaux. Quotidiennement, des enseignants y partagent des nouvelles concernant l’école, des innovations glanées sur le web, des liens et des articles jugés pertinents, des réflexions, des citations, des questionnements. L’institution y est bien entendu présente par l’intermédiaire de ses cadres ou de ses comptes officiels. Elle y est interpelée, questionnée, bousculée, critiquée, mais également encouragée, félicitée. L’institution, pour sa part, s’y exprime et partage également ses ressources.

Photographie numérique instantanée, par Michel Guillou

De loin, mais à l’écoute de ce qui se passe, il ne m’avait pas semblé jusqu’ici que les Cahiers pédagogiques s’étaient résolument engagés sur ce chantier. Quand, aujourd’hui, les décideurs au plus haut sommet de l’État semblent prendre prétexte des expérimentations, des évaluations et des consultations successives pour remettre à demain les nécessaires décisions à prendre, quand le Conseil supérieur des programmes lui-même nous livre, aujourd’hui, une version du socle commun plus anachronique encore que les précédentes, ce dossier vient témoigner lui, au contraire, d’un engagement résolu pour mieux comprendre les mutations de l’école, avec l’observation critique des modifications des pratiques pédagogiques en classe.
La foi dans le partage
Alors, oui, bien sûr, il y a des maladresses, beaucoup, des hésitations encore, un peu trop parfois de cette fascination pour l’outillage qui aveugle et fait perdre le sens critique attendu, mais qui fait souvent accéder à l’essentiel, la réussite.
Ce dossier déborde du plaisir (c’est ce qui le rend passionnant à parcourir) de cette foi laïque surprenante et de cette conviction que les changements vont pouvoir accélérer et augmenter tout ce que l’école portait déjà de valeurs humaines et sociétales, de lien et de partage.