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Enseignants, parents, réussite des élèves : quel partenariat ?

Si les relations parents-enseignants font aujourd’hui partie intégrante du métier dans le second degré, les façons de faire ne vont pas de soi. Ce livre intéressera ceux qui s’interrogent sur la place des parents dans l’école et qui recherchent des leviers pour améliorer la communication entre école et parents pour une réussite de tous les élèves.
Ce livre, militant, invite à œuvrer vraiment pour la démocratisation de l’enseignement par une action conjointe parents-enseignants. Pierre Madiot associe, en effet, tout au long du livre, l’enjeu de la réussite de tous, en particulier celle des enfants des classes populaires, à un véritable partenariat entre l’école et les parents.
L’état des lieux pourra sembler sévère : les relations parents-enseignants sont présentées par l’auteur sous l’angle du malentendu et des difficultés. Pierre Madiot évoque longuement ces « intentions contradictoires » que décline fréquemment l’école ainsi que les résistances du système. Il pointe les insuffisances de l’existant, non pour s’y arrêter, mais pour lever les malentendus et partir à la recherche de solutions.
Un panorama historique, de l’ancien régime à nos jours, permet d’éclairer le système des relations établies. On constate des tensions constantes entre une école élitiste et excluante pour les enfants des classes populaires et des projets qui se développent progressivement pour une école démocratique encore largement en chantier aujourd’hui.
Une des richesses de l’ouvrage est la mise en regard de témoignages des différents membres de la communauté éducative : parents, enseignants, conseillers principaux d’éducation, principaux, assistantes sociales, inspecteurs pédagogiques, etc. Pierre Madiot a apporté un soin particulier à faire entendre les voix de parents, responsables FCPE ou non. Souvent critiques, ils invitent, sinon à la remise en question, du moins à la réflexion.
À côté de ces témoignages, l’auteur propose des dispositifs mis en place par des enseignants au collège et au lycée pour améliorer la collaboration avec les parents. À travers les différents chapitres, il aborde les questions essentielles : quelles sont les conditions d’une coopération efficace dès l’accueil ? Comment rendre compte du travail et des résultats ? Comment envisager ensemble l’orientation ? Comment faire quand les difficultés apparaissent ou s’installent ? Quelle est la place des parents ? Comment aider ses enfants ? Le livre s’achève sur une invitation militante à ce que l’école sorte des murs.
On appréciera la présence d’outils concrets transposables facilement comme les fiches de conseils à destination des parents pour accompagner efficacement leurs enfants ou les propositions pour l’accueil des parents dans les établissements. Le livre présente également des expériences plus ambitieuses et roboratives comme le fonctionnement détaillé de la classe de 2de coopérative de Sylvie Grau ou le dispositif du « collège à la maison ».
L’ouvrage est jalonné de repères précis et bienvenus : idées fortes des chapitres, chronologies, comparaisons internationales.
La conclusion est claire : là où les contacts sont plus développés, les problèmes sont plus faciles à résoudre. Les différents témoignages n’éludent pourtant ni la fragilité des dispositifs ni l’implication en temps et en énergie qu’ils exigent. Ils révèlent enfin des qualités humaines indéniables et indispensables à déployer pour mener à bien ces tâches ambitieuses et délicates.

Nathalie Bineau


Questions à Pierre Madiot

Quel lien fais-tu entre ce livre et ton précédent L’école enfin expliquée aux parents (et aux autres) ?

Pierre Madiot

Pierre Madiot

Lorsque j’ai écrit le livre précédent, je m’exprimais à partir de mon expérience d’enseignant et avec la distance critique que m’a procurée le fait d’avoir longuement travaillé au sein du comité de rédaction des Cahiers pédagogiques.
Au cours de la trentaine d’interventions que j’ai effectuées à travers la France pour présenter le livre, j’ai rencontré beaucoup de parents et j’ai été frappé de voir à quel point la plupart d’entre eux considèrent l’école comme un territoire qui n’est pas le leur. Non seulement ils se sentent étrangers dans l’enceinte scolaire, mais ils considèrent le monde enseignant comme une sorte de caste qui a ses codes et une vision du monde nourrie par des connaissances abstraites. J’ai alors pensé qu’il était indispensable d’une part, de donner la parole aux parents et, d’autre part, de relater les exemples de collaborations fructueuses.

Tu fais largement appel au partenariat avec les parents. On a parfois voulu écarter les parents au nom de l’autonomie des élèves. Y a-t-il contradiction entre les deux ?

L’autonomie est une capacité qui s’acquiert comme toutes les autres. Et le partenariat entre parents et enseignants n’est pas synonyme d’intrusion dans la vie des adolescents. Le but de ce partenariat est justement de permettre au jeune de développer son autonomie sans être fatalement en opposition avec le monde des adultes.
Il y a des paradoxes : d’un côté, les parents se plaignent de l’école, souvent trop opaque, d’un autre, à en croire les enquêtes d’opinion, ils aiment bien les enseignants, contrairement à ce que ceux-ci croient. De même, les enseignants ne savent pas très bien s’ils veulent plus d’intervention des parents ou moins, selon ce qui les arrange peut-être.
Ces paradoxes montrent que l’école est, comme la famille, inscrite dans la conscience collective comme une institution fondatrice. Mais ces deux institutions se vouent une méfiance réciproque sans pouvoir se passer l’une de l’autre ; et elles entretiennent séparément une sorte de fascination mêlée de répulsion à l’égard du système élitiste d’autrefois. Il est temps que l’école et la famille apprennent à collaborer pour que chacune apporte, à partir de ce qui la définit aujourd’hui, les éléments d’une éducation et d’une instruction démocratiques.

Dans sa préface, François de Singly demande à ce qu’on écarte la notion de « communauté éducative ». Qu’en penses-tu ?

Tout ce qui est écrit dans ce livre montre que la sphère familiale et la sphère scolaire sont distinctes et complémentaires. Si l’expression « communauté éducative » désigne l’ensemble des acteurs éducatifs qui s’occupent exclusivement des apprentissages scolaires, il est évident qu’il faut la rejeter. Mais il me semble que le mot « communauté éducative » peut être pris dans son sens étymologique : « qui possède en commun le souci de l’éducation » plutôt que dans un sens juridique qui induirait une sorte d’unicité de l’éducation sous la coupe de l’école. Mais je suis évidemment d’accord avec François de Singly pour que l’on prenne en considération le rôle spécifique de la famille dans l’éducation ainsi que les savoirs sociaux qui participent à l’instruction. Cette idée est au cœur de l’ouvrage.

Ce livre est collectif, fait à partir de contributions diverses. Qu’est-ce qui te semble manquer ?

Je regrette de n’avoir pas réussi à collecter plus d’éléments concernant l’apport des acteurs sociaux à la construction des savoirs. Il semble que cette question soit celle qui pose le plus de difficultés aux enseignants comme aux parents. Et c’est finalement Éric Favey, de la Ligue de l’enseignement, qui en parle le mieux. Je pense que ce n’est pas un hasard… Le livre contient par ailleurs des récits d’expériences tout à fait convaincantes. Je pense en particulier à la classe de 2de coopérative de Sylvie Grau et au « collège à la maison » qui développe un partenariat entre « la maison des potes » de Narbonne et le collège Georges Brassens du quartier Saint-Jean. Ces expériences ne sont évidemment pas transposables telles quelles. Mais elles vont en quelque sorte au bout d’une logique qui me parait exemplaire.