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En parcourant quatre cents numéros des Cahiers…

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N° 1 (nouvelle formule) Octobre 1957

La IVe République vacille ; le ministre est René Billères, dans un gouvernement Bourgès-Maunoury.

« L’interrogation »

Les Cahiers pédagogiques pour l’enseignement du second degré adoptent une numérotation continue. Ils ont pris du poids, 88 pages. Ils sont publiés par le Comité universitaire d’information pédagogique. François Goblot, gérant, assure la rédaction.

L’ensemble est sérieux, sévère même. Un dossier de 83 pages sur L’Interrogation part d’une enquête de la Direction du second degré sur « un des instruments les plus féconds et les plus souples de notre enseignement ». Le rédacteur, qui reste anonyme, utilise toutes les réponses reçues, sous forme de citations, de quelques lignes à une ou deux pages, jouant sur la typographie pour bien les distinguer des commentaires, le tout étant reclassé en six chapitres selon les divers types d’interrogation. Le dossier ne formule pas une doctrine, et par exemple un des chapitres réunit une intervention sur « l’interrogation, base de la méthode humaniste » et une autre sur « l’abus de l’interrogation, conséquence et symbole d’un vice de l’enseignement », ce vice étant l’absence de « l’activité libre de recherche ou de création personnelle ». Pour sortir de ce dilemme, le dernier chapitre porte sur « l’élève interrogateur ».

En page 4 de couverture, Marc Flandrin, comme il le fera de longues années dans le Billet du mois, habille d’humour une réflexion profonde, ici sur les technologies nouvelles appliquées à l’enseignement :
« La pédagogie n’a plus pour but de refaire l’homme du passé, l’« honnête homme » du XVII† siècle, mais le devoir de faire celui de demain […]. L’homme n’est pas ce qu’il est, mais ce qu’il est appelé à être. C’est ce que doivent deviner nos pédagogues sous peine de mort de la civilisation […]. Ce qui est de l’homme et ce qu’il faut et ce qu’il faut préserver, c‘est un certain climat d’indétermination, que l’on appelle aussi liberté ».


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N° 101 – décembre 1971

Pompidou est président de la Ve République, O. Guichard ministre dans un gouvernement Chaban-Delmas…

« Et si c’était l’École qu’il fallait révoquer ? »

Entre temps, le CRAP s’est créé, en 1963, et il est devenu une fédération de nombreux CRAP locaux ; c’est elle qui désigne le comité de rédaction, dont le directeur, successeur de Goblot, est Jean Delannoy. La vie de cette fédération et des CRAP se retrouve dans 8 pages qui forment Le petit bleu des cahiers pédagogiques. On y lit des échos des treize rencontres d‘été des CRAP, qui avaient regroupé 568 participants, et un appel à devenir correspondant des Cahiers dans les établissements (il y en avait déjà 1930).

Le CRAP et les Cahiers ne restent pas à l’écart des débats et remous de ces années d’après 68, où le ministère multiplie les révocations d’enseignants qui ont par exemple fait étudier des textes jugés sulfureux (Boris Vian !) ou évoqué la sexualité. Le Petit bleu annonce que le thème du congrès 1972 des CRAP sera justement Et si c’était l’École qu’il fallait révoquer ? Il y a là l’impact des idées alors récentes d’Illich. L’éditorial du Cahier lui-même, sous le titre Terreur blanche, élargit le thème de la répression à « une étonnante indifférence devant la gravité de la crise de l’institution scolaire. On flatte l’opinion en lui laissant croire que tout est affaire de poigne : cheveux longs, pornographie, drogue, pédagogie nouvelle, tout est mis dans le même sac. Liquidons les mauvais bergers, et l’on verra refleurir le bon lycée, avec examen d’entrée en sixième et latinistes joyeux ».
Trente ans après, ce texte porte encore.

Le Cahier, qui a abandonné la référence au seul second degré, est agrémenté de photos et de dessins. Poésie et enseignement, le dossier organisé par Jean-Paul Gourevitch, n’occupe plus que 53 pages sur 96. La matière en provient aux deux tiers de 252 réponses à un questionnaire, recueillies par les correspondants. Suivent en Chronique de la classe deux articles sur l’utilisation des images et sur l’emploi du temps, des Instruments de travail, ici un article sur la Commune de Paris dans les manuels, enfin des recensions de livres et de revues.

Le Billet du mois, de Gilbert Walusinski, à propos des critiques à la réforme de l’enseignement des maths, conclut : « Il faut enfin qu’on dise et qu’on sache bien que pour savoir quelle mathématique il faut enseigner en quatrième et en sixième et comment il faut l’enseigner, il est indispensable de n’y avoir jamais enseigné soi-même. »
Question impertinente, mais combien pertinente.


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Numéro 201 – février 1982

Mitterrand est président, P. Mauroy Premier ministre. Alain Savary, le ministre, fait souffler sur l’Éducation nationale un vent de réformes éclairées, et soutient les mouvements pédagogiques.

« Changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société »

Le Cahier a maigri : 40 pages, depuis qu’en 1972, à l’instigation de Guy Bayet, président de la Société des agrégés, le contrat par lequel l’Institut pédagogique national éditait les Cahiers a été dénoncé par ordre de M. Guichard et que le nombre d’abonnements d’établissements a chuté. Mais le moral n’a pas faibli.

Il n’y a plus de Petit Bleu, mais dans une page de Nouvelles du CRAP, le corédacteur en chef (avec Jean-Pierre Astolfi), Jean-Michel Zakhartchouk, relate une intervention du CRAP à un colloque du P.S. Et on veut toujours changer l’école, c’est même le titre d’une rubrique, qui comporte un Petit mémento du prof novateur et c’est redit par l’exergue sur la couverture.

La moitié du numéro est consacrée à un dossier : De l’économie pour tous. Il retrace « l‘histoire d’un combat » pour implanter les sciences économiques et sociales dans le secondaire, et présente des méthodes de pédagogie active dans cette discipline. Dans le Billet du mois, Yves Texier conclut, à propos de l’innovation, encouragée mais « freinée dès qu’elle n’est pas encadrée », à l’existence d’une « fraude pédagogique » : ici ou là, on innove, mais dans la discrétion, ce qui, « derrière le paravent du conformisme, nous permet de survivre et de préparer les lendemains ».

Les problèmes et difficultés de l’innovation ne sont pas nouveaux.


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Numéro 301 – janvier 1992

Mitterrand est à nouveau président, Édith Cresson Premier ministre, Lionel Jospin ministre ; il a fait voter une loi d’orientation, et mis en route les IUFM.

« L’audiovisuel : une autre façon d’apprendre »

Le Cahier a repris un peu de volume : 64 pages. Images, dessins, photographies sont plus nombreux, la couverture est agrémentée d’un joyeux pastiche de Rembrandt. Sur les vingt membres du comité de rédaction d’alors, treize le sont encore aujourd’hui.

Le Billet du mois de Cécile Delannoy épingle (déjà ! toujours !) ceux qui pensent ou affectent de penser que, dans les IUFM par exemple, une formation en sciences de l’éducation ne peut être qu’au détriment de la « culture de haut niveau » dans le domaine disciplinaire : « je demande qu’une démonstration scientifique nous en soit donnée ! » ; dix ans après, on attend toujours cette démonstration. Dans Faits et idées, Patrice Ranjard, en écho à un numéro précédent, se refuse à « choisir entre Descartes et Piaget… Les deux approches sont nécessaires », tandis que Jean-Claude Paul s’interroge sur « les limites de la démocratie à l’école ».

Le dossier sur L’audiovisuel : une autre façon d’apprendre, organisé par Monique Lafont, Annette Bon et René Rodriguez, occupe 43 pages.

« Dans cette lutte de pouvoir entre pédagogues et professionnels de la TV, que de temps et d’énergie perdus ! ».

Rejoignant les remarques du Billet, il évoque « ce monde scolaire aseptisé auquel se réfèrent certains de nos écrivains, fervents de l’élitisme républicain » (des noms !) qui s’opposent à la fois à la pédagogie et à une place pour l’audiovisuel dans la culture scolaire. Enfin, il s’attache aux rapports entre audiovisuel et processus d’apprentissage.

Une constante : ce dossier n’est pas dogmatique : « un doute, car je n’ai aucun élément pour en faire une certitude, m’assaille parfois lorsque l’on parle de nouvelles méthodes, et parfois d’audiovisuel » ni théorique : une large place est réservée aux pratiques pédagogiques dans ce domaine.