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Égalité, mixité. État des lieux et moyens d’action au collège et au lycée

Cet ouvrage pratique édité par Canopé permet à chacun et chacune, quelle que soit sa place, de trouver des informations et de bonnes idées pour s’engager dans une démarche favorisant l’égalité et lutter contre le sexisme. Nous savons qu’attaquer frontalement les stéréotypes peut avoir pour effet de les renforcer si aucun autre schéma de pensée ne peut s’y substituer. C’est donc d’abord contre les préjugés et les discriminations qu’il s’agit de lutter, tandis qu’on cherchera à neutraliser et ne pas activer les stéréotypes.

Plusieurs conditions sont essentielles pour favoriser une approche éducative intégrant le genre. Tout d’abord l’engagement institutionnel conditionne la légitimité.

L’interdisciplinarité, la transversalité et le partenariat sont trois autres paramètres également nécessaires pour que les questions relatives à l’égalité, aux discriminations ou à la sexualité entre en résonnance. Enfin il est important de prendre en compte les résistances car, pour chacun et chacune, la prise de conscience du genre (ou de rapport sociaux de sexes inégalitaires) se fait à des moments particuliers dans sa vie. Ce qui suppose de travailler à partir de l’existant, de chercher à comprendre en quoi des projets peuvent remettre en cause des équilibres personnels ou collectifs et de rechercher les points d’ancrages viables.

Comme en témoigne le plan de cet ouvrage, le « comment  » ne peut réellement être abordé qu’après avoir traité le « pour quoi » et le « pour qui », c’est à dire les finalités et les destinataires, et le « quoi  », c’est à dire les notions et les concepts.
Le genre n’est pas une discipline spécifique, il traverse tous les domaines de l’enseignement et de l’éducation. C’est plutôt une grille de lecture qui révèle des processus sociaux inégalitaires entre le féminin et le masculin. L’objectif est donc de bousculer le genre.

Comprendre pour agir et moyens pour agir

C’est bien la logique de cet ouvrage qui en réussit le pari avec brio et simplicité.
La première partie ouvre, avec pertinence, toutes les portes pour savoir de quoi on parle. Elle nous donne les clefs de compréhension pour qualifier, définir, interpréter, expliquer les trois notions/concepts que sont égalité, mixité, parité. Il faut souligner tout l’intérêt des pages concernant les méthodes statistiques et données sexuées. Comme le dit l’auteur des analyses sont « encore peu familières dans les milieux éducatifs  ». Il faut aussi lire la très bonne synthèse qui présente les approches biologiques (p. 36), sociologiques (p. 38), historiques (p. 42) du genre.

La seconde partie se décompose en trois temps. Dans le but d’aider à préciser les intentions poursuivies lorsqu’on souhaite travailler sur ces questions, une typologie des modes de travail pédagogiques est proposée. Différents moyens de ressources (photo langages, quiz, jeux de rôle, expositions, etc. ; p. 63 à 78) permettent de traiter le genre avec des élèves. Enfin trois axes de réflexion et d ‘évolution, sans visée modélisante, sont présentées (neutralisation des stéréotypes, compétences psychosociales, accompagnement des minoritaires) pour illustrer l’articulation entre une problématique particulière et des activités pédagogiques, en fonction d’une finalité. Les annexes et références, bien choisies, complètent l’ensemble.

Hugues Demoulin invente le « genroscope  » dans son introduction que je ne peux m’empêcher de restituer en conclusion car il est toujours question d’avoir un regard « genre  ». Donc il nous faut « des “lunettes genre’’ avec lesquelles on observe les apparences corporelles, l’occupation de l’espace, les activités pratiquées, et que l’on chausse pour lire les images du féminin et du masculin dans les manuels scolaires ou les médias. Des “oreillettes genre’’ pour écouter les échanges verbaux, les sous-entendus et même les insultes. Un “miroir genre’’ pour se voir soi-même, femme ou homme, sexuellement orienté-e alors que notre fonction éducative supposerait une neutralité parfaite. Un “prisme genre’’, enfin, pour décomposer l’apparente évidence du naturel ».

Geneviève Pezeu