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Écouter pour mieux se faire entendre, l’enquête TEQ. Conditions de travail en collège du Sgen-CFDT

Les collèges constituant souvent un « désert » syndical, le TEQ est construit comme un moyen de retisser des liens avec l’ensemble des personnels en collège (enseignement, éducation, orientation, direction, ouvriers, labo, santé-sociaux), qui se sentent à tort ou à raison oubliés ou laissés pour compte et de rendre les adhérents du Sgen-CFDT acteurs de ce processus.
Stratégie de politique éducative. Le collège est perçu comme le maillon faible du système éducatif, le lieu où se nouent les contradictions du fonctionnement de l’école, le réceptacle de toutes les insatisfactions. L’assourdissant silence sur le collège dans une période où tous les secteurs se voient proposer des réformes est à cet égard symptomatique. Dans ce contexte, recueillir l’avis des acteurs de terrain devient un élément important d’une stratégie de transformation, mais ce n’est bien sûr pas le seul.
L’ampleur prise par le TEQ collège a largement dépassé nos espérances : 1 200 enquêteurs, 18 000 questionnaires remplis en quatre mois. Une expérience inédite, motivante, enrichissante et valorisante pour ceux qui l’ont piloté et ceux qui l’ont fait vivre.

Enseigner, éduquer, (s’) évaluer

La surprise, ce sont des résultats qui laissent espérer que la transformation progressiste de l’école n’est pas une utopie pédagogique. Même quand elle n’est pas majoritaire, elle est enracinée dans la réalité des collèges et la pratique des personnels.
Enseigner aujourd’hui en collège, c’est d’abord « éduquer et socialiser » (70 % des répondants), loin devant « transmettre des savoirs » (50 %) et « apprendre à apprendre » (40 %). C’est un constat de la réalité vécue, sans parti pris positif ou négatif. Dans la perception de ceux qui en sont chargés, la mission du collège – le collège de tous qui peut devenir le collège pour tous – associe éducation, enseignement et méthodologie et l’éducation est ce qui lui donne du sens.
Les programmes tels qu’ils sont actuellement conçus sont, à des titres divers, remis en cause par plus de 85 % des répondants. L’empilement programmé des connaissances, référence suprême de la hiérarchie et hantise de nombre de collègues, se révèle inadapté aux besoins des élèves et aux exigences des enseignants.
La note chiffrée pour évaluer les élèves ne suscite pas de remise en cause globale. Système qui a fait ses preuves pour un quart des répondants, elle reste pour plus d’un tiers un mal nécessaire. Si 18 % sont résolument contre avec l’exigence de nouvelles formes d’évaluation, un petit quart doute que leur travail serait plus aisé sans note. Cette dispersion montre qu’un débat peut s’ouvrir, une part non négligeable des enseignants étant prête à entendre une argumentation convaincante pour évaluer autrement.
Concernant l’inspection, le nombre de ceux pour qui elle est une routine sans impact (47 %), de même que la proportion de ceux qui n’ont jamais été inspectés (11 %), sont des confirmations. Ce sont les 31,2 % à qui l’inspection a apporté des conseils pédagogiques qui surprennent. Abstraction faite du rapport hiérarchique à l’inspecteur qui s’inscrit plutôt dans les catégories de l’inefficacité et de l’injustice comme le montrent les réponses sur la notation, l’avancement et la promotion, ce chiffre pointe un besoin de conseil et d’évaluation pédagogiques, perceptibles dans d’autres signaux issus du TEQ (difficultés professionnelles, travail en équipe, participations aux réunions, etc.).

Du temps pour des tâches multiples

La conception même de la pratique du métier montre une évolution que nous jugeons positive.
Une forte majorité des collègues, enseignants et non-enseignants participent régulièrement à la vie de l’établissement (les deux tiers) ou aux actions éducatives (une forte moitié). Majoritairement, ces tâches sont parties intégrantes du métier pour 40 % des répondants. Au pire, elles sont acceptables si elles sont payées (18 %).
Le travail en équipe est pour ainsi dire plébiscité par 77 % des répondants. Une majorité (57 %) conditionne cependant son acceptation à la réalisation de conditions de temps et de moyens.
70 % des personnels interrogés pensent que la pratique des réunions est utile et a de bons objectifs. Même si les personnels sont conscients qu’il faut en prendre l’habitude et en intégrer les méthodes.
Et ce ne sont pas seulement des paroles : 86 % des répondants déclarent passer plus de vingt heures dans les locaux du collège et 61 % effectuer des heures au-delà de leurs horaires règlementaires.
Reste l’épineuse question des heures supplémentaires. 10 % des répondants souhaitent en faire plus et 22 % sont prêts à en faire quelques-unes. Ces pourcentages sont souvent corrélés avec la jeunesse des personnels et l’affectation en établissement difficile. Les conditions du début de carrière sont clairement en cause : demande d’heures supplémentaires des débutants (rémunération, installation, transport, etc.) et offre d’heures supplémentaires de la part des collèges difficiles (projets innovants, suivi, actions éducatives). C’est grave car la pathologie de la fatigue due au travail, déjà importante globalement, est accentuée dans ces zones difficiles où exercent majoritairement les jeunes débutants.
Une très forte majorité (85 % des réponses) pense qu’il faut recruter du personnel au moment où l’État employeur hache menu l’emploi public, en particulier dans l’éducation. Face à une gestion purement comptable, les personnels enseignants et non-enseignants travaillant en collège affirment des besoins qui sont précisément définis : deux tiers des réponses pour la vie scolaire, un peu plus de la moitié pour l’enseignement, un bon tiers dans la santé et pour la maintenance informatique, un peu moins d’un tiers pour le ménage et l’entretien.
Les réponses concernant le matériel reflètent une satisfaction globale, sans doute à cause du développement des nouvelles technologies et de l’implication des conseils généraux. Encore qu’une forte insatisfaction émane des zones les plus difficiles, signe de la persistance d’une inégalité de traitement.
Pour conclure, les résultats du TEQ indiquent que, tout au moins en collège, les personnels sont plus percutés que ce que l’on pouvait imaginer par les changements dans l’exercice du métier et la mission de l’école. Quelle que soit leur opinion subjective sur le sens de cette évolution, ils sont dedans, ils font avec, ils jouent le jeu. Ils veulent plus ou moins nettement être partie prenante des changements. Cela peut constituer un levier pour aller plus loin dans la nécessaire transformation du collège et du système éducatif. Aux syndicats et aux associations pédagogiques, chacun dans son domaine propre, d’appuyer sur ce levier.

Michel Rapine, secrétariat développement du Sgen-CFDT.