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Éthique et intelligence artificielle

Vendredi 28 juin, Conférence Vanda Luengo, enseignant chercheur au Laboratoire d’informatique de Paris 6 – Sorbonne Université faisait une conférence sur l’intelligence artificielle et l’éducation, jugeant «très possible» que l’intelligence artificielle (IA) fasse partie de l’avenir en éducation.

L’IA en éducation, rappelle-t-elle, cela représente plus de 30 ans de recherche, avec des apports des sciences de l’éducation, de psychologie, de didactique, de psycholinguistique, de sociologie. On se situe dans l’ingénierie des connaissances, la conception de modèles informatisés pour interagir avec les élèves. «Ce n’est pas la machine qui apprend mais l’élève qui a l’impression d’avoir quelqu’un d’intelligent en face.»

La modélisation peut intervenir dans trois domaines: la matière étudiée; les émotions, les erreurs et les connaissances de l’apprenant; et les effets des approches et interactions pédagogiques choisies par l’enseignant. Pour cela, «il faut une meilleure compréhension des approches d’enseignement et de leur contexte (caractéristiques socioéconomiques des apprenants, connaissances préexistantes…)».

Vanda Luengo envisage les futurs usages possibles de l’IA en éducation :
– les tuteurs personnels (avec plusieurs types de tutorat possibles);
– l’accompagnement intelligent pour l’apprentissage collaboratif (comment faire travailler les apprenants par paire de manière intéressante et profitable, notamment en recommandant des duos à partir de l’analyse des métaconnaissances recueillies sur les apprenants);
– la réalité virtuelle et les jeux sérieux, avec une adaptation des scénarios et des interactions selon les profils d’apprenants;
– la prévention du décrochage;
– le suivi des progrès de l’apprentissage, avec à terme l’identification des erreurs significatives pour adapter l’enseignement, des informations sur l’état émotionnel (stress positif ou négatif, par exemple);
– les évaluations, au-delà des QCM (questionnaires à choix multiple) courts pour les évaluations finale existants aujourd’hui.

L’IA peut permettre de développer l’expertise des enseignants, de réduire le stress et la pénibilité du métier, de libérer du temps pour faire ce que les humains font le mieux avec les élèves. Vanda Luengo prévient : «On ne peut pas dire qu’une méthode va marcher mieux qu’une autre, mais que tel type d’interaction marche mieux qu’un autre.»

Et elle assure: «Non, on ne va pas remplacer l’enseignant!», renvoyant à une vidéo en ligne sur le site de l’ATIEF (Association des technologies de l’information pour l’éducation et la formation), intitulée «Les enseignants vont-ils disparaitre?».

De fait, «l’IA en éducation existe : il ne s’agit pas de la rejeter mais de décider comment et à quoi on veut qu’elle serve». Ainsi, l’une des grandes questions est celle de l’éthique, dans le partage des données comme dans l’acceptabilité des finalités de certains projets ou applications des recherches.

Il y a également selon Vanda Luengo des «défis sociétaux» à prendre en compte, notamment la nécessité d’ «aider ceux qui en ont le plus besoin» par un tutorat individuel, et de vérifier qu’il y a de véritables avantages avec le recours à l’IA «ou si ça ne sert à rien». Et elle insiste sur l’importance d’impliquer les apprenants, les enseignants, les parents, dans la co-conception des systèmes intelligents, pour mieux répondre à leurs besoins.

Cécile Blanchard
Rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques

Le CLIC, 1ère !

Le CLIC, difficile d’y échapper, quand on est sur les réseaux sociaux de profs. Et on n’en a pas forcément une bonne image, plutôt les bonnes images, car ce congrès est multiforme. Pour moi, c’était d’abord un grand événement, avec une forte mise en scène (grâce entre autres aux nombreux partenaires) et une rencontre entre spécialistes de la classe inversée. Je le voyais (et cette vision m’est propre) comme une sorte d’entre soi de personnes rivalisant, avec les derniers moyens ou gadgets technologiques, pour faire leurs cours. Et quelques citations des ateliers présentés n’aidaient pas non plus à y apporter un correctif, tout simplement parce qu’assister à une conférence, ou n’en avoir qu’une partie hors contexte n’est pas du tout la même chose (et ce n’est pas valable que pour le CLIC).

Et puis… on discute avec certains collègues, on se rend compte que ses pratiques pédagogiques ne correspondent plus aux profils de ses élèves, et on a une petite pointe de curiosité. Décision prise, vendredi en fin de matinée d’y aller ! En route donc pour Jussieu !

Eh bien (mais comme souvent), les réseaux sociaux ne sont qu’un reflet déformé d’une réalité bien plus riche. Pendant ce week-end pédagogique (vendredi et samedi), j’ai pu voir des personnes passionnées et animées par des convictions, mais aussi très ouvertes. Plusieurs fois, j’ai pu entendre que c’était une méthode parmi d’autres. Des collègues ont énoncé leurs échecs (en contradiction totale avec l’apparente magie des dispositifs montrée par Twitter) et leurs pistes pour y remédier.

Parce que de dogmatisme, il n’en est pas question… On présente des situations ou des démarches (classe inversée, classe renversée, travail par groupe, story telling…) des outils pour enrichir ses pratiques (la webdocuthèque, recensant 400 webdocumentaires, par exemple), mais aucune remise en cause des autres méthodes ni volonté d’imposer. Donc, j’ai fait comme pour d’autres colloques ou rencontres pédagogiques : j’ai écouté, observé, approuvé ou parfois non. Bref, j’ai picoré, pour pouvoir à mon tour utiliser quelques unes de ces pépites dans mes cours. Et pour le coup, ce colloque tombe à point nommé à cette période de l’année où on fait le bilan et on a déjà dans un coin de sa tête des projets pour la rentrée… Bref, un bon petit bain pédagogique, avant la pause estivale !

Anne-Sophie Martinez
Enseignante d’Histoire-géographie en collège

De la classe inversée aux pédagogues actives

Je ne me sentais pas très à l’aise en arrivant au CLIC, car j’ai commis il y a deux ans un petit texte assez incisif dans lequel j’expliquais pourquoi l’idée d’inverser la classe m’agaçait. Deux ans après, j’avais envie de voir comment les choses avaient évolué, d’autant plus que l’intitulé du congrès comporte maintenant une référence aux pédagogies actives. Ce que j’ai vu pendant ma journée au CLIC s’est révélé conforme à ce que j’avais imaginé : des collègues enthousiastes, dynamiques, qui partagent généreusement leurs trouvailles pédagogiques.

Au centre de toute cette effervescence, il m’a semblé apercevoir la quête d’un Graal pédagogique : la motivation des élèves. Les élèves d’aujourd’hui ne seraient plus motivés par les apprentissages et chacun s’efforce d’apporter sa solution au problème. Les trois solutions que j’ai identifiées dans les ateliers auxquels j’ai participé sont l’individualisation des apprentissages (par l’intermédiaire d’une feuille de route qui peut être ou pas numérique), la ludification (escape games, TD «ludifiés» en classe prépa) et la mobilité des élèves (la classe flexible). Ces ateliers ayant fait salle comble, ils semblent bien répondre aux besoins actuels des enseignants.

Ce qui m’a surprise en revanche, c’est le clivage qui existe entre concepteurs et consommateurs, à croire que ce sont toujours les mêmes enseignants qui proposeraient des solutions pendant que d’autres viendraient faire leur marché, la naïveté de certaines questions posées durant les ateliers m’ont renforcée dans cette impression que certains collègues ont du mal à prendre du recul par rapport aux solutions présentées.

D’autre part, si la profusion d’idées et d’astuces pédagogiques m’a semblé intéressante, j’ai regretté un manque d’étayage pédagogique à certains moments. Toutes les solutions ne se valent pas, la réflexion sur l’individualisation des apprentissages par exemple ne peut pas faire l’impasse sur des dérives possibles.

Pour finir, j’ai pu constater qu’aucun des intervenants des ateliers auxquels j’ai assisté n’a utilisé le mot «inverser», ce qui semble subsister de l’idée initiale d’inverser la classe est une mise en valeur des pédagogies actives et la redécouverte de méthodes qui en fait ont au moins un siècle, comme le plan de travail ou le travail de groupes… Le numérique semble être passé au second plan, dans certains ateliers, le travail se fait sans aucun recours au numérique (classeurs avec cours et fiches autocorrectives pour le travail individualisé, utilisation d’un rétroprojecteur pour projeter les réponses des élèves…). En définitive, la classe inversée aura sans doute été un point d’étape utile pour redécouvrir le riche patrimoine des pédagogies actives qui peuvent se passer du numérique et je ne peux que m’en réjouir…

Cécile Morzadec
Enseignante d’espagnol en lycée

À la découverte des Cogniclasses

L’atelier «Ma cogniclasse ou comment allier classe inversée et sciences cognitives» avait fait le plein, ce qui montre combien le sujet passionne ! L’animateur, Antonio Chapeira, enseigne les SVT (Sciences de la vie et de la Terre) dans la région parisienne et proposait un «retour d’expérience», étant membre du réseau relai ressources de l’équipe de Jean-Louis Berthier[[Voir https://sciences-cognitives.fr/]], spécialiste des neurosciences cognitives appliquées à l’apprentissage et à la formation, et ayant expérimenté l’usage d’outils autour de la mémorisation et de l’attention notamment dans sa classe inversée.

Dans un laps de temps forcément court, Antonio Chapeira a fait part de l’efficacité de techniques utilisées avec ses élèves, conformément à ce qui se dégage de nombreuses recherches, qu’il s’agisse du multitesting, de la réactivation fréquente, des cartes mentales, de moyens pour impliquer les élèves (fabrication par eux-mêmes de quizz par exemple) ou de l’usage fréquent des feed backs et de la métacognition. On peut retrouver sur un padlet tous ces éléments exposés lors de l’atelier.

Les contraintes de temps et d’espace n’ont pas permis de vraiment débattre suite à l’exposé, clair et stimulant de l’animateur. On aurait pourtant aimé exprimer sinon des réserves, du moins des questionnements. Comment ne pas être prisonnier des outils numériques qui peuvent finalement amener vers une pédagogie assez stéréotypée (abondance de quizz et de tests de connaissance) ? Prôner la possibilité de recommencer un travail raté, utiliser la «méthode Antibi», pourquoi pas, mais pointer les dérives possibles ou ne pas mythifier l’apport de «recherches qui nous disent quelles sont les méthodes les plus efficaces» est tout aussi nécessaire. La métacognition, prônée à juste titre, concerne aussi les enseignants qui doivent être des praticiens réflexifs en sachant aussi «penser contre eux-mêmes» !

Jean-Michel Zakhartchouk
Enseignant de français honoraire


À lire également sur notre site:
«Les pratiques au cœur de la classe inversée remontent à plus d’un siècle !» Entretien avec Françoise Colsaët et Héloïse Dufour, coordinatrices du n°537 des Cahiers pédagogiques, «Classes inversées»

CLIC 2018 – Classes inversées et éducation nouvelle, par Jean-Michel Zakhartchouk

CLICx 2017 – Ouverture du troisième congrès de la classe inversée, par Stéphanie Fontdecaba

CLIC 2016 – La classe inversée n’existe pas, par Cécile Blanchard

CLIC 2015 – Inverser les pratiques, par Roseline Ndiaye

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