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Du réflexe de la réponse à la recherche du savoir

Les constats que nous pouvons exposer pour commencer seront sûrement familiers à de nombreux lecteurs. Les classes dont nous avons la charge dans notre collège sont d’une très grande hétérogénéité, avec un nombre important d’ élèves en réussite (voire en très grande réussite) et un petit nombre d’enfants en grande difficulté (dont des orientations en SEGPA refusées par les familles). Leurs rythmes sont extrêmement variables, les « meilleurs » terminent rapidement et finissent par s’agiter, les plus en difficulté se démotivent et abandonnent leur recherche.

Mais surtout, les élèves, qu’ils soient en réussite ou en difficulté, fonctionnent presque tous selon un schéma qui ne nous satisfait pas. Leur rôle, pensent-ils, est de faire la recherche demandée, mais elle doit immédiatement être confirmée ou infirmée par l’enseignant. D’où un fonctionnement de type : j’essaie, et en cas d’erreur je propose une autre réponse, sans réflexion. Et encore, dans le meilleur des cas. D’autres élèves développent un attentisme, voire un refus de travail déguisé sous la forme de diverses stratégies d’évitement : à quoi bon chercher puisque le prof finira bien par fournir la bonne réponse !

Notre rôle nous interroge aussi. Est-ce que la bonne réponse, tant attendue par l’élève, est véritablement une fin en soi ? Elle répond bien sûr souvent à un objectif de connaissance mais a trop souvent tendance à s’y réduire. Qu’en est-il alors de l’analyse, de la capacité des élèves à s’évaluer ?
Quelle aide apporter aux élèves ? Soutenir, expliciter sans cesse, faciliter les tâches pour qu’elles deviennent aisément réalisables, est-ce que c’est réellement aider les élèves ? Ou bien est-ce que cela a tendance à renforcer leur sentiment d’échec, de dépendance vis-à-vis du prof, de manque de confiance ?
Comment faire sortir les élèves du fonctionnement que nous avons évoqué pour les amener à de véritables réflexions et pas seulement à répondre de manière mécanique ?

Vers l’autonomie

En 5e, nous nous sommes donc donné quatre d’objectifs :
– amener nos élèves à travailler de manière autonome, et à gérer leur temps,
– les obliger à mener de véritables réflexions. Pour cela, les confronter à une tâche relativement complexe, qui ne consiste pas à une simple juxtaposition de tâches élémentaires, mais qui les amène au contraire à mobiliser différentes compétences. Chaque partie du cours correspond ainsi à la recherche d’informations permettant de répondre de manière argumentée à la question-problème préalablement posée,
– les aider à développer des capacités d’auto et de co-évaluation,
– développer une estime de soi, sans crainte de l’échec.

Chaque séquence est divisée en 4 phases :
– activités de recherche : les élèves travaillent en autonomie sur des documents et réalisent une ou plusieurs synthèses,
– autocorrection et la co-évaluation : par groupes, les élèves effectuent un travail de correction,
– bilan : reprise des points les plus importants avec des explications supplémentaires. Retour sur les synthèses,
– évaluation des acquisitions : contrôle de fin de chapitre.

Dans les activités de recherche, les élèves sont en complète autonomie : ils travaillent individuellement, sans aide (ni de la part de l’enseignant, ni de celle des autres élèves). Ce procédé permet d’obtenir des élèves une véritable réflexion, de sortir de leur dépendance vis-à-vis de l’enseignant (l’explication salvatrice !) et d’éviter des attitudes de « fuite » face au travail (attentisme, passivité). À partir de fiches, ils travaillent sur différents documents (textes, cartes, schémas, graphiques, … mais aussi dictionnaires) dont ils relèvent, classent et organisent les informations en fonction des consignes.

Chaque grande partie du chapitre se termine en général par une synthèse que les élèves doivent rédiger à partir des informations préalablement relevées, et qui consiste en la réponse argumentée à la question titre.

Toute cette phase de travail est ritualisée dès le début d’année afin que les élèves se repèrent bien . La manière de réécrire les différents titres se fait selon un code dont ils disposent ; les passages de la fiche qui sont à recopier (problématiques, certaines informations) apparaissent clairement, toujours de manière codifiée ; sur les fiches d’activité figurent aussi des signes (codes) permettant aux élèves de clairement savoir quelles sont les parties à découper et insérer dans le cahier.

Cette phase permet une véritable différenciation : les élèves travaillant le plus vite et le plus efficacement approfondissent un ou plusieurs points précis du chapitre, qui ne font pas partie des objectifs de connaissances évaluables au contrôle. Le temps imparti est estimé pour que les plus en difficulté aient juste le temps de terminer (ils doivent donc tous avoir répondu à tout).

Autocorrection et co-évaluation

Lorsqu’ils ont terminé les activités de recherche, les élèves travaillent par groupes (en général de quatre) constitués de manière hétérogène. Ils effectuent ensemble un travail de correction éventuel ou de validation de leurs réponses. Ils s’appuient pour cela sur des fiches d’autocorrection. En début d’année elles comportent surtout des réponses « clés en main » et/ou des indications pour faciliter la recherche et donc trouver la « bonne réponse » (qui les préoccupe tant) aux questions sur documents.

Ils comparent aussi leurs différentes synthèses et les vérifient à partir des critères de réussite. Cela leur permet non seulement d’éventuellement les améliorer, mais aussi d’acquérir un regard critique sur leurs différentes productions. La progression annuelle réserve une plus grande part à ce travail de co-évaluation sur les synthèses en fin d’année. De temps en temps, une synthèse collective (dans le cadre du groupe) est rendue.
Le temps accordé pour cette phase est relativement court : il faut avoir réellement cherché lors de la phase précédente pour se corriger de manière efficace. Le manque de temps doit amener les groupes à mieux communiquer, à s’organiser de façon à utiliser au mieux ce laps de temps.

Dans le bilan, il s’agit de reprendre les points fondamentaux par rapport aux objectifs, de faire certaines explications supplémentaires (notamment en fonction des observations que nous avons pues faire au cours du travail sur fiches), de corriger les synthèses. De nouveaux documents peuvent ici être utilisés de manière collective. Les idées importantes sont alors listées au tableau et les élèves doivent vérifier leur production et faire les ajouts éventuels.
L’oral et le récit prennent ici toute leur place, au bénéfice notamment des élèves plus « auditifs ».

Des capacités de concentration insoupçonnées

L’évaluation du dispositif après quelques mois ne peut être que partielle. Néanmoins, nous pouvons dresser un certain nombre de constats.
Tous les élèves travaillent, s’investissent dans les activités de recherche. Les attitudes de fuite face au travail ont disparu, même chez les élèves que l’on pourrait qualifier de décrocheurs. Sur 101 élèves concernés par ce dispositif, à ce jour 1 seul « persiste ».
Les problèmes de discipline qui accompagnent le décrochage sont ainsi inexistants lors de la phase consacrée aux activités de recherche. Nous découvrons des capacités de concentration dans la durée insoupçonnées chez certains élèves. Pour d’autres, qui ont des déficits de concentration, ces moments nous semblent de plus en plus brefs et la remise au travail est plus spontanée, nous devons de moins en moins intervenir en ce sens.
Les progrès en ce qui concerne l’autonomie dans le travail sont importants pour la majorité des élèves, notamment dans leur capacité à lire et comprendre les consignes. Les progrès sont aussi notables dans la rédaction des synthèses argumentées (tâche pourtant complexe) du fait de l’exercice répété et corrigé.
Les élèves les plus lents ont le temps de réellement terminer leurs activités de recherche, alors que les plus rapides ont la possibilité d’approfondir certains aspects par des activités supplémentaires. Cette différenciation dans le rythme et la charge de travail convient bien aux élèves qui, à 91 %, trouvent les fiches adaptées à leurs compétences.
Certains élèves ont néanmoins toujours une préférence pour un cours plus dialogué sur l’intégralité des chapitres.

Quelles modifications apporter ?

Dans le cahier :
– un affichage des règles de présentation du cahier dans la classe, en supplément de la fiche placée en début de cahier et de l’évaluation placée en fin,
– une vérification systématique de la tenue des cahiers dès les premières semaines de fonctionnement.

Fonctionnement de la phase de correction :
-alternance de divers moyens : auto-correction en groupe, correction en cours dialogué avec l’enseignant, réalisation et remise au professeur d’une synthèse de groupe.

Connaissances, objectifs :
– la numérotation des pages du cahier sera obligatoire pour les reporter sur la fiche d’objectifs,
– un lexique du vocabulaire et des notions figurant sur la fiche d’objectifs doit être constitué au fur et à mesure sur une feuille pour chaque chapitre et collé dans le cahier une fois la séquence terminée,
– lors des phases de bilan, des liens encore plus systématiques seront faits entre le contenu et la fiche d’objectifs,
– distribution aux parents lors de la première réunion de rentrée d’une fiche explicative de la méthode et conseils pour aider les élèves.

Évaluation :
– utilisation d’une grille d’observation remplie lors des travaux en autonomie afin de mieux mesurer les difficultés de chacun et ainsi de pouvoir individualiser les conseils apportés dans cette évaluation formative,
– instauration de contrôles de connaissances à faible coefficient en milieu de chapitre.

Sébastien Moriceau, Stéphanie Pipard, Histoire-Géographie, collège Le Haut Gesvres, Treillières.